Walter Boudreau, lauréate

Naissance le 15 octobre 1947 à Montréal, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Le milieu musical québécois peut s’estimer chanceux d’avoir en son sein un empêcheur de tourner en rond de la trempe de Walter Boudreau. Cherchant sans cesse à faire tomber les cloisons entre les genres et à rapprocher les créateurs et le public, ses actions visent surtout à multiplier les ouvertures. Faire connaître la musique contemporaine au plus grand nombre en la démystifiant et faire rayonner la musique d’ici à l’étranger sont deux des objectifs qu’il place en tête de liste de ses priorités.

Walter Boudreau, l’homme-orchestre, est saxophoniste « retraité », compositeur prolifique, directeur artistique, chef d’orchestre, organisateur d’événements, enseignant, écrivain à ses heures, peintre quand il en a le temps et, cela va de soi, personnage médiatique.

Il y avait de la musique dans la famille Boudreau avant la venue de Walter, en 1947. La mère joue du piano et le père, décédé juste avant sa naissance, était saxophoniste dans des orchestres de danse, à Sorel. C’est là, au couvent de la Congrégation Notre-Dame, qu’il amorce à 6 ans l’étude du piano. Son oncle Guy enrichit l’enseignement quelque peu austère des religieuses en puisant dans sa collection de 78 tours des enregistrements de symphonies classiques, de musique de chambre et de piano honky tonk, pendant que le jeune musicien aiguise son oreille et ses talents culinaires à l’écoute de l’opéra du samedi en cuisinant des tartes aux fruits avec sa grand-mère.

À 13 ans, Walter se joint à l’Harmonie Sainte-Cécile du collège Sacré-Coeur de Sorel, où on lui confie un saxophone. Ce sera son instrument de prédilection pour les 30 années à venir. Autre révélation : la puissance sonore de l’ensemble fait naître chez le jeune apprenti des sensations dont il ne voudra plus se passer.

Walter Boudreau fonde bientôt avec quelques amis Les Majestic, un orchestre de danse au sein duquel il parfait son apprentissage des musiques à la mode et où il s’essaie pour la première fois à l’improvisation. Attiré par le jazz, il fait régulièrement le voyage entre Sorel et Montréal, où l’apprentissage se poursuit à travers les concerts offerts dans les bars spécialisés et l’enseignement de Doug Michaud au studio d’Arthur Romano. En 1966, Walter Boudreau s’installe à Montréal avec l’espoir d’y travailler dans le circuit des boîtes de jazz et avec l’intention d’y suivre des cours d’analyse et de composition au Conservatoire de musique. Ce dernier projet sera cependant mis en suspens en 1967 pour cause d’Exposition universelle, un extraordinaire événement qui a changé bien des vies. Durant six mois, Boudreau y donne des concerts avec son ensemble de jazz, arrangeant la musique selon le nombre de musiciens disponibles, improvise avec tout le monde et découvre au fil des soirs des musiques insoupçonnées. Enfin, participant avec son trio de jazz aux récitals de poésie du samedi après-midi, il y rencontre, entre autres, Raôul Duguay, avec qui il va bientôt fonder l’Infonie.

Après l’explosion créatrice de l’Expo, Boudreau reprend le circuit des bars avec des formations diverses. Un disque paru en 1968 ( Walter Boudreau 3 = 4 , Phonodisc) permet de constater quel excellent saxophoniste de jazz il était. Au fil des rencontres, le cercle de base s’agrandit et, en 1969, naît enfin l’Infonie, fantastique creuset contre-culturel où se mêlent musique, poésie et arts visuels. L’ensemble, dirigé par Boudreau, fait preuve d’une ouverture peu commune, interprétant dans un même souffle des musiques de Bach ou de Guillaume de Machaut, du répertoire de bar-salon ou des Beatles, et des musiques modernes de Terry Riley ou, bien sûr, de Walter Boudreau.

