Anne Claire Poirier, lauréate

Naissance le 6 juin 1932 à Saint-Hyacinthe, décès le à 

Biographie

Cinéaste de la conscience, Anne Claire Poirier amorce son parcours comme
monteuse, apprenant à faire surgir le sens par la juxtaposition des images,
apprenant à manier les plans comme un écrivain manie les mots
et les phrases.

Cette expérience acquise au début de la décennie 1960
est déterminante car le cinéma d’Anne Claire Poirier va reposer
sur une conception ouverte du montage, sur une dialectique du collage qui entraîne
la cinéaste à utiliser dans ses films des éléments
provenant de diverses sources. L’écrivaine Louky Bersianik fait remarquer
que « le point de vue d’Anne Claire Poirier sur les femmes d’ici a créé
une sorte de cinéma nouveau, insolite, situé entre le documentaire
– le paysage soudain dévoilé, l’anthropologie féminine
à faire de toute urgence – et la fiction comme effet de distanciation
par rapport à cette grande noirceur ». Concrètement, on
peut citer Mourir à tue-tête (1979) – qui reste à
ce jour son meilleur film – dans lequel elle assemble des séquences
hyperréalistes (le viol) et des scènes stylisées (le tribunal),
des images d’archives (sur la guerre et la clitoridectomie) et des discussions
fictives entre une réalisatrice et une monteuse. Dans cette même
veine, Anne Claire Poirier a signé Les Filles du Roy (1974) et
Il y a longtemps que je t’aime (1989), deux films dont les dispositifs
narratifs reposent sur le montage. Dans le premier, une construction élaborée
dont ressortent huit personnages permet à la cinéaste de dessiner
l’histoire de la servitude des femmes au Québec. Dans le second, qui
est une suite logique aux Filles du Roy, l’assemblage d’extraits de films
de l’Office national du film (ONF) sert à analyser l’évolution
de l’image de la femme tout au long d’un demi-siècle de cinéma.
En 1996, Poirier termine Tu as crié LET ME GO, exercice douloureux
et émouvant dans lequel elle s’inspire de la mort tragique de sa propre
fille pour organiser une réflexion intime sur la toxicomanie et la violence.

Mais cette conscience, au centre de l’œuvre d’Anne Claire Poirier, c’est
avant tout la conscience d’être femme. Cela transparaît bien sûr
dans le choix des sujets, mais aussi dans une activité cinématographique
qui dépasse la réalisation. Pionnière du cinéma
féministe, Poirier est en première ligne avec Jeanne Morazain,
dès 1971, pour formuler le désir d’un groupe de femmes de coordonner
la production d’un ensemble de films. Et lorsque ce projet se concrétise,
lorsque l’ONF crée le programme Regards de femmes, c’est tout
naturellement que Poirier devient productrice pour Mireille Dansereau (J’me
marie, j’me marie pas
), Aimée Danis (Souris, tu m’inquiètes)
et Hélène Girard (Les Filles, c’est pas pareil). C’est
donc à travers l’ensemble de son action qu’Anne Claire Poirier prend
sa pleine dimension, c’est-à-dire celle d’une femme de cinéma,
comme on dit femme de lettres.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
17 octobre 1988

Membres du jury :
Josée Beaudet (présidente)
Claude Beauregard
Michel Larouche
Werner Nold
Crédit photo :
  • Marc Lajoie
Texte :
  • Marcel Jean