Louis Legendre, lauréate

Océanographe

Naissance le 16 février 1945 à Montréal, décès le à 

Biographie

Les océans jouent-ils un rôle dans le ralentissement du réchauffement
global de la planète? Comment prévoir les cycles d’abondance et
de pénurie qui influent sur les ressources biologiques à la base
de la chaîne alimentaire marine? « Il y a trop d’inconnues pour
répondre à des questions aussi vastes », explique Louis
Legendre, chercheur en sciences de la mer et directeur du Laboratoire d’océanographie
de Villefranche-sur-Mer, France (ex-professeur à l’Université
Laval). « Nous ne disposons que de données fragmentaires. Faute
d’une vision synthétique, il est souvent difficile aux chercheurs d’embrasser
des problèmes qui exigent une approche pluridisciplinaire. »

L’ouvrage Écologie numérique, publié pour la première
fois en 1979, par Louis Legendre et son frère Pierre Legendre, spécialiste
des écosystèmes et professeur à l’Université de
Montréal, constitue le document indispensable à tout chercheur
qui aborde les sciences de l’environnement vivant, notamment l’océanographie
biologique. Doté de cet outil aussi polyvalent qu’efficace, Louis Legendre
se lance dans l’étude du comportement des masses d’eau et de leurs effets
sur la productivité biologique.

Une théorie océanographique

Dès 1981, Louis Legendre se distingue en proposant une généralisation
des conditions de fertilité des océans. Depuis des millénaires,
les agriculteurs ont compris qu’aux rayons du soleil il faut ajouter le soutien
de la charrue et retourner la terre pour en accroître le rendement. Au
large, les océans sont animés d’un mouvement vertical des eaux,
l’équivalent du soc du laboureur. Ce mouvement favorise la montée
des sels minéraux des profondeurs jusqu’à la surface, où
la lumière est suffisamment intense pour permettre la photosynthèse.
Ce processus, qui se trouve à l’origine de la vie marine, est essentiel
à la croissance du phytoplancton (algues microscopiques) dont dépendent
ensuite les autres organismes marins. En élargissant ces observations
limitées à certains phénomènes ponctuels, Louis
Legendre montre que, lorsque l’hydrodynamique est trop intense, le phytoplancton
est entraîné en profondeur. Comme la lumière y est trop
faible pour la photosynthèse, la production biologique s’en trouve limitée.
En revanche, les régions où alternent mélange vertical
et stabilité constituent des milieux idéalement fertiles.

Formellement mise en chantier en 1994, la théorie océanographique
que bâtit Louis Legendre fait naturellement suite aux travaux qu’il mène
depuis près de 25 ans en tant que professeur-chercheur à l’Université
Laval et membre du Groupe interuniversitaire de recherche océanographique
du Québec (GIROQ). Pour réaliser son projet, il bénéficie
de la prestigieuse bourse de recherche Killam. Cette théorie devrait
permettre, tout au moins en ce qui concerne les étendues marines, mais
aussi pour ce qui touche l’éventuel réchauffement de l’atmosphère,
de dégager les lois générales relatives aux phénomènes
biologiques en cause. Elle pourrait favoriser la mise au point des méthodes
globales qui manquent actuellement pour comprendre, par exemple, les liens qui
existent entre les fluctuations des ressources halieutiques, le climat, les
mouvements de la mer et la productivité biologique des océans.
Projet démesuré? Non. Projet ambitieux certes, mais à la
portée de l’audacieux théoricien qu’est Louis Legendre.

Le scientifique de la mer

Les collègues de Louis Legendre admirent en lui l’« homme de terrain
 »: l’expression fait sourire quand on songe que son terrain s’appelle
le Saint-Laurent ou les océans Arctique, Atlantique et Pacifique. Il
faut voir avec quel enthousiasme Louis Legendre parle des préparatifs
d’une campagne océanographique ou du plaisir qu’il éprouve à
l’idée d’y rencontrer des chercheurs de nombreuses disciplines. Naturellement,
tout comme ses collègues, Louis Legendre conduit, à bord du navire-laboratoire,
une gamme d’expériences précises. Cependant, il ne perd pas de
vue son objectif plus large : il espère tirer une interprétation
globale de l’ensemble des observations qui seront faites. Et parfois les résultats
sont au rendez-vous. Ainsi, en 1996, en comparant les périodes de forte
production phytoplanctonique (fin d’hiver et début de printemps) avec
celles de l’été dans le golfe du Saint-Laurent, le chercheur s’aperçoit,
contre toute attente, que la quantité de matériel organique qui
coule au fond de l’océan est à peu près égale au
printemps et en été. Cette observation vient boucler une dizaine
d’années de travail, récompensant la patience et surtout le sens
de la synthèse de l’océanographe. Une fois de plus, l’hydrodynamique
marine explique le sort de la production primaire, mais, cette fois-ci, la distinction
entre grandes et petites algues fait la différence.

La troisième synthèse à laquelle se consacre Louis Legendre
est plus fondamentale. Elle concerne les échanges de gaz carbonique entre
l’océan et l’atmosphère et recoupe ainsi la question du réchauffement
de la planète. La question que se posent océanographes et climatologues
est de savoir si les océans absorbent plus de gaz carbonique qu’ils n’en
renvoient dans l’atmosphère, jouant ainsi un rôle dans le freinage
de l’effet de serre.

D’un océan à l’autre

Depuis le début de sa carrière, Louis Legendre vogue de l’estuaire
du golfe Saint-Laurent aux récifs coralliens de la Polynésie,
en passant par les eaux polaires de l’Arctique canadien, de la mer du Groenland
ou de la mer d’Okhotsk (Japon). Au fil des années, il met sur pied et
anime les meilleures équipes de recherche en océanographie. Il
participe au lancement d’importants projets de recherche nationaux et internationaux.
En outre, il organise et anime le projet scientifique Saroma Resolute Study,
mené en collaboration avec des chercheurs japonais. De plus, Louis Legendre
contribue au développement et au rayonnement de l’océanographie
par ses publications (près de 200 articles scientifiques et une quinzaine
d’ouvrages) et par ses activités d’enseignement et de formation d’étudiants
aux trois cycles universitaires.

Certes, les océans absorbent plus de gaz carbonique qu’ils n’en rejettent,
mais le processus n’est pas uniforme. Pour le comprendre, Louis Legendre s’efforce
de concilier le point de vue des biologistes, des pêcheurs et des géochimistes.
Il estime qu’ils ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Pour
les unifier, il y a fort à parier qu’une fois encore l’hydrodynamique
sera la meilleure conciliatrice.

Résumé de la carrière de Louis Legendre

1971
Doctorat en océanographie biologique de l'Université de Dalhousie

1973-2000
Professeur à l'Université Laval, Québec

1985
Prix Léo-Pariseau de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences

1986
Prix Michel-Jurdant de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences

1989-2000
Vice-président du Groupe interuniversitaire de recherche océanographique du Québec

1990
Prix Léon-Lortie de la Société Saint-Jean-Baptiste

1997
Prix Marie-Victorin

1999
Médaille de l'Université du Québec à Rimouski

2000-
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique

2001-
Directeur du Laboratoire d'océanographie de Villefranche-sur-Mer, France

Information complémentaire

Date de remise du prix :
6 décembre 1997

Membres du jury :
Mohammed I. El-Sabh (président)
Jacques Bovet
Reine Gagnon
Joseph Hubert
John J. Jonas
Crédit photo :
  • Marc-André Grenier
Texte :
  • Bernard Lévy
Mise à jour :
  • Nathalie Kinnard