Gisèle Lamoureux, lauréate

Naissance le 5 octobre 1942 à Montréal, décès le 23 juin 2018 à Lévis

Témoignage

Lire la vidéo sur Entrevue

Biographie

C’est parfois dans les parcours atypiques que se dévoilent les passions. Et c’est sur la frontière mouvante entre la science et la culture que se révèle celle de Gisèle Lamoureux, figure incontournable de la botanique.

Avec constance, avec intelligence et avec l’énergie que dicte une volonté déterminée, Gisèle Lamoureux met au point une imposante nomenclature et une description encyclopédique des plantes sauvages d’ici dans un français accessible, de qualité et teinté de poésie. Des centaines de plantes font ainsi leur entrée dans le monde officiel. Un travail de fond à l’origine d’une quinzaine de publications, dont les réputés guides Fleurbec devenus succès de librairie et compagnons fidèles des amateurs de la flore locale.

« Selon moi, c’était un non-sens que les gens nomment la girafe et l’antilope sans connaître les plantes qui nous entourent. Je voulais qu’ils apprennent à nommer ces plantes pour pouvoir en parler entre eux. La culture commence là, par les échanges entre les gens. La vie qu’ils ont en commun. »

Si le travail du frère Marie-Victorin dans son œuvre maîtresse, Flore laurentienne, est admirable, le vocabulaire technique demeure hors de portée des néophytes. Préoccupée par la vulgarisation, Gisèle Lamoureux emprunte une tangente autre. Son approche : allier la rigueur scientifique à une langue claire et vivante pour proposer en quelque sorte une introduction à la Flore laurentienne.

Durant son parcours, elle choisit d’agir hors des cadres institutionnels et rassemble des amis botanistes pour préparer un premier manuscrit. Au fil des ans, l’auteure devient aussi éditrice. Au cœur de son œuvre où s’entremêlent tradition et innovation, ses guides terrain enrichissent le regard et la pensée de la société québécoise. Soutenu par un travail de recherche terminologique remarquable, le concept fait école.

Avec ses collègues, elle répertorie tous les noms utilisés au Québec pour une même plante. « Par exemple, il y avait 29 façons de nommer la bardane ou la toque. Il fallait en privilégier un, une décision émotive. Finalement, on a retenu l’appellation la plus répandue. » On imagine sans peine l’exigence de l’exercice pour l’ensemble des plantes!

Il faut remonter à l’enfance pour voir jaillir l’étincelle de cette carrière prolifique. « Ma grand-mère m’envoyait cueillir du trèfle-d’odeur dans les terrains vagues de Montréal, ce fut mon premier contact avec l’utilisation des plantes. » Puis, en encourageant son goût pour l’herborisation, sa cheftaine chez les Guides souffle sur la flamme. Après quoi les camps de formation des Cercles des Jeunes Naturalistes dirigés par sœur Marie-Jean-Eudes et le frère Rolland-Germain, mentor de Marie-Victorin, attisent sa passion.

« À l’Université de Montréal, j’ai eu cinq professeurs de l’équipe du frère Marie-Victorin. Ma formation relevait quasi en droite ligne avec lui et me permettait de m’affirmer comme botaniste. Sous l’influence de ces spécialistes, mes études m’ont donné confiance en moi pour aller plus loin. »

Sa rencontre avec le réputé professeur Miroslav Grandtner amène Gisèle Lamoureux à l’Université Laval où elle poursuit une maîtrise en écologie végétale. Tout au long de ses 40 ans de carrière, elle maintient des liens avec cette institution qui lui ouvre ses bibliothèques et ses collections de l’Herbier Louis-Marie, en plus de lui permettre des contacts profitables avec des experts devenus ses conseillers.

Dans les années 1990, son approche inédite incite le ministère de l’Environnement du Québec à lui confier la tâche colossale de nommer environ 400 plantes visées par la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, la plupart étant dépourvues de noms français. Sa méthodologie sert de socle à la rédaction d’un document à portée internationale intitulé Guide de nomenclature des noms normalisés en français pour les plantes Trachéophytes de France métropolitaine.

Inspirée par son attachement au territoire, la botaniste mène plusieurs campagnes de sensibilisation, notamment celle pour la protection de l’ail des bois et celle pour l’adoption d’une fleur indigène, l’iris versicolore, comme emblème floral du Québec.

Présence dans les médias, articles, conférences, excursions en milieu naturel tracent autant de voies à sa volonté de vulgarisation. Chemin faisant, son engagement étoffe la langue française d’un généreux lexique, favorisant ainsi l’appropriation sociale de la flore québécoise.

Avec plus de 3 000 pages publiées et quelque 500 plantes sauvages nommées et présentées sous toutes leurs facettes en français, il convient d’affirmer que l’œuvre de Gisèle Lamoureux est faite de patience, de minutie et de créativité, tel un ouvrage fin cousu à la main.

Information complémentaire

Membres du jury :
Normand Baillargeon
Daniel Loiselle
Lise Ravary
Mélanie St-Hilaire (présidente)

Crédit photo :
  • Éric Labonté
Texte :
  • Annie Boutet