Frederik Andermann, lauréate

Neurologue

Naissance le 26 septembre 1930 à Czernowitz (Ukraine), décès le 16 juin 2019 à 

Entrevue

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Biographie

Frederick Andermann et son épouse Eva forment un couple hors du commun.
Mariés en 1965, le neurologue et la neurogénéticienne travaillent
ensemble depuis près de 40 ans à l’Institut neurologique
de Montréal (INM) de l’Université McGill : Frederick Andermann
y est directeur de l’Unité de recherche sur l’épilepsie
et Eva Andermann, directrice de l’Unité de neurogénétique.
Parmi leurs travaux, notons la description d’un nouveau syndrome, soit
la dégénérescence du système nerveux central et périphérique,
aujourd’hui appelé le « syndrome d’Andermann »,
qui frappe environ 1 personne sur 2 000 dans les régions du Saguenay et
de Charlevoix. Au fil des années, leur action commune permettra de faire
progresser les connaissances sur la classification, le diagnostic et le traitement
de l’épilepsie, ce trouble neurologique qui affecte plus de 300 000 Canadiens,
sans oublier leur collaboration internationale à la recherche
et à la formation de disciples originaires de tous les continents qui
perpétuent la tradition établie par le docteur Penfield au Québec.

En 1934, quand Wilder Penfield fonde l’Institut neurologique de Montréal,
Frederick Andermann est encore un jeune enfant pris dans la tourmente
de l’entre-deux-guerres,
dans sa région natale de la Bucovine, partagée depuis entre l’Ukraine,
la Moldavie et la Roumanie. Il a 9 ans lorsque commence la Seconde Guerre mondiale.
Il en retiendra, avant tout, les leçons de courage de sa mère,
qui prend d’énormes risques pour sauver de nombreux enfants orphelins. À la
fin du conflit, la famille quitte la Roumanie pour Paris, puis s’installe à Montréal,
en 1950. Frederick Andermann s’inscrit en sciences à l’Université McGill,
puis en médecine à l’Université de Montréal.
Il est très tôt fasciné par le fonctionnement de cette
incroyable machine vivante qu’est le cerveau et décide de se spécialiser
en neurologie. À l’époque, les travaux de Wilder Penfield à l’Institut
neurologique de Montréal sont déjà à la fine pointe
de la recherche mondiale sur l’épilepsie. Lorsqu’il est
engagé comme professeur au Neuro, ainsi que l’on surnomme cette
institution, Frederick Andermann s’intéresse donc tout naturellement à l’épilepsie.
Aujourd’hui encore, il se fait à l’Hôpital neurologique
de Montréal plus de chirurgies pour traiter ce défaut du cerveau
que dans tout autre endroit au monde.

Dans les années 60, on connaît encore très mal les troubles
neurologiques qui affectent les enfants. Par goût du défi, le
chercheur devient l’un des premiers neurologues pédiatres au pays.
Outre qu’il suit ses jeunes patients, il se lance dans la recherche clinique
pour essayer de comprendre, mais surtout de guérir, lorsque c’est
possible. Avec sa collègue neurogénéticienne Eva Deutsch,
qui deviendra son épouse, il s’attache notamment à décrire
précisément différentes formes d’épilepsie
et d’autres maladies neurogénétiques, par exemples, le
syndrome de Joubert et la maladie de Tay Sachs au Québec

