Louis-Philippe Vézina, lauréate

Développeur technologique

Naissance le 26 octobre 1955 à Québec, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Si l’on parvient un jour à contrer un virus pandémique mortel, ce sera peut-être grâce à Louis-Philippe Vézina. Car il n’est pas prématuré d’affirmer que le cofondateur de Medicago inc., une société biopharmaceutique spécialisée dans la mise au point de nouveaux vaccins et de protéines thérapeutiques, et son équipe, ont littéralement bouleversé l’industrie du vaccin au cours des dernières années.

Depuis près de 50 ans, on a recours aux œufs pour faire croître les virus destinés à produire les vaccins. Une fois le virus arrivé à maturité, on en retire la charge infectieuse pour ne conserver que la coquille contenant la protéine nécessaire au déclenchement d’une réaction immunitaire. « Le problème avec cette technologie, c’est qu’il lui faut plusieurs mois pour produire des doses en grandes quantités et qu’elle ne s’applique qu’à la production de quelques types de vaccins. Quant aux technologies de remplacement actuelles, elles sont très coûteuses », explique Louis-Philippe Vézina, qui est aussi chef des opérations scientifiques au sein de la compagnie.

Le coup de génie de Louis-Philippe Vézina est d’avoir misé sur les plantes pour produire des vaccins à des coûts beaucoup plus bas et dans des délais beaucoup plus courts. De plus, en 2007, lui et son équipe ont mis au point la technologie de production de nanoparticules pseudovirales à enveloppe (PPVE). Première technologie de production de PPVE à partir des plantes, elle permet de produire des vaccins aux caractéristiques structurales et antigéniques uniques.

La peur du virus mortel
Quand le virus H1N1 a frappé en 2009, suscitant les plus grandes craintes, il a fallu attendre sept mois pour qu’un vaccin soit disponible, et ce, malgré les sommes colossales investies par l’industrie. « La première vague d’infections était déjà passée quand le vaccin est devenu disponible en quantités suffisantes mais, heureusement, dans ce cas, le virus était peu pathogénique. Ce dont nous avons besoin, c’est la capacité de répondre rapidement à l’apparition d’une souche mutante pandémique virulente et létale », affirme cet expert de la science des plantes.

Or, grâce à sa technologie novatrice, Medicago avait réussi à produire un vaccin H1N1 en seulement 19 jours, bien avant que la pandémie prenne de l’ampleur. Une rapidité de production qui pourrait faire toute la différence dans le cas de l’apparition d’un virus pandémique meurtrier. Ce qui fait la force de la technologie à PPVE, c’est qu’il suffit d’obtenir le code génétique de la protéine à la surface du virus pour mettre au point un vaccin. Il n’est plus nécessaire de faire croître le virus en entier.

En 2009, la compagnie n’avait pu participer aux campagnes de vaccination, parce qu’elle n’avait pas encore atteint le niveau de développement clinique requis pour la production de vaccins commerciaux.

Aujourd’hui, la société Medicago est beaucoup plus avancée en ce qui a trait à son développement clinique et pourrait être bientôt impliquée dans la constitution de réserves de vaccins contre l’influenza saisonniers et pandémiques grâce à ses faibles coûts et à sa grande capacité de production. La mise au point clinique et commerciale de cette technologie révolutionnaire et de ses applications est régulièrement présentée sous invitation aux plus grands organismes de santé publique et humanitaires du monde (c’est-à-dire l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les National Institutes of Health (NIH) et la Fondation Bill et Melinda Gates).

La technologie à PPVE permet de produire des particules qui suscitent une forte réaction immunitaire à faible dose. « La force de notre vaccin est d’imiter le virus presque parfaitement », affirme M. Vézina.

Un solide sens pratique
Son intérêt et sa passion pour la biologie et les plantes, Louis‑P. Vézina le tient de son grand-oncle Jean‑Louis Tremblay, le fondateur du Département de biologie de l’Université Laval, et de mentors comme le professeur Sackston de l’Université McGill et Kenneth Joy de l’Université Carleton.

Au fil du temps, cette curiosité pour les plantes a grandi jusqu’à prendre beaucoup de place dans sa vie, au point où il a choisi de leur consacrer sa vie professionnelle. « Je sentais qu’il était possible de créer quelque chose d’utile et de durable à partir de ce monde extraordinaire, riche et fascinant. »

Après un baccalauréat en sciences des plantes à l’Université McGill et une maîtrise en physiologie végétale à l’Université Laval, le chercheur termine en 1987 un doctorat en biochimie et biologie moléculaire végétale, dont la portion expérimentale sera effectuée à l’Université Carleton, et un stage postdoctoral à l’Université de Warwick, au Royaume‑Uni.