Parallèlement à son travail de directeur, de compositeur et d’interprète avec l’Infonie, qui laisse une marque indélébile dans l’histoire musicale du Québec, Boudreau suit dès 1968 des cours d’analyse et de composition auprès de Bruce Mather à la Faculté de musique de l’Université McGill. De 1970 à 1973, il fera de même au Conservatoire de musique de Montréal avec Gilles Tremblay, ainsi qu’à l’Université de Montréal avec Serge Garant. Ce dernier, cofondateur en 1966 de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), permet à l’étudiant d’assister aux répétitions de l’ensemble. Boudreau y découvre des musiciens d’un calibre qui le fait pâlir d’envie et il y entend des musiques qui ne sont pas si éloignées de l’univers éclectique de l’Infonie. Des bourses du Conseil des Arts du Canada (CAC) lui permettent à la même époque de côtoyer les compositeurs les plus respectés : Messiaen et Boulez en 1971, Stockhausen, Xenakis, Kagel et Ligeti en 1972. Cette même année, il dirige l’ensemble de la SMCQ pour la première fois à titre de chef invité. L’année 1973 marque, avec l’enregistrement de son quatrième disque, la fin de l’Infonie.

Lauréat en 1974 du premier prix au Concours national de Radio-Canada pour les jeunes compositeurs, Walter Boudreau s’apprête à conquérir de nouveaux territoires. L’Infonie survit le temps d’une transition à travers le Quatuor de saxophones de l’Infonie, qui devient en 1982 le Quatuor de saxophones de Montréal et que Boudreau engage de plus en plus dans l’interprétation de musique contemporaine. Le compositeur est très actif et le chef tout autant, dirigeant l’Orchestre Métropolitain de Montréal ou l’Orchestre du Centre national des arts, et devenant chef régulier à la SMCQ. En 1988, il y est nommé directeur artistique.

Ses réalisations depuis cette entrée en fonction sont nombreuses, comme les prix qui les couronnent : premier compositeur en résidence à l’Orchestre symphonique de Toronto, de 1990 à 1993 ; Grand Prix Paul-Gilson de la Communauté des radios publiques de langue française pour Golgot(h)a (livret de Raôul Duguay) en 1991 et Grand Prix du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal la même année pour la SMCQ ; premier concert conjoint de l’Orchestre symphonique de Montréal et de la SMCQ (OSMCQ) en 1995 ; de nombreux prix Opus du Conseil québécois de la musique (SMCQ live en 1997, compositeur de l’année en 1998, personnalité de l’année en 2003) ; prix Molson pour les arts, attribué par le CAC pour son apport à la vie intellectuelle et culturelle canadienne, et autres.

De plus, ses nombreuses collaborations avec le compositeur Denys Bouliane, depuis 1998, ont littéralement changé le visage du monde musical d’ici. Codirecteurs artistiques du festival de l’Orchestre symphonique de Québec, Musiques au présent, en 1998, 1999 (deux prix Opus) et 2000, ils conçoivent aussi la Symphonie du millénaire (2000), regroupant 333 musiciens en plein air – prix Opus de l’événement musical de l’année – (l’enregistrement numérique live de cette réalisation majeure n’est pas encore offert sur le marché) et mettent sur pied le festival international Montréal Nouvelles Musiques (MNM) en 2003 (Grand Prix du Conseil des arts de Montréal).

S’il y a une chose dont nous pouvons avoir la certitude, c’est que Walter Boudreau n’a pas fini de nous étonner. Attachons nos ceintures, relevons le dossier de notre fauteuil, déposons nos effets personnels et laissons-nous emporter dans son astronef argenté, nez pointé vers les étoiles…

Information complémentaire

Date de remise du prix :
9 novembre 2004

Membres du jury :
Louise Bail (présidente)
Paul-André Fortier
Manon Guilbert
Jacques Labrecque

Crédit photo :
  • Denis Chalifour
Texte :
  • Réjean Beaucage