Frederick Andermann a un véritable don pour le diagnostic : il sait
observer, puis rassembler et sélectionner toute l’information
nécessaire pour mettre un nom sur les maux étranges qui affectent
ses patients. D’autres médecins, de partout dans le monde, lui
soumettent des cas, et souvent il élucide le mystère, en formant
une équipe de recherche multidisciplinaire afin de poursuivre les investigations
cliniques. Au cours des années 70, le couple Andermann est à l’origine
de la découverte d’une grave maladie neurologique qui frappe presque
exclusivement des personnes originaires du Saguenay et de Charlevoix. À cette époque,
plus de 200 enfants de ces régions semblent atteints de formes atypiques
de dystrophie musculaire et de paralysie cérébrale. Les médecins
sont perplexes et surtout impuissants. Or les conséquences de la maladie
sont terribles. Dès l’âge de 1 ou 2 ans, les enfants commencent à présenter
des problèmes moteurs qui les condamnent rapidement au fauteuil roulant.
Ils souffrent aussi de déficiences intellectuelles, de paranoïa
et d’anxiété et mourront souvent avant d’avoir 30 ans. En rencontrant les enfants malades, Frederick Andermann découvre
que tous sont atteints d’une même maladie, qui se caractérise
par une dégénérescence du système nerveux central
et du système nerveux périphérique. Les deux tiers des
victimes sont nés sans le corps calleux qui assure normalement la communication
entre les deux hémisphères du cerveau. En étudiant leur
profil familial, Eva fait la preuve que le mal est d’origine génétique
et, grâce à sa recherche, elle arrive à démontrer
que tous ces patients ont un couple ancestral commun s’étant marié à Québec
au XVIIe siècle. La description détaillée du
syndrome que le couple publie en 1972 contribuera largement à la compréhension
de cette maladie incurable. Un espoir se dessine cependant : le docteur Guy Rouleau,
proche collaborateur des Andermann, a découvert en 2002 la
mutation génétique qui est à l’origine du syndrome
d’Andermann et il a mis au point un test de dépistage des porteurs
génétiques de la maladie, test qui devrait permettre le diagnostic
prénatal et ainsi diminuer considérablement le nombre de cas.

Au gré des patients qu’il rencontre, Frederick Andermann se penche
tout au long de sa carrière sur plusieurs autres troubles neurologiques
encore mal connus. Ses monographies, notamment sur l’hémiplégie
alternante, le syndrome de Rasmussen de même que sur les syndromes de
migraines et l’épilepsie, aident largement à mieux comprendre
ces maladies. Il s’intéresse aussi à la dysplasie corticale
et à l’épilepsie myoclonique progressive, au traitement
chirurgical de l’épilepsie et à divers troubles génétiquement
déterminés. Vice-président de la Ligue internationale
contre l’épilepsie et membre de plusieurs sociétés
savantes, Frederick Andermann reçoit le prix Milken en 1995, le prix
Penfield de la Ligue canadienne contre l’épilepsie en 1999 et
le prix William G. Lennox de l’American Epilepsy Society en 2000.

Frederick Andermann exerce également plusieurs fonctions au sein de
sociétés, d’associations professionnelles et de comités
divers. Cependant, la fonction qu’il lui tient le plus à cœur
est celle de président du Comité d’étude des dossiers
médicaux des immigrants au ministère de la Santé et des
Services sociaux, poste qu’il a occupé durant de nombreuses années.

Auteur de 6 ouvrages et de plus de 300 articles, le clinicien aura une influence
considérable à l’échelle mondiale en formant, pour
sa plus grande fierté, de jeunes épileptologues originaires d’une
vingtaine de pays. Plusieurs de ses anciens étudiants à l’INM
dirigent aujourd’hui des cliniques de recherche sur l’épilepsie
partout dans le monde, du Brésil au Japon, en passant par l’Australie
et le sultanat d’Oman. Les Andermann sont aussi de grands voyageurs :
ensemble, ils donnent des cours ou sont professeurs invités. À ce
jour, ils se sont rendus dans 27 pays. Qui s’étonnera que leurs
trois enfants, Lisa, psychiatre anthropologue et professeure adjointe (assistant
professor
) à l’Université de Toronto, Anne, boursière
Rhodes et médecin résidente en santé publique de l’Université McGill,
ainsi que Mark, boursier Howard Hughes et étudiant de troisième
cycle à l’Université Harvard en biophysique et neurosciences,
aient eux aussi entrepris des recherches en santé ?

Information complémentaire

Date de remise du prix :
18 novembre 2003

Membres du jury :
Christiane Ayotte (présidente)
Danielle Bourgaux
Joséphine Nalbantoglu
André Parent
Marie Trudel

Crédit photo :
  • Marc-André Grenier
Texte :
  • Valérie Borde