Francine Descarries, lauréate

Biographie

Le parcours de Francine Descarries, professeure titulaire au Département de sociologie et à l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), aura été tout sauf classique. Les détours de sa vie ont toutefois le mérite d’avoir contribué à forger sa renommée dans le domaine des études féministes.

Alors qu’elle est âgée de 16 ans, la jeune femme voit son existence bouleversée par le décès de son père. Elle doit abandonner ses études pour permettre à son frère aîné de terminer sa formation en médecine. Elle travaille alors comme secrétaire, puis comme agente de voyages pendant une dizaine d’années.

À 27 ans, peu après la naissance de sa deuxième fille, elle fait un retour aux études dans le tout nouveau cégep Édouard-Montpetit. Elle choisit la sociologie afin de mieux comprendre la société. « Un conseiller pédagogique a tenté de m’en décourager, car il y avait des cours de mathématiques qui, selon lui, seraient trop difficiles pour une femme de mon âge, se rappelle Mme Descarries. Il n’a pas réussi à me faire changer d’idée, au contraire! J’étais plus déterminée que jamais. »

À la fin des années 60, le mouvement féministe s’installe au Québec alors que la jeune mère articule avec succès famille et études, entourée d’étudiantes et d’étudiants qui ont jusqu’à 10 ans de moins qu’elle. C’est à cette époque qu’elle commence à s’intéresser à la réalité des femmes dans la société. Le rapport de la commission Bird, publié en 1970, sera déterminant dans son cheminement : il exposait la discrimination subie par les femmes et les conséquences socioéconomiques qui en résultent.

Francine Descarries décide d’approfondir son intérêt pour les conditions de vie des femmes et le féminisme à l’Université de Montréal. Elle y fera un baccalauréat, une maîtrise et un doctorat en sociologie. De son mémoire de maîtrise naîtra un livre, L’école rose… et les cols roses, le premier ouvrage québécois sur la reproduction sociale des sexes et les effets de la socialisation genrée. Passionnée et investie, elle créera avec deux autres étudiantes au doctorat le premier cours sur la « condition féminine », en 1978, au Département de sociologie.

En 1986, la sociologue débute comme professeure à l’UQAM, où elle rejoint les rangs du Groupe interdisciplinaire d’enseignement et de recherche féministes (GIERF). « Ce fut l’un des événements les plus marquants et les plus heureux de ma vie professionnelle », déclare celle qui contribuera à faire de son université un chef de file en études féministes. En 1990, elle participe à la fondation de l’IREF, qui compte aujourd’hui plus de 400 membres. Sous sa direction, l’Institut a notamment établi une alliance de recherche sur le mouvement des femmes québécois avec Relais-femmes (ARIR), un organisme féministe de liaison et de transfert de connaissances. Francine Descarries est également à l’origine de la création du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), en 2011. « Le RéQEF a réussi à fédérer un milieu qui était encore marginalisé dans certaines universités. Il a permis de mieux structurer et de dynamiser le champ des études féministes québécois. C’est un projet que je caressais depuis très longtemps avec plusieurs collègues. »

Selon ses pairs, Mme Descarries a fortement contribué à tailler une place aux études féministes dans le monde universitaire québécois et, plus largement, francophone. Ce que, du haut de ses 77 ans, elle continue de faire. Au cours des dernières années, elle a mis sur pied un outil Web interactif, la Ligne du temps de l’histoire des femmes au Québec, destiné aux universitaires, aux intervenantes du milieu et au grand public. « J’ai toujours voulu faire la jonction entre les savoirs universitaires et les savoirs du terrain », raconte-t-elle.

Son immense apport a été récompensé par de nombreux prix. Mentionnons, parmi ceux qui l’ont le plus touchée, un hommage rendu en 2008 par Relais-femmes pour son apport exceptionnel à la vie de l’organisme. S’y ajoutent le Prix d’excellence en recherche et création, volet Carrière, de l’Université du Québec en 2011 et le prix Ursula-Franklin pour l’étude du genre de la Société royale du Canada en 2012. Mais sa plus grande fierté reste d’avoir formé plusieurs étudiantes et étudiants au doctorat et à la maîtrise. « C’est dans l’enseignement que je me réalise le plus. Le dynamisme et la curiosité intellectuelle des jeunes me forcent à pousser plus loin mes propres connaissances et recherches », signale la sociologue.

Si elle avoue qu’elle pourrait être à la retraite depuis quelque temps, Mme Descarries entend bien demeurer active à l’UQAM encore au moins deux ans. Elle souhaite non seulement continuer à superviser ses étudiantes, mais aussi poursuivre ses recherches sur les courants de pensée du féminisme en vue d’en faire un livre. « Ce sera l’un de mes projets de retraite, confie-t-elle. Et si le temps me le permet, j’aimerais étudier également le milieu artistique des années 30 dans lequel mon père a évolué. »

Information complémentaire

Membres du jury
Carole Lévesque (présidente)
Carmen Dionne
Jacques Hamel

Crédit photo :
  • Éric Labonté