Marc Le Blanc, lauréate

Naissance le 6 novembre 1943 à Arthabaska, décès le à 

Biographie

On parle régulièrement dans les médias d’une approche québécoise de la justice pour les jeunes ou encore d’un modèle québécois de l’intervention auprès des jeunes judiciarisés qui se distingue de ce qui est fait ailleurs au Canada, aux États-Unis ou en Europe. Il est tout à fait indiqué d’affirmer que Marc Le Blanc a conduit à la création de ce modèle québécois distinctif.

Docteur en criminologie et professeur émérite à l’École de criminologie et à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, où il a fait toutes ses études jusqu’au doctorat, Marc Le Blanc est, sans l’ombre d’un doute, un des criminologues qui a marqué de façon indélébile sa profession. Il a en effet apporté, au cours des quarante-cinq dernières années, une riche contribution scientifique à la recherche fondamentale et à la recherche appliquée.

Il n’est pas surprenant qu’il jouisse d’une réputation de précurseur et de chef de file en criminologie et en psychoéducation au Québec. Grâce à ses travaux intégratifs de nature multidisciplinaire, il est aussi reconnu par les chercheurs de différentes disciplines connexes telles que, notamment, la psychoéducation, la psychologie, la sociologie et le travail social.

Alors qu’il est jeune étudiant en sociologie, il prend connaissance de l’œuvre de Léon Gérin. Il est impressionné d’apprendre que ce sociologue a fait, au début du XXe siècle, des études empiriques sur les familles québécoises et qu’il en a extrait des politiques sociales, familiales et économiques, ainsi que des recommandations. Léon Gérin est un modèle pour lui. Il est donc d’autant plus honoré de recevoir ce Prix du Québec.

Les études menées par le professeur Le Blanc mettent en évidence les trois perspectives qui définissent la criminologie selon Denis Szabo, fondateur de la criminologie québécoise. Celles-ci sont : la perspective sociologique, qui analyse l’évolution de la conduite délinquante d’une génération à l’autre et selon les classes sociales; la perspective criminologique, qui prend en compte les facteurs individuels et l’environnement social et sociétal, particulièrement par des études longitudinales (c’est-à-dire par l’observation des mêmes individus tout au long de leur développement); et, finalement, la perspective éducative, qui se manifeste par une évaluation de l’implantation et de l’efficacité du modèle psychoéducatif de réadaptation pour les adolescents en difficulté.

« La criminologie est une science au carrefour de plusieurs disciplines, mais surtout une science appliquée qui doit se préoccuper des politiques et des pratiques concernant le phénomène criminel. C’est la prémisse qui a guidé l’ensemble de mes activités », précise-t-il.

Sa production scientifique fait rayonner le Québec dans le monde entier. D’une qualité et d’une ampleur exceptionnelles, elle a eu des retombées considérables sur la criminologie et la psychoéducation modernes.

Ses contributions théoriques permettent de mieux comprendre des concepts comme la précocité (ou âge d’apparition), l’aggravation (des délits mineurs aux délits graves) et le désistement (ou processus d’arrêt) des comportements criminels et antisociaux, théories qui sont maintenant omniprésentes en criminologie. Grâce à ses travaux innovateurs sur l’analyse des différents paramètres permettant de décrire le développement de la conduite délinquante et antisociale, il est un des pionniers de la perspective développementale, laquelle exerce désormais une influence paradigmatique dominante sur la criminologie contemporaine.

Une autre preuve de l’envergure et de la rigueur de son œuvre réside dans le fait qu’il a su démontrer comment la conduite délinquante évoluait avec l’âge selon certains stades (apparition, aggravation et désistement), et ce, tout en empruntant différentes trajectoires du développement. Dans un domaine dominé par la sociologie américaine, il a élargi les horizons théoriques et intégré des facteurs psychologiques individuels aux facteurs micro et macrosociaux.

Étudier le comportement humain sur une longue période

Ses contributions scientifiques qui découlent de son étude longitudinale, amorcée en 1972, comprennent une centaine d’articles scientifiques et deux livres (Fréchette & Le Blanc, 1987; Le Blanc & Fréchette, 1989). Cette étude, unique au monde, a évalué deux échantillons d’hommes québécois qui étaient adolescents au début des années 70. L’évaluation s’est faite de l’adolescence à l’âge adulte, à partir d’un échantillon d’adolescents judiciarisés et d’un échantillon représentatif de la population générale. Une quantité importante de renseignements sur les participants a été collectée, notamment en ce qui concerne leur conduite criminelle et antisociale ainsi que leur adaptation psychologique (personnalité) et sociale (famille, école, amis, travail, relations de couple, etc.). Cette analyse a permis de mieux comprendre les processus de développement du comportement criminel et antisocial, notamment la consommation et l’abus de psychotropes, la rébellion familiale, l’indiscipline scolaire, le décrochage scolaire, les conduites sexuelles à risque ou encore les caractéristiques des bandes de rue. Une synthèse de cette étude est actuellement en préparation et devrait être publiée en 2015.

Quant à ses contributions appliquées, elles regroupent la recherche évaluative, la recherche et développement et la mise au point d’instruments d’évaluation. Il entreprend ses travaux en recherche évaluative au début des années 70, au centre de réadaptation de Boscoville. Au cours des deux décennies suivantes, il réalisera également l’évaluation de différents programmes de prévention et de réadaptation pour les adolescents en difficulté.

Au début des années 90, il s’investit en recherche et développement. Il expérimente, avec des collègues, un modèle d’intervention différentielle tout à fait novateur, lequel propose des interventions différentes pour des types distincts d’adolescents en difficulté. Son rôle sera ensuite déterminant en ce qui a trait au développement de Boscoville 2000, qui deviendra dans les années 2000 un établissement à la fine pointe des connaissances pour le traitement des jeunes délinquants. Un programme inédit y sera implanté et évalué, augmentant ainsi l’efficacité des interventions de réadaptation.

Différents organismes offrant des services d’intervention aux adolescents en difficulté utilisent les instruments d’évaluation des problèmes d’adaptation qu’il a mis au point, soit le MASPAQ, mesures de l’adaptation sociale et psychologique pour les adolescents québécois, l’IHSAQ : inventaire d’habiletés sociales pour les adolescents québécois et le MEQIGAQ : mesures pour évaluer la qualité de l’intervention auprès d’un groupe d’enfants ou d’adolescents québécois. Ces instruments ont été construits et validés avec les méthodes psychométriques courantes et sont accompagnés d’un logiciel convivial pour les cliniciens.

De l’étude de données empiriques à l’élaboration de programmes et de politiques

La notoriété de Marc Le Blanc est indéniable tant dans les milieux universitaires que professionnels. Il a conseillé différents organismes, commissions scolaires, centres locaux de services communautaires (CLSC), centres jeunesse et ministères fédéraux et provinciaux à propos des lois, des politiques, des pratiques et des programmes relatifs aux délinquants. Les intervenants ont recours aux résultats de ses travaux dans le cadre de leur travail, alors que les professionnels du domaine s’y fient lors de leur prise de décisions. Ce rôle de conseil, il l’a également joué auprès d’instances gouvernementales à l’étranger. Un tel rayonnement dépasse largement celui de la moyenne des chercheurs universitaires au Canada ou à l’étranger. Ce parcours avant-gardiste et exemplaire, il le doit aussi à tous ceux qui ont croisé son chemin. « Tout au long de ma carrière, j’ai été appuyé par des collègues, des étudiants, des assistants, des professionnels de recherche et du personnel administratif sans qui il m’aurait été impossible de mener à bien ces travaux », confie-t-il.

L’influence du professeur Le Blanc sur la société québécoise s’observe par les formations données aux criminologues et aux psychoéducateurs depuis plus de vingt ans, par la relève scientifique ainsi que par l’amélioration de notre capacité collective à répondre adéquatement aux adolescents en difficulté. Il n’existe aucune formation digne de ce nom au Québec portant sur la délinquance qui n’accorde pas une place privilégiée aux connaissances issues de ses travaux. D’ailleurs, les multiples réimpressions des ouvrages Délinquances et délinquants et Traité de criminologie empirique ne sont qu’une illustration de cet état de fait.

Reconnu tant au Québec qu’à l’échelle internationale comme l’un des importants criminologues des vingt-cinq dernières années, le professeur Le Blanc a reçu, en 2012, le prix Sellin-Glueck, décerné par la Société américaine de criminologie, pour une contribution internationale exceptionnelle à son domaine. Il est le premier criminologue à recevoir le prix Léon-Gérin.

Information complémentaire

Membres du jury :
Robert Bourbeau (président)
Jean-Philippe Warren
Marie-Jose Fortin
Barbara Bader

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :

Direction photo / caméra : Rémy Boily
Prise de son : Serge Bouvier
Montage : Sylvain Caron, Trinh Nguyem-Dinh
Musique : Michael Wanner

Texte :
  • MEIE