Cyril Simard, lauréate

Naissance le 23 mai 1938 à Baie-Saint-Paul, décès le à 

Entrevue

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Biographie

S’il fallait caractériser Cyril Simard par une expression phare, ce serait assurément « le patrimoine qui gagne sa vie », expression d’ailleurs de son cru. L’un des grands leitmotive de celui qui présida aux destinées de la Commission des biens culturels du Québec de 1988 à 1996 : allier passé et modernité. Ce souci, voire cette philosophie, imprègne l’ensemble d’un parcours marqué du triple sceau de l’architecture, du design et de l’ethnologie. Et culmine sans doute dans le concept d’économusée, mot imaginé par Cyril Simard lui-même pour désigner la « petite entreprise artisanale, ouverte au public, qui vend ses produits en les expliquant ». Dans l’esprit du pionnier québécois de l’économuséologie, l’économusée vise la perpétuation et la transmission des métiers et savoir-faire artisanaux par la production d’objets utiles et beaux.

Cyril Simard reconnaît volontiers combien ses racines l’ont façonné. « Je suis tissé Charlevoix, à l’image des catalognes de ma mère, qui n’étaient que paysages et jardins », dit-il. Monsieur Simard père était le propriétaire d’un magasin général à Baie-Saint-Paul. « J’ai appris à faire du commerce avec mon père en m’efforçant d’abord de bien recevoir le client et de bien comprendre ses besoins », souligne du reste l’auteur d’Artisanat québécois, le premier inventaire exhaustif des métiers d’art d’ici, décliné en quatre volumes publiés entre 1975 et 1985. À l’époque, Baie-Saint-Paul n’affiche pas encore le caractère culturel qu’elle acquerra… en bonne partie grâce à Cyril Simard! Mais le peintre René Richard y habite, dans une maison voisine du magasin général, et à son contact l’adolescent d’alors s’ouvre à l’art.

Chez Cyril Simard, homme fidèle aux traces, aux traditions, pour mieux les réactualiser dans la vie d’aujourd’hui, il y a place, aussi, pour le grand-père paternel, qui transportait le bardeau de Montmagny à Baie-Saint-Paul. Devenu architecte, Cyril Simard utilisera ce matériau à profusion, lui redonnant lustre et noblesse. C’est donc dans le bois, l’activité commerçante et l’art que puise ses sources la vocation du créateur des économusées.

Le premier d’un réseau qui en compte maintenant 33 au Québec et 9 dans les Provinces atlantiques sera la Papeterie Saint-Gilles, fondée par Mgr Félix-Antoine Savard en 1965, grâce au mécénat de Mark Donohue. Cette année-là, Cyril Simard obtient son baccalauréat en architecture de l’Université de Montréal après avoir été, en 1960, le premier laïc diplômé en… grégorien! « J’ai gagné une partie de l’argent de mes études en chantant la messe en grégorien chez les soeurs », s’amuse-t-il à dire. Pendant ce temps, il ne se tient jamais très loin de sa ville natale : il y fait ses premières armes professionnelles, propose aux édiles municipaux la mise sur pied d’une commission d’urbanisme « pour garder le coeur de la ville en vie » et préside, en 1967, à la tenue d’un festival folklorique extérieur qui, en 1972, recevra un prix d’excellence du Conseil du tourisme canadien.

En 1967, Cyril Simard n’a pas encore 30 ans mais il se montre déjà, on le voit, homme de terrain et bâtisseur, déployant ses forces à la diffusion et à la réhabilitation des arts et traditions populaires. Parmi toutes les réalisations de sa fertile carrière, dont plusieurs de grande portée, la mise sur pied du Festival folklorique de Baie-Saint-Paul avec ses étudiants en architecture de l’Université de Montréal et l’appui de la population locale – « un an avant la première édition du Festival d’été de Québec », souligne-t-il non sans fierté – semble ainsi occuper, encore aujourd’hui, une place chère à son coeur. Cette initiative jetait les bases du tourisme culturel et dans la foulée, Baie-Saint-Paul s’enrichira bientôt d’un centre d’art et d’un symposium international de peinture. « Nous sommes fiers d’avoir créé la première clinique gratuite d’architecture du pays », dit-il. Et c’est pour cet apport précieux en matière d’entrepreneurship culturel que les Charlevoisiens décerneront à Cyril Simard, en 1996, le prix Hommage à un bâtisseur de Charlevoix.

« La culture est le fondement de tout, et il faut travailler pour une culture en devenir », se plaît-il à dire. De cette conviction procède l’élaboration du concept d’économusée, à laquelle il se consacrera plus activement après la mort de Mgr Savard, en 1982. Les deux hommes, qui s’étaient rencontrés en 1967, avaient d’indéniables affinités : l’ancrage charlevoisien, la passion pour la culture, le goût du beau… et peut-être même le chant grégorien! À la mort du prélat, Cyril Simard hérite de la responsabilité de garder en vie la petite papeterie de Saint-Joseph-de-la-Rive. Il veut assurer la préservation de ce savoir-faire artisanal, mais par l’entremise d’une entreprise qui serait financièrement autonome.

En 1986, afin d’asseoir son concept, il présente une thèse de doctorat en arts et traditions populaires à l’Université Laval, intitulée « L’Économuséologie : essai d’ethnologie appliquée ». Deux ans plus tard, la Papeterie Saint-Gilles devient officiellement le premier économusée du Québec. Cyril Simard se charge lui-même de la transformation physique et de l’aménagement des lieux qui doivent être à la fois espace d’accueil, atelier de travail, centre d’interprétation de la production, salle de documentation et galerie-boutique! Très vite, la formule intéresse nombre de producteurs artisanaux de secteurs allant du verre, du tissage, de la forge, de la fourrure… jusqu’à l’agroalimentaire. De telle sorte qu’en 1992, Cyril Simard fonde la Société internationale du réseau ÉCONOMUSÉE ®, dont il continue aujourd’hui d’assumer la présidence et la direction générale.

De par sa pratique architecturale reconnue, son engagement concret et sans relâche dans la promotion et la diffusion d’un patrimoine vivant, son statut d’ethnodesigner et d’ethnomuséologue, Cyril Simard peut aussi se targuer d’une expertise unique qui le conduira vers plusieurs dossiers d’envergure. Ainsi entre 1977 et 1983, on le trouve notamment à la tête du comité ministériel pour l’intégration des arts à l’architecture et de celui de l’implantation de l’École des métiers d’art du Québec. Par ailleurs vers le milieu de la décennie 1980, il est le concepteur de la rénovation et de l’agrandissement du Musée national des beaux-arts du Québec, selon un concept qui témoigne d’une sensibilité profonde à l’environnement marquée par le souci d’intégrer les traces du passé. C’est ainsi qu’il trouve le moyen de conserver la vieille prison du Québec – dessinée par Charles Baillairgé -, sise juste à côté du musée, en la reliant aux bâtiments existants.

Cyril Simard sera aussi l’instigateur de la tenue, à Québec, du prestigieux congrès du Conseil international des musées, mieux connu sous l’acronyme anglais ICOM. L’initiative impose une démarche de longue haleine qui aboutit en 1992. Pour la circonstance, pas moins de 2 000 muséologues issus de tous les horizons et de tous les continents se masseront dans la capitale. Le congrès aura d’importantes retombées sur les musées québécois en facilitant le développement de leurs réseaux internationaux. Il s’agit là, sans conteste, de l’un des très bons et grands coups de Cyril Simard.

Au fil d’un parcours d’une polyvalence impressionnante, Cyril Simard aura affirmé continûment le désir tenace de contribuer à l’inscription d’une mémoire collective. De cela attestent ses nombreuses publications, plusieurs étant devenues des ouvrages de référence incontournables, qui dressent l’inventaire minutieux des objets du passé québécois et de leurs modes de fabrication. À sa fameuse série Artisanat québécois, il convient ainsi d’ajouter les trois tomes des Chemins de la mémoire, ouvrages collectifs sous sa direction publiés par la Commission des biens culturels du Québec. Pendant les presque dix années qu’il présida l’organisme, Cyril Simard aura été l’instigateur d’un travail important et essentiel : l’établissement du corpus complet des monuments et sites ainsi que des biens immobiliers classés par l’État depuis 1922.

Ses réalisations auront valu à cet ardent ambassadeur d’un patrimoine adapté à la modernité une reconnaissance internationale couronnée par sa nomination, en 2001, comme titulaire de la Chaire Unesco en patrimoine culturel de l’Université Laval et comme conseiller spécial en matière de métiers et savoir-faire auprès de ce même organisme. « La Chaire permettra de donner un avenir à la mémoire par le développement des métiers et savoir-faire et le réseautage international », dit Cyril Simard. Cet honneur aura été précédé de nombreuses distinctions, dont le Prix national de l’innovation touristique en 1989, la Médaille du Lieutenant-gouverneur en patrimoine (Héritage Canada) en 1994, l’Hommage ICOMOS-Canada et la Médaille de l’Assemblée nationale du Québec en 1996, le Prix Carrière 2000 de la Société des musées québécois et, cette même année, l’un des grands prix du patrimoine d’expression du Québec. Cyril Simard a été reçu officier de l’Ordre national du Québec en 2005.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
8 novembre 2005

Membres du jury :
Richard Dubé (président)
Sophie-Laurence Lamontagne
Rémi Tougas
Christine Turgeon

Crédit photo :
  • Denis Chalifour
Crédit vidéo :
Production : Éric Pfalzgraf / Studio du Roi
Réalisation : Mario Munger / Éric Pfalzgraf
Caméra, direction photo : Mario Munger
Son : Éric Pfalzgraf
Montage : David Paré / Éric Pfalzgraf
Infographie : Daniel Boulanger
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline Béchard, Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif, Alexis Le May, Éric Pfalzgraf.
Annonceur : Gilles Théberge
Enregistrement de la musique et mixage : Éric Pfalzgraf
Photos supplémentaires, animations et extrait de film pour :
M. Cyril Simard : Suzanne O’neill, Éric Saint-Pierre, Guy Rainville, François Maltais;
Mme Francine Décary : Héma-Québec;
M. Henry Buijs : ABB;
M. Fernand Dansereau : ONF.
Texte :
  • Francine Bordeleau