Hélène Loiselle, lauréate

Naissance le 17 mars 1928 à Montréal, décès le 7 août 2013 à 

Entrevue

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Biographie

En considérant la carrière d’Hélène Loiselle,
on est frappé par la constance avec laquelle cette comédienne
a été présente sur la scène culturelle québécoise
depuis 1945. L’audace et la diversité des spectacles auxquels
elle a participé sont également remarquables : productions
interdisciplinaires, spectacles expérimentaux, oeuvres classiques
et créations, on la retrouve partout. Elle figure d’ailleurs à la
distribution des oeuvres marquantes de la dramaturgie québécoise : Bousille
et les justes
de Gratien Gélinas, Les Belles-Soeurs de
Michel Tremblay, Médium saignant de Françoise Loranger, Le
Cid maghané
de Réjean Ducharme, Zone de Marcel
Dubé, etc.

Dès l’adolescence, Hélène Loiselle puise aux deux
sources théâtrales qui contribuent à la richesse du théâtre
d’ici : la source populaire, qui s’alimente à même
les accents et le langage vernaculaires, et la source classique, nourrie d’une
langue plus châtiée. La fierté qu’elle éprouve
en découvrant les créations de Gratien Gélinas ne l’empêche
pas d’apprécier les oeuvres de répertoire que montait,
par exemple, le jeune Pierre Dagenais avec sa compagnie L’Équipe.

Mais cette pionnière du théâtre au Québec avait
eu la révélation du pouvoir de l’interprétation
bien avant. Pensionnaire dans un couvent à l’âge de 7 ans,
la petite fille timide et effacée avait alors connu une expérience
qui allait déterminer sa vie : « Soudain, j’avais
l’impression d’exister, de compter, d’être écoutée
et entendue; sur scène, je ne sentais plus la solitude »,
se rappelle-t-elle. Dès lors, monter sur scène constitue
son rêve le plus cher. Aussi considère-t-elle comme un moment
clé de sa vie sa rencontre fortuite avec Charlotte Boisjoli alors qu’à 15
ans, elle travaillait au bureau de l’association Jeunesse étudiante
catholique à Montréal.

Hélène Loiselle reçoit ses premiers cours de Charlotte
Boisjoli qui la guide dans la préparation de fables de La Fontaine
en vue d’une audition chez François Rozet, comédien français
immigré au Québec. À cette époque, on ne trouvait
pas d’écoles de théâtre ici; si l’on voulait
apprendre ce métier, il fallait inventer soi-même le chemin pour
y parvenir.

Vers 1945, une autre audition allait permettre à Hélène
Loiselle d’entrer chez les Compagnons de saint Laurent, la troupe fondée
et dirigée par le père Émile Legault. « Cette
sensation de briser la solitude en entrant en communication avec les spectateurs
que j’avais éprouvée à 7 ans est rapidement devenue
indispensable à ma vie. » En 1952, elle et son mari, le regretté Lionel
Villeneuve, éprouvent le désir d’élargir leur conception
du théâtre; ils s’embarquent donc pour Paris où ils
fréquenteront deux ans les Cours Bernard Bimont, à l’instar
d’autres jeunes artistes comme Guy Provost, Denise Vachon, Georges Groulx,
Lucille Cousineau.

L’appui de Charlotte Boisjoli tout au début de son apprentissage
et les expériences vécues pendant huit saisons chez les Compagnons
représentent, selon Hélène Loiselle, des tournants dans
sa carrière; de même, sa participation à la création
des Belles-Soeurs (1968) : « La langue employée
par Tremblay m’était d’emblée familière. Il
ne faut surtout pas croire, cependant, que l’interprétation soit
plus aisée ou plus juste parce qu’on joue en québécois;
elle requiert autant de travail. »

Après plus de 50 ans de présence sur diverses scènes,
Hélène Loiselle résume ainsi ce qui caractérise
pour elle un véritable interprète : « Les interprètes
authentiques savent des choses sans en avoir nécessairement fait l’expérience.
Inconsciemment, ils sentent qu’ils savent, et ce savoir dépasse
l’intuition du personnage. Quand on les voit sur scène, au théâtre,
il nous arrive quelque chose; nous aussi, on sait et on sent qu’ils savent. »

À plusieurs titres, on peut considérer cette artiste engagée
comme faisant partie des pionniers du développement du théâtre
au Québec. Ses apports sont innombrables; il semble que rien de ce qui
touche l’interprétation ne lui soit étranger. Son nom figure à la
distribution des premiers radioromans et radiothéâtres, ainsi
que dans plusieurs lectures radiophoniques de textes littéraires. Des
rôles de premier plan lui ont été confiés dans de
nombreux téléromans et séries télévisées,
et elle fut également de l’aventure des premières émissions
jeunesse à la télévision québécoise. À l’âge
d’or des téléthéâtres diffusés par
Radio-Canada, elle joue dans nombre d’oeuvres classiques et contemporaines.
Il n’y a guère de scènes, modestes ou prestigieuses, qu’elle
n’ait foulées à Montréal et en région, puisqu’elle
n’a pas boudé les théâtres d’été.
Elle inaugurait, d’ailleurs, celui de Beaumont – Saint-Michel en
1975, en compagnie de Lionel Villeneuve.

En plus d’avoir pris part à plusieurs créations majeures
de la dramaturgie d’ici comme À toi pour toujours, ta Marie-Lou,
de Michel Tremblay, où elle incarnait la bouleversante Marie-Louise,
elle a joué tous les auteurs français d’importance (Corneille,
Racine, Molière, Ionesco, Duras, etc.), la tragédie grecque (Sophocle),
ainsi que les dramaturges américains contemporains (Tennessee Williams,
Arthur Miller, Neil Simon) et européens (Tchekhov, Ibsen, Pirandello,
Gorki, Dario Fo, Oscar Wilde). Hélène Loiselle a également
signé des mises en scène et des traductions-adaptations.

Sa personnalité constituée d’un précieux amalgame
de puissance et de fragilité, de subtilité et de rigueur, de
réserve et d’intensité, a marqué le cinéma
québécois. Depuis l’essor de celui-ci dans les années
1970, on a pu apprécier l’ampleur de son registre dans Mon
Oncle Antoine
de Claude Jutra, Les Ordres de Michel Brault, Réjane
Padovani
de Denys Arcand et plus récemment, dans Post Mortem de
Louis Bélanger, Romain et Juliette de Frédéric
Lapierre et Mariages de Catherine Martin, entre autres.

Plusieurs acteurs et actrices auront eu le privilège de bénéficier
de ses dons de pédagogue, puisque Hélène Loiselle a enseigné l’interprétation
au cégep Lionel-Groulx ainsi qu’à l’École
nationale de théâtre à Montréal. « J’ai
essayé de communiquer aux étudiants que la curiosité est
l’une des choses les plus importantes dans ce métier; elle vient
de l’intérêt qui émane de l’amour du théâtre.
Les élèves ont maintenant la chance de pouvoir développer
certaines disciplines complémentaires au jeu, ce qui n’était
pas notre cas. » La curiosité, Hélène Loiselle
l’a toujours éprouvée : « Mon art de comédienne
s’est nourri de cette curiosité et des différents rôles
que j’ai joués; car les rôles laissent des traces en nous,
ils nous enrichissent. Je fréquente assidûment les théâtres
et je lis beaucoup de pièces. Mon amour de cet art et de tout ce qui
le concerne est charnel et passionnel. »

Les metteurs en scène ont perçu chez elle son ouverture à des
expériences éclectiques. Peut-être retrouve-t-elle dans
les spectacles novateurs mêlant plusieurs disciplines artistiques qu’ils
lui proposent l’effervescence créatrice qui animait les Compagnons, « …un
milieu très stimulant où convergeaient musiciens, sculpteurs,
décorateurs, peintres et danseurs, en plus des comédiens ».
Récemment, Hélène Loiselle prêtait son vaste talent à des
productions expérimentales chorégraphiées, comme Rêves de
Wajdi Mouawad et De Julia à Émile d’Estelle Clareton. « Le
passage s’est fait naturellement; on a peut-être pensé à moi à cause
des choses risquées que j’avais faites sous la direction de Paul
Buissonneau et d’Yvan Canuel. Je suis partante pour varier les approches,
même si elles semblent étranges au début, pourvu que j’y
trouve un sens qui ne me semble pas trop obscur. »

Dégager un sens et sentir une marge de liberté dans la création,
voilà les deux conditions qui permettent à cette interprète
de haut vol de s’épanouir pleinement, « …car
l’acteur est bien davantage qu’un matériau dans l’entreprise
du théâtre ».

Information complémentaire

Date de remise du prix :
8 novembre 2006

Membres du jury :
Chantal Masson-Bourque, présidente
Marie-Thérèse Fortin
Blaise Gagnon
Pierre Vachon

Crédit photo :
  • Alain Désilets
Crédit vidéo :
Production : Donald Charest, Les Productions Donald Charest inc.
Réalisation : Donald Charest
Caméra, direction photo : Daniel Desrosiers
Prise de son extérieure : Thierri Frankel
Prise de son studio  : Jean-Pierre Limoges, Studio JPL
Montage : Donald Charest / Sylvain Rioux
Compression numérique : Joël Bertrand
Infographie : Alain Dubois
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline Béchard, Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif, Alexis Le May, Éric Pfalzgraf.
Narrateurs : Stéphane Garneau, Suzanne Laberge
Entrevues : Suzanne Laberge
Mixage son  : Jean-Pierre Limoges, Studio JPL
Photos supplémentaires : les archives personnelles de Madame Loiselle, les archives du Théâtre du Rideau Vert, les archives de la Société Radio-Canada.
Texte :
  • Solange Lévesque