Camille Limoges, lauréate

Développement d'institutions de recherche

Naissance le 31 mai 1942 à Montréal, décès le à 

Entrevue

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Biographie

D’entrée de jeu, Camille Limoges tient à mettre les
choses au point. Du point de vue du philosophe de la biologie qu’il a
d’abord été,
l’être humain n’est que le bourgeon d’une branche de
la vie parmi d’autres, survenu de manière contingente. Il est
un animal qui s’acharne malgré tout à comprendre une incertaine
conquête jamais achevée. La clarté du discours et la franchise
du regard ne trompent pas : Camille Limoges est un homme fidèle à ses
principes et à ses convictions ainsi qu’à cette vision
d’un
monde fascinant mais sans transcendance. Penseur et aussi homme d’action,
il a toujours cherché à apporter sa contribution, des racines
du savoir jusqu’au sommet des hautes sphères décisionnelles.
Pionnier de l’histoire des sciences au Québec, fondateur de l’Institut
d’histoire et de sociopolitique des sciences de l’Université de
Montréal, puis du Centre interuniversitaire de recherche sur la science
et la technologie (CIRST) à l’Université du Québec à Montréal
(UQAM), cet universitaire accompli s’investit aussi pleinement dans la
fonction publique québécoise, où il jouera notamment un
rôle clé dans l’élaboration des deux politiques scientifiques
adoptées depuis les années 70.

Enfant, Camille Limoges est surtout attiré par les lettres. Il se
voit écrivain.
Né en 1942 à Montréal, il découvre cependant très
jeune la fascinante histoire de la vie. Aux côtés de son père,
géologue et paléontologue amateur, il interroge les fossiles
et se passionne pour l’évolution des espèces. Il est aussi
déjà activiste
dans l’âme, avide de toujours partager avec d’autres, et
il devient membre des groupes les plus variés. À l’Université de
Montréal, Camille Limoges étudie la philosophie. En 1964, il
obtient
sa licence et s’envole aussitôt pour Paris.

À 22 ans, Camille Limoges est le plus jeune étudiant de l’Institut
d’histoire des sciences et des techniques de la Sorbonne que dirige Georges Canguilhem, condisciple de Sartre et de Raymond Aron et successeur de Gaston
Bachelard à la direction de cet institut. Le philosophe français,
spécialiste de l’histoire des sciences de la vie, prend le Québécois
sous son aile. Pendant quatre ans, Camille Limoges tire grand profit de cet
univers intellectuel d’une incroyable richesse. Il vit aussi de l’intérieur
la révolte étudiante et soutient sa thèse de doctorat,
en mai 1968, sur la constitution du concept de sélection naturelle chez
Darwin. Ici, la Révolution tranquille bat son plein. Lorsque l’Université de
Montréal engage Camille Limoges, sitôt son doctorat obtenu, il
est alors au Québec le seul historien spécialisé en sciences
biologiques. Loin de s’en enorgueillir, le jeune professeur souffre du
peu de possibilités d’échanges avec des collègues.
Lui qui a souhaité faire carrière au Québec doit se résoudre à partir
après trois ans. Le voilà désormais professeur agrégé au
prestigieux Département d’histoire des sciences de l’Université Johns Hopkins à Baltimore, où il retrouve avec joie le foisonnement
d’idées
qui enrichit la réflexion.

Cependant, l’histoire est un éternel recommencement, dit-on
souvent. Après trois ans à Baltimore, Camille Limoges revient à Montréal
pour prendre, à 31 ans, la direction du nouvel Institut d’histoire
et de sociopolitique des sciences. De 1973 à 1977, il bâtit et
dirige l’Institut qui devient rapidement le creuset où seront
formés,
pendant une quinzaine d’années, la plupart des spécialistes
québécois de l’analyse historique, sociologique et politique
des sciences. Puis, après un séjour d’un an à l’Université Harvard,
il passe à la pratique, guidé par une volonté d’agir
qui ne le quittera jamais. En 1980, Camille Limoges participe activement à la
rédaction de l’énoncé de la première politique
scientifique du Québec. L’année suivante, il entre dans
l’administration
publique comme conseiller scientifique puis secrétaire adjoint au Secrétariat à la
science et à la technologie. Il prépare la naissance du premier
ministère de la Science et de la Technologie, dont il deviendra sous-ministre
en 1983. À divers titres, il sera au cœur de la plupart des grandes
décisions en matière de politique scientifique pour les vingt
années
suivantes et marquera ainsi profondément le Québec de la science
et de l’innovation.

En 1987, l’intellectuel sent le besoin d’alimenter à nouveau
sa réflexion. Il quitte donc la fonction publique et rejoint l’UQAM
où il participe à la mise en oeuvre du nouveau programme Science,
technologie et société et à la création du CIRST.
Pendant dix ans, il réfléchit aux liens entre science et société et
s’engage personnellement dans la vie scientifique, notamment comme président
de l’Acfas en 1989. Il cosigne en 1994 un ouvrage de renommée mondiale,
The New Production of Knowledge, qui propose une analyse originale des mutations
de la production du savoir. Puis il passe à nouveau aux travaux pratiques,
d’abord en 1997 comme président du Conseil de la science et de la
technologie, puis comme sous-ministre au ministère de la Recherche, de
la Science et de la Technologie de 2000 à 2002. Au cours de ces deux mandats,
il donne un nouvel élan à l’action gouvernementale en matière
de science et d’innovation. Il jouera un rôle clé dans l’élaboration
et la mise en œuvre de la nouvelle politique scientifique publiée
en 2001.

Camille Limoges prend sa retraite le jour de ses 60 ans, pour ne pas
mourir avant d’avoir réalisé les rêves intellectuels
de sa jeunesse. Auteur de six ouvrages et d’innombrables documents gouvernementaux
ou articles scientifiques, membre de la Société royale du Canada
et de l’Académie
internationale d’histoire des sciences, titulaire de deux doctorats honoris
causa
et lauréat du prix Carrière de l’Association
de la recherche industrielle du Québec en 2003, l’historien se
consacre désormais à l’écriture avec un enthousiasme
qui ne faiblit pas. Avec un jeune collègue, il vient de rééditer
le premier ouvrage scientifique écrit en 1800 par un médecin
de Québec, François Blanchet, et sa table de travail croule sous
les projets. Discret sur sa vie privée, Camille Limoges est intarissable
dès
lors qu’il s’agit de littérature ou d’histoire. Et
entre deux séances d’écriture, il siège encore à plusieurs
conseils d’administration et au sein de comités d’experts
d’organismes à vocation scientifique.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
9 novembre 2004

Membres du jury :
Réjean Landry (président)
Alain Houde
Louise Milot
Jean Nicolas
Jean-Marie Toulouse
Crédit photo :
  • Denis Chalifour
Texte :
  • Valérie Borde