Richard E. Tremblay, lauréate

Psychologue du développement

Naissance le 23 novembre 1944 à Barrie (Ontario), décès le à 

Entrevue

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Biographie

Naît-on bon ou mauvais? Est-ce la société qui transforme l’innocent chérubin en adolescent délinquant, voire en criminel, ou au contraire est-ce qu’elle l’aide, par l’éducation, à contrôler sa bestialité naturelle? Depuis l’Antiquité, cette question fondamentale passionne les philosophes. Cependant, le psychologue Richard Tremblay a su y apporter une réponse scientifique, basée sur l’observation systématique du développement de milliers d’enfants. En 30 années de travaux, ce chercheur hors pair a démontré, au risque d’ébranler les certitudes, que l’être humain se montre agressif et violent dès sa naissance et qu’il apprend ensuite à réprimer ses pulsions. Les découvertes du docteur Tremblay n’ont pas qu’un intérêt philosophique : elles donnent aussi des outils pour prévenir et endiguer la violence humaine.

Enfant, Richard Tremblay se destinait à une tout autre carrière. Né en 1944 à Barrie, en Ontario, il grandit dans la région de l’Outaouais où son père est footballeur professionnel dans l’équipe des Rough Riders. Dans la famille, le sport est presque une religion. Richard Tremblay passe sa vie dans les stades et les arénas jusqu’à son entrée à l’Université d’Ottawa où il choisit évidemment l’éducation physique. Cependant, c’est tout un monde nouveau qu’il découvre en obtenant son premier emploi de professeur d’éducation physique à l’hôpital psychiatrique Saint-Charles de Joliette, en 1966. Le jeune professeur se sent complètement démuni devant les malades qu’il voudrait tant comprendre et il décide alors de retourner aux études. Après une maîtrise en psychoéducation à l’Université de Montréal, il travaille à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, qui accueille des malades mentaux dangereux.

En 1971, l’Université de Montréal inaugure son école de psychoéducation et offre un poste de professeur à Richard Tremblay, à condition qu’il obtienne un doctorat. Ravi, le psychologue s’envole pour l’Université de Londres, où il consacre sa thèse au traitement des adolescents délinquants, dont il montre la piètre efficacité. De retour à Montréal en 1976, avec quelques collègues, il met sur pied la première étude longitudinale de l’agressivité chez les enfants à partir de la maternelle. Le psychologue n’est pas pressé : il sait que, pour vraiment comprendre le développement de la violence, il va devoir suivre ces enfants pendant des années. Patiemment, il crée une équipe interdisciplinaire et interuniversitaire de chercheurs pour suivre une cohorte de 1 000 garçons avec une série de questionnaires, d’observations et de tests de laboratoire afin de décrire le plus finement possible leurs caractéristiques biologiques, psychologiques et sociales.

Depuis près de 25 ans, les chercheurs observent ces enfants dans leurs interactions avec d’autres enfants, avec leurs parents, avec leurs enseignants, font des prises de sang et des examens d’imagerie cérébrale, et compilent consciencieusement les données. Ils ont créé ainsi l’une des études les plus exhaustives jamais menées sur le développement des enfants.

Grâce au travail acharné de centaines de collaborateurs, cette étude a conduit à une première découverte fondamentale : contrairement à ce que l’on croit souvent, ce ne sont pas les médias ni les jeux vidéo, ni non plus les années passées à l’école, qui rendent les jeunes violents. À 6 ans, ils sont déjà très violents. Au début des années 90, Richard Tremblay commence à créer les bases d’une série d’études longitudinales pour remonter au début de la vie. C’est là qu’il trouve enfin la réponse à la grande question des philosophes : l’être humain n’apprend pas à agresser. Il se montre violent dès qu’il a acquis la coordination de ses membres pour le faire, soit de 6 à 12 mois après la naissance. Et c’est lorsqu’il est âgé de 2 à 4 ans que sa violence atteint son paroxysme. En grandissant, grâce à une éducation appropriée, l’enfant apprend les solutions de rechange qui vont lui permettre, sa vie durant, de maîtriser cette violence innée. Sauf si des facteurs biologiques, environnementaux ou sociaux l’en empêchent.

Par ses études, qui ont porté sur plus de 30 000 enfants et leurs familles, Richard Tremblay a littéralement renversé la façon d’envisager le développement de la violence. Professeur aux départements de psychiatrie, de psychologie et de pédiatrie de l’Université de Montréal, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le développement de l’enfant, Richard Tremblay est à l’origine d’une véritable école du développement social de l’enfant, présentement reconnue à l’échelle internationale. Directeur du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant et du Centre d’excellence sur le développement des jeunes enfants, membre de la Société royale du Canada, Richard Tremblay est aussi l’auteur de plus de 400 articles, chapitres et ouvrages scientifiques.

C’est en Europe que les recherches de Richard Tremblay connaissent à l’heure actuelle le plus grand écho. Et le psychologue est revenu récemment à ses préoccupations premières : améliorer l’efficacité des interventions destinées à prévenir la violence, en aidant d’autres chercheurs à élaborer de nouvelles stratégies basées sur ses découvertes et destinées aux femmes enceintes. Toujours par monts et par vaux, le chercheur consacre un temps fou à transmettre son savoir, notamment aux jeunes chercheurs, lui qui n’a jamais pris de vacances, mais considère, comme Confucius, qu’il n’a jamais travaillé tant il aime ce qu’il fait. Et pour diffuser ses connaissances au grand public, il a notamment produit, en 2005, un fascinant documentaire télévisé, intitulé Aux origines de l’agression : la violence de l’agneau, qui lui a valu un prix de la Health & Science Communications Association.

Marié et père de deux enfants, qui sont aujourd’hui dans la trentaine, Richard Tremblay prend plaisir à se maintenir en forme physique et morale par la natation, la course à pied, la musique – surtout baroque – et l’écriture. Et ce n’est pas sans un certain humour qu’il se met actuellement en scène dans un livre qui s’annonce passionnant, où il confronte, dans un dialogue fictif au sommet du mont Royal, les connaissances actuelles sur le développement des enfants avec celles de trois grands philosophes, soit Hobbes, Rousseau et Darwin.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
6 novembre 2007

Membres du jury :
Lucie Germain, présidente
Diane Berthelette
Gaétan Guillemette
Louise Potvin
Gloria Tannenbaum

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec
Réalisation : Alain Drolet
Caméra et direction photo : Ronald Landry
Caméra : Alain Drolet
Prise de son : Donald Fortin
Montage : Andréane Cyr, Digipoint
Montage sonore : Stéphane Carmichael, Studio Expression
Programmation DVD : Jean Michaud, Digipoint
Compression numérique : Hugo Comtois, IXmédia
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline Béchard,
Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif, Alexis Le May,
Éric Pfalzgraf
Narratrice : Sophie Magnan
Entrevue : Marie-Christine Trottier
Texte :
  • Valérie Borde