Il est engagé comme chercheur au ministère fédéral de l’Agriculture avant la fin de son doctorat et s’implique en plus dans la formation de diplômés comme professeur associé à l’Université Laval, mais constate rapidement que la vie de chercheur universitaire n’est pas faite pour lui. « Je ne voyais pas suffisamment d’applications pratiques à mes travaux. »

Le jeune scientifique au sens pratique aiguisé rêve plutôt de fonder son entreprise. Il renoue avec un ami d’enfance, François Arcand, un homme d’affaires aguerri, et lui propose de s’associer pour faire fructifier leurs talents respectifs. Les deux hommes fondent Medicago en 1997.

Aujourd’hui, Medicago possède deux usines de production de vaccins et emploie 135 personnes à son siège social de Québec et 65 à son usine située en Caroline du Nord.

Grâce à ses technologies novatrices, Medicago est en mesure de traiter plus de 300 kilogrammes de matériel végétal par jour à son usine de Caroline du Nord, où elle purifie plus d’un million de doses de vaccins. La technologie mise au point par Louis-Philippe Vézina permet de produire plus de 10 millions de doses de vaccins par mois dans une usine qui aura coûté 36 millions de dollars. Par comparaison, il en coûte environ 800 millions de dollars pour construire une usine qui produit le même nombre de doses avec la technologie basée sur les œufs. Une avancée majeure qui a été saluée par Novartis et Frost & Sullivan, une prestigieuse firme américaine spécialisée en gestion de la croissance.

Cette remarquable capacité de production rapide et à faibles coûts a incité le ministère américain de la Défense à accorder une subvention de 21 millions de dollars pour l’implantation de Medicago en Caroline du Nord. L’intérêt du gouvernement américain vient aussi du fait que l’équipe de Louis-Philippe Vézina a conçu ce qui pourrait être la seule technologie capable de répondre à la fois rapidement et efficacement à une attaque bioterroriste.

Simple et peu coûteuse, la technologie de Medicago intéresse aussi vivement les pays étrangers désireux d’acquérir une autonomie dans la production de vaccins, comme la Chine et l’Indonésie.

L’entreprise cofondée par Louis-Philippe Vézina détient 21 familles de brevets d’invention (plus de 300 brevets obtenus ou à l’étude). Ce chercheur et entrepreneur est aussi l’auteur de plus de 70 publications scientifiques avec révision. Il a publié plus de 150 communications scientifiques, en plus de présenter des conférences techniques devant les principales entreprises pharmaceutiques et les grands de la biotechnologie et de la santé publique mondiale, comme l’Institut Pasteur, la Biotechnology Industry Organization (BIO) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Il a aussi formé plus de 100 scientifiques.

Medicago a reçu pas moins de 16 prix d’excellence, dont 6 en 2011. L’an dernier, elle s’est vu remettre, entre autres, le Prix d’excellence de l’industrie des vaccins, commandité par Novartis, le Prix santé de la Fondation Armand‑Frappier et le prix Genesis, catégorie entrepreneurship.

Ce scientifique et entrepreneur continue de travailler d’arrache-pied à la mise au point de nouveaux vaccins plus efficaces et moins coûteux que les vaccins actuels. Son grand espoir scientifique : réussir à créer des vaccins contre des infections non traitées qui continuent à faire des ravages, comme la malaria. « Plusieurs de ces infections sont causées par des parasites qui ont plusieurs formes durant leur cycle de vie, et qui réussissent à passer outre la barrière immunitaire créée par les vaccins qui ont été testés jusqu’à maintenant. La technologie à PPVE pourra peut-être nous permettre de mettre au point une nouvelle approche vaccinale plus efficace. Il est permis de croire que dans un avenir rapproché, on assistera non seulement à l’arrivée de nouveaux vaccins qui remplaceront plusieurs des vaccins actuels, trop chers et trop longs à produire, mais aussi à l’arrivée de vaccins contre des infections endémiques jusqu’à maintenant élusives. Ce sera un progrès majeur pour la santé publique mondiale. »

Information complémentaire

Date de remise du prix :
13 novembre 2012

Membres du jury :
Mario Monette, président
Claire Lavallée
Jan J. Dubowski
André Gosselin
Guy Mercier

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc.
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinatrice de production : Lynda Malo
Caméra et direction photo : Mathieu Harrisson
Caméra : Hugo Ferland-Dionne
Maquillage : Hélène-Manon Poudrette, Sylvie Charland
Montage : Sylvain Caron
Infographie et montage : Mathieu Harrisson
Mixage sonore : Studio Song
Musique originale : Christine Boillat
Musiciens : André Bilodeau, Christine Boillat, David Champoux et Daniel Marcoux
Entrevues : Christian St-Pierre
Texte :
  • MDEIE