Paul-Louis Martin, lauréate

Naissance le 13 janvier 1944 à Trois-Rivières, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Chez Paul-Louis Martin, l’homme de terrain et le citoyen engagé sont
indissociables du chercheur et théoricien. C’est au nom de sa
grande cause, celle de la sauvegarde du patrimoine, qu’il a brigué les
suffrages de la mairie de la municipalité de Saint-André-de-Kamouraska,
où il vit depuis plus de 30 ans. Et cet ardent défenseur
du patrimoine rural a lui-même mis en valeur son propre verger, devenu
l’un des fleurons du circuit agrotouristique du Bas-Saint-Laurent.

Spécialiste de la culture matérielle populaire et, plus largement,
des rapports sociaux avec la nature, Paul-Louis Martin est un chercheur qui
ne manque pas d’audace. Ainsi, son mémoire de maîtrise, La
Berçante
québécoise (publié au Boréal
Express en 1973), se présente comme la première monographie consacrée
exclusivement à un élément du mobilier populaire. À un
moment où les meubles et autres objets du quotidien n’ont pas
trop la cote auprès des universitaires! Quant à sa thèse
de doctorat publiée en 1980, Histoire de la chasse, elle débroussaille
un terrain jusqu’alors laissé vierge par les historiens québécois.

« La chasse est l’un des grands révélateurs
de notre rapport particulier à la nature sauvage : une caractéristique
de notre culture qu’il faut préserver », dit l’ethnologue
et historien pour expliquer ce choix d’étude. Réédité en
1990, dans une version revue et augmentée, sous le titre de La Chasse au
Québec
, l’ouvrage s’attire tous les éloges.
Dont ceux des chasseurs qui ont une fibre historienne!

Douze ans plus tard, il publie un presque best-seller : Les Fruits
du Québec. Histoire et traditions des douceurs de la table
, lauréat
du prix Clio-Québec 2002, décerné par la Société historique
du Canada pour le meilleur ouvrage d’histoire paru au Québec
cette année-là. L’ouvrage nous lance sur la piste « des
variétés anciennes, des saveurs oubliées » et
s’attache à la mise en valeur du patrimoine alimentaire.

« La diversité culturale est aussi intéressante
que la diversité culturelle », estime Paul-Louis Martin.
De cette diversité, il est devenu l’un des chantres les plus convaincus… et
convaincants. Par hasard, précise lui-même le chercheur. « Mais
ma vie est une foule de hasards où s’entremêlent intérêts
personnels et professionnels », se plaît-il à dire.

À cet égard, l’année 1973 s’avère
déterminante. Chargé de cours à l’Université Laval
depuis 1970 (il restera rattaché à l’alma mater jusqu’en
1984), Paul-Louis Martin accepte alors de relever un défi de
taille : le démarrage, à Rivière-du-Loup, du Musée
d’archéologie de l’Est du Québec, devenu le Musée
du Bas-Saint-Laurent. Le projet est ambitieux car lui et son équipe
entreprennent d’en faire un musée ultraspécialisé,
qui sera dédié à la fouille de sites préhistoriques
tout en rassemblant des artefacts d’origine préhistorique et historique. À la
suite de ce passage de quatre années à la tête de l’institution,
il participera à la création ou à l’essor de nombreux
organismes et institutions à caractère muséal, dont la
Cité de l’énergie (à Shawinigan), considérée
comme la plus importante réussite en matière de mise en valeur
du patrimoine industriel au Québec.

Cette étape professionnelle marque l’installation permanente
de Paul-Louis Martin dans le Bas-Saint-Laurent. Avec sa conjointe Marie de
Blois, il achète en 1974, à Saint-André, un domaine ancestral
doté d’un verger laissé à l’abandon. Dont
les quelque 200 arbres rescapés produisent encore, contre toute
attente, des prunes! Des prunes de Damas, en l’occurrence : une
variété deux fois millénaire, presque en voie de disparition,
introduite ici par les Récollets et Samuel de Champlain. Paul-Louis
Martin se découvre dès lors une passion durable pour les produits
du terroir. La famille mettra 15 ans à rétablir le verger
qui compte aujourd’hui 1 400 pruniers. La Maison de la prune
voit le jour en 1992. Elle fera partie, un temps, du réseau des économusées,
et continue encore aujourd’hui d’accueillir des visiteurs.

« L’agrotourisme, c’est véritablement la mise
en valeur concrète d’un patrimoine, et une contribution au développement économique
rural », dit Paul-Louis Martin. En fait, le développement
régional lui tient hautement à coeur, comme en témoigne
son engagement en faveur de « l’occupation polyvalente du
territoire », du tourisme régional culturel et de la mise
en valeur des ensembles agricoles.

C’est ainsi qu’il met sur pied, en 1977, le Groupe de recherches
en histoire du Québec rural (GRHQR) : la première firme
privée de consultants en patrimoine à voir le jour au Québec.
De 1977 à 1979, l’équipe pluridisciplinaire remplira au
total une quinzaine de mandats d’envergure, dont la réalisation
d’itinéraires culturels sur les « pays de l’est
du Québec » : quatre guides de tourisme fondés
sur les interrelations nature-culture. Ces guides touristiques en inspireront
bien d’autres, dont les Promenades montérégiennes… 25 ans
plus tard! Ils servent aussi de référence pour la formation en
tourisme et la rédaction de guides de voyage pour les pays européens.

Toujours en 1977, Paul-Louis Martin participe à la création
du Conseil régional de la culture de l’Est du Québec. De
là, il portera la cause du patrimoine au sein de multiples organismes,
coalitions et groupes régionaux et locaux, jusqu’au Comité consultatif
d’urbanisme de Saint-André et à la mairie. Prenant fait
et cause pour les régions et la ruralité, il jouera en outre
un rôle important au sein du Comité du patrimoine de la Coalition
Solidarité rurale, comité chargé d’élaborer
une politique de développement des collectivités rurales à la
demande des gouvernements provincial et fédéral. Enfin, il suscitera
la création, en 2003, du Centre d’expertise et d’animation
du patrimoine rural Ruralys, dont la mission ultime est l’étude,
la mise en valeur et la diffusion de toutes les dimensions du patrimoine rural.

Résolument « pluridisciplinaire », de fait,
Paul-Louis Martin sera comme un poisson dans l’eau à la Commission
des biens culturels du Québec, qui le nomme commissaire en 1978. Il
préside l’organisme de 1983 à 1988. « C’est
un poste privilégié, unique, dans la mesure où il donne
accès à une vision élargie et englobante du patrimoine »,
souligne-t-il. Homme d’action encore et toujours, il amène la
Commission des biens culturels du Québec à participer plus activement
aux débats de l’heure et à entreprendre des tournées
de consultations dans les différentes régions du Québec.
Mais l’historien qu’il demeure est également l’instigateur
de nombreuses publications sur le patrimoine maritime, agricole, horticole,
industriel, et d’une somme majeure sur les monuments classés : Les
Chemins de la mémoire
, dont les deux premiers tomes seront publiés
sous son mandat.

Ces publications s’inscrivent dans une perspective dynamique, à l’instar
de la façon dont Paul-Louis Martin conçoit le patrimoine. « Les
cultures sont capables d’emprunter, d’adopter, d’adapter,
de réinterpréter », dit-il. C’est déjà ce
que montraient La Berçante québécoise et,
par la suite, À la façon du temps présent. Trois siècles
d’architecture populaire au Québec
, qu’il considère
comme son oeuvre majeure parmi la douzaine d’ouvrages et la cinquantaine
d’articles scientifiques qu’il a publiés.

L’ouvrage, couronné en 2001 de la médaille Luc-Lacourcière
remise par le CELAT de l’Université Laval (meilleur ouvrage d’ethnologie
de l’Amérique française), met ainsi en évidence
que les changements architecturaux doivent à une multitude de facteurs :
les modes étrangères, les conditions socioéconomiques,
les styles de vie, l’alimentation, et d’autres encore.

Même si, en 2005, il a pris sa retraite de l’Université du
Québec à Trois-Rivières où il enseignait depuis
1990, Paul-Louis Martin demeure un chercheur actif, notamment à titre
de membre associé au Centre interuniversitaire d’études
québécoises. Il n’a donc pas fini d’écrire
cette histoire culturelle que racontent les objets et les traditions. « La
tradition, c’est une innovation qui a duré un peu plus longtemps
qu’une autre », affirme celui qui n’aura eu de cesse
de redonner leur lustre aux objets, pratiques et savoir-faire populaires.

Entre autres prix et distinctions, Paul-Louis Martin s’est vu remettre
en 1993 le Prix Carrière Pratt & Whitney de la Société des
musées québécois, qui se veut une reconnaissance pour
une carrière et une contribution remarquables à la muséologie
québécoise. Il a également reçu le prix Robert-Lionel-Séguin
de l’Association des propriétaires de maisons anciennes du Québec,
en 1996, et le Certificat d’honneur du Conseil des monuments et sites
du Québec, carrière et implication, en 2002.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
8 novembre 2006

Membres du jury :
Sophie-Laurence Lamontagne, présidente
Dinu Bumbaru
Danielle Pigeon
Henriette Thériault

Crédit photo :
  • Alain Désilets
Crédit vidéo :
Production : Donald Charest, Les Productions Donald Charest inc.
Réalisation : Donald Charest
Caméra, direction photo : Daniel Desrosiers
Prise de son extérieure : Thierri Frankel
Prise de son studio  : Jean-Pierre Limoges, Studio JPL
Montage : Donald Charest / Sylvain Rioux
Compression numérique : Joël Bertrand
Infographie : Alain Dubois
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline Béchard, Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif, Alexis Le May, Éric Pfalzgraf.
Narrateurs : Stéphane Garneau, Suzanne Laberge
Entrevues : Suzanne Laberge
Mixage son  : Jean-Pierre Limoges, Studio JPL
Texte :
  • Francine Bordeleau