H. Patrick Glenn, lauréate

Juriste

Naissance le 3 août 1940 à Toronto (Ontario), décès le 1 octobre 2014 à 

Entrevue

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Biographie

La mondialisation est sans conteste l’un des plus importants phénomènes
du début de ce XXIe siècle dont l’impact bouleverse plusieurs
disciplines universitaires. La prolifération des marchés communs
oblige notamment le droit à se redéfinir selon une perspective
beaucoup plus large et globalisante. « La réalité de
la collaboration qui existe désormais un peu partout entre les pays
nous amène à réfléchir à un nouveau discours
sur la pratique du droit national et international », affirme H. Patrick Glenn, professeur de droit comparé à l’Université McGill
et certainement l’un des premiers juristes à avoir contribué à cette
réflexion de fond dans une perspective critique.

H. Patrick Glenn, titulaire également de la Chaire Peter M. Laing,
travaille depuis plus de 35 ans à la Faculté de droit de l’Université McGill
sise dans une superbe maison appartenant autrefois à la famille Ross
dont le patriarche était un riche manufacturier du début du XXe siècle. Classé bien patrimonial, ce lieu de travail de la rue
Peel loge l’un des plus réputés juristes au monde en droit
comparé. L’oeuvre de cet intellectuel se distingue par son
envergure, mais aussi par le regard novateur et inclusif qu’il pose sur
le droit et qui est révélateur de l’interdépendance
des ordres juridiques contemporains. J’ai beaucoup contesté dans
mes écrits les notions de droit comparé qui ont été véhiculées
au cours des deux derniers siècles », avance-t-il.

Même s’il est connu que les universitaires accumulent des tonnes
de papier, de livres et d’articles, le cas de H. Patrick Glenn dépasse
la norme. Il faut carrément enjamber des piles de dossiers sur le plancher
de son vaste bureau pour se frayer un chemin vers une chaise. Cela est cependant
peu étonnant, compte tenu de la quantité d’ouvrages de
référence que cet érudit a lus pour rédiger son
volume phare, Legal Traditions of the World, salué par la communauté internationale
des juristes et faisant de son auteur le père incontesté d’une
nouvelle école en matière de droit comparé.

Les assises théoriques et l’ambition de ce livre sont sans précédent.
En effet, H. Patrick Glenn y propose une nouvelle approche dynamique du droit,
perçu non plus comme un système juridique fermé, mais
davantage comme une tradition puisant ses repères dans une pratique
juridique ouverte à de multiples influences tout en étant rattachée
aux grandes familles du droit civil ou de la common law. « Le droit
comparé a été vu comme un travail dépendant de
systèmes nationaux de droit complètement autonomes et isolés
les uns des autres, explique le professeur Glenn. J’ai essayé de
développer la notion de tradition juridique pour illustrer le phénomène
d’influence et de collaboration mutuelles entre les différents
droits nationaux et entre les différentes traditions juridiques du monde. »

En plus de cet ouvrage, publié par les prestigieuses Presses de l’Université d’Oxford
en 2000 et bientôt traduit en chinois, H. Patrick Glenn a aussi fait
paraître en 2005 un second livre, On Common Laws, dans lequel
il explore les traditions internationales de droit commun. Compte tenu de l’envergure
de ses ouvrages, et de la quantité d’articles publiés tout
au long de sa carrière, comment une telle production est-elle possible ? « Ce
qui est difficile, ce n’est pas l’étape de la rédaction,
précise-t-il. C’est plutôt le nombre de lectures à faire,
car les sources sont infinies. Il vient un moment où il faut cesser
de lire et passer à l’étape de l’écriture. » Pour écrire,
H. Patrick Glenn a profité d’années sabbatiques, notamment
au Mexique où il a rédigé son premier livre en quelques
mois, et il s’isole à l’occasion à sa ferme de Sutton
dans la région de l’Estrie : « Grâce à ce
lieu bucolique et encore très paisible, je peux écrire, car la
vie universitaire est devenue immensément frénétique. »

Né à Toronto en 1940, H. Patrick Glenn termine d’abord
ses études de droit à l’Université Queen’s
en Ontario avant de s’inscrire à la maîtrise à l’Université Harvard
où il est exposé pour la première fois au droit comparé. « J’ai
su très rapidement que le droit s’imposait à moi comme
discipline, raconte-t-il. La combinaison de la dimension théorique du
sujet avec son importance pratique immédiate m’a tout de suite
attiré. » Il décide ensuite, pour le plaisir des études à l’étranger,
de faire ses études doctorales à l’Université de
Strasbourg. « Cela a été un choc de réaliser
comment le droit pouvait être différent dans une autre tradition
juridique, se souvient H. Patrick Glenn. Le droit n’est pas du tout une
discipline aride et technique : c’est fascinant d’examiner
les différences juridiques enracinées dans chaque pays et dans
chaque tradition. » En 1971, il enseigne à l’Université McGill
et donne, aussi depuis, des cours dans plusieurs universités canadiennes
et à l’étranger dans des matières allant de la procédure
civile au droit international privé et du droit comparé aux traditions
juridiques. « Mais Montréal reste la ville la plus intéressante
en Amérique du Nord », affirme-t-il en soulignant à quel
point le caractère hybride du droit québécois est riche.

Marié à Jane Glenn, née Matthews, professeure à la
même faculté, qui travaille cependant sur des problématiques
juridiques fort différentes des siennes, H. Patrick Glenn s’amuse
aujourd’hui des difficultés éprouvées à l’époque
de leur engagement. « Il était mal vu pour des époux
universitaires de travailler au même département »,
raconte-t-il en souriant. « Notre solution était de prétendre
que l’autre n’existait pas. »

Père de deux enfants, H. Patrick Glenn se démarque aussi par
son attitude de grande ouverture à l’égard des jeunes étudiants
qu’il côtoie. « Les jeunes sont d’une telle intelligence
et d’une telle rapidité de pensée qu’ils peuvent
maîtriser n’importe quoi, c’est un peu ahurissant, constate-t-il.
Il s’agit simplement de leur indiquer ce qu’il faut lire et ils
comprennent immédiatement. » Le professeur Glenn s’intéresse
d’ailleurs beaucoup à la réforme de l’enseignement
du droit et considère que les facultés de droit au Québec
sont en avance comparativement à d’autres pays. « Cependant,
les universités sont plutôt lentes à introduire les réformes
qui s’imposent », avance-t-il, sourire en coin.

H. Patrick Glenn a été directeur de l’Institut de droit comparé de
l’Université McGill et a aussi, en cette qualité, travaillé sur
des projets de réforme du Code civil russe et de formation juridique
en Chine. Il est membre de la Société royale du Canada et de l’Académie
internationale de droit comparé qui lui a d’ailleurs remis son grand
prix pour l’ouvrage Legal Traditions of the World. Le professeur
Glenn a été boursier Bora Laskin en droits de la personne, boursier
de la Fondation Killam et membre invité (visiting fellow) de
l’All Souls College à Oxford. Il est aujourd’hui invité à prononcer
les conférences les plus prestigieuses réservées par les
universités aux sommités mondiales dans leur discipline.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
8 novembre 2006

Membres du jury :
Mario Fortin (président)
Michel Biron
Ginette Legault
Pierre Noreau
Lisa A. Serbin
Crédit photo :
  • Alain Désilets
Crédit vidéo :
Production : Donald Charest, Les Productions Donald Charest inc.
Réalisation : Donald Charest
Caméra, direction photo : Daniel Desrosiers
Prise de son extérieure : Thierri Frankel
Prise de son studio  : Jean-Pierre Limoges, Studio JPL
Montage : Donald Charest / Sylvain Rioux
Compression numérique : Joël Bertrand
Infographie : Alain Dubois
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline Béchard, Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif, Alexis Le May, Éric Pfalzgraf.
Narrateurs : Stéphane Garneau, Suzanne Laberge
Entrevues : Suzanne Laberge
Mixage son  : Jean-Pierre Limoges, Studio JPL
Texte :
  • Nathalie Dyke