Michel Brunet, lauréate

Historien

Naissance le 24 juillet 1917 à Montréal, décès le 4 septembre 1985 à Montréal

Biographie

Un démystificateur de l’histoire canadienne

« Si j’étudie l’histoire, ce n’est pas pour m’ensevelir dans le
passé mais pour mieux saisir le présent et prévoir l’avenir
 », précise Michel Brunet, professeur. Par cet aphorisme, il traduit
parfaitement son indéfectible engagement envers sa vocation d’historien.
Convaincu que la connaissance historique constitue une voie royale d’approche
pour la compréhension des problèmes contemporains, il assigne
à l’historien un rôle d’éclaireur dans la société.

Le combat pour l’histoire

Dès le début de sa carrière, Michel Brunet s’engage sur
la voie tracée par son maître Lionel Groulx en posant les premiers
jalons d’une œuvre qui va l’inscrire dans la lignée des grands historiens
nationalistes du Canada français. Sous l’influence de son collègue
Maurice Séguin, le jeune professeur ne tarde pas à faire la promotion
de l’École d’interprétation historique qui caractérise
l’enseignement de l’histoire des « deux Canadas » à l’Université
de Montréal. Le titre de son premier ouvrage, Canadians et Canadiens.
Études sur l’histoire et la pensée des deux Canadas
(1954),
illustre bien cette nouvelle approche. Engagé dans un véritable
combat, Michel Brunet cherche à dégonfler certains mythes sur
l’histoire nationale dont il juge l’interprétation « dorée
et faussée par l’émotion patriotique ». À ses yeux,
cette histoire est chargée de « mythes-consolations » et
« d’illusions-refuges » qu’il faut débusquer par une véritable
pratique scientifique de l’histoire.

Pleinement conscient de l’importance de la connaissance historique, Michel
Brunet consacre sa carrière à valoriser sa discipline tant par
son enseignement magistral que par ses retentissants écrits et ses conférences.
Témoignant d’une grande préoccupation intellectuelle pour le destin
de la société québécoise à une époque
où se préparent les principaux enjeux de la Révolution
tranquille, Michel Brunet prend position sur des questions importantes, qu’il
s’agisse des problèmes constitutionnels, du financement de l’enseignement
supérieur ou de la réforme du système d’éducation.
Dans ses nombreuses prises de position publiques, il fait preuve d’esprit critique
et de lucidité sans céder à la tentation d’options politiques
partisanes dont le prémunit la haute conception qu’il se fait et de sa
vocation d’historien et de sa fonction de professeur d’université.

Une remarquable contribution
au rayonnement universitaire

Homme d’action et intellectuel, Michel Brunet contribue grandement au rayonnement
de l’Institut d’histoire de l’Université de Montréal, fondé
en 1947 et qui, quinze ans plus tard, sera transformé en département
d’histoire. Sous sa direction, de 1959 à 1967, l’Institut puis le Département
connaissent un essor sans précédent : le corps professoral passe
de six à dix-huit membres, tandis que le nombre d’étudiants préparant
un diplôme d’histoire s’élève à plus de 300.

Élu membre de l’Académie canadienne-française en 1961,
Michel Brunet en devient secrétaire pendant dix ans. Sa réputation
d’historien francophone du Québec lui vaut l’honneur, en 1969, d’être
élu membre, à titre d’associé étranger, de l’Académie
des sciences d’outre-mer de France. Quinze ans plus tard, cette distinguée
académie lui réserve l’exceptionnel privilège d’une réception
solennelle à l’occasion de la prise de possession de son fauteuil d’académicien.

Les efforts de chercheur et les talents d’écrivain de Michel Brunet
seront doublement récompensés par l’attribution en 1970 du Prix
littéraire du Gouverneur général du Canada et du prix France-Québec
pour son ouvrage intitulé : Les Canadiens après la Conquête,
1759-1775
. Le choix de cet ouvrage est d’autant plus heureux qu’il s’agit
d’un sommet dans son œuvre. Fruit d’une longue recherche parvenue au terme
de son mûrissement, cet ouvrage constitue un produit typique de l’École
d’interprétation néo-nationaliste tant du point de vue de la problématique
que de celui de la méthode. La Société Saint-Jean-Baptiste
de Montréal lui décerne aussi le prix Ludger-Duvernay en considération
de sa contribution intellectuelle et des services rendus à la patrie.

Les années 70 marquent le rayonnement de l’enseignement de Michel Brunet
hors des frontières nationales. En 1972, il se rend à Paris pour
un séjour de six mois comme professeur invité par le Centre de
recherches d’histoire nord-américaine de la Sorbonne. Quatre ans plus
tard, il accepte une autre invitation pour être titulaire de la Chaire
de civilisation québécoise créée à l’Université
de Poitiers en vertu d’un programme de coopération franco-québécoise
sous l’égide du ministère des Affaires intergouvernementales du
Québec.

En 1978, à la veille de célébrer son trentième
anniversaire de vie professorale, Michel Brunet reçoit la médaille
de la Société historique de Montréal pour l’ensemble de
son œuvre écrite et pour l’exceptionnelle portée de son enseignement
magistral. Cinq ans plus tard, l’Université de Montréal lui confère
le titre de professeur émérite.

Dans notre milieu universitaire, rares sont les professeurs de carrière
qui se distinguent autant par leurs dons pédagogiques que par leurs talents
oratoires et leur dynamisme. Michel Brunet a procuré à sa chaire
professorale les vertus charismatiques qu’il tenait à la fois de sa vocation
d’historien, de son profond engagement patriotique et de sa profession de foi
néo-nationaliste.

Résumé de la carrière de Michel Brunet

1949 Doctorat en histoire des États-Unis de la Clark University
1950-1985 Professeur à l'Institut, puis au Département d'histoire de l'Université de Montréal
1959-1967 Directeur de l'Institut, puis du Département d'histoire de l'Université de Montréal

1962-1972
Secrétaire de l'Académie canadienne-française

1970
Prix littéraire du Gouverneur général

1970
Prix France-Québec

1970
Prix Ludger-Duvernay de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

1970-1972
Président de l'Intitut d'histoire de l'Amérique française

1983
Prix Léon-Gérin

1983
Professeur émérite de l'Université de Montréal

Information complémentaire

Date de remise du prix :
11 octobre 1983

Membres du jury :
Colin H. Davidson
Valérien Harvey
Daniel Latouche
Yves Ouellette
Louise Quesnel-Ouellet
Crédit photo :
  • Bernard Vallée
Texte :
  • Claire Gagnon
Mise à jour :
  • Nathalie Dyke