Martin Duckworth, lauréate

Naissance le 8 mars 1933 à Montréal, décès le à 

Témoignage

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Biographie

De l’enseignement de l’histoire, il est possible de bifurquer vers le cinéma par désir de raconter autrement. Martin Duckworth le sait.

C’est le visionnement du film Golden gloves de Gilles Groulx qui lui inspire ce virage. Alors enseignant en histoire, il saisit la possibilité de mettre la pratique artistique au service d’une idéologie sociologique et politique. « Faire des films devenait plus valable que tout mon travail accompli comme historien. »

En 1963, Martin Duckworth joint l’Office national du film (ONF), où il apprend son métier. « J’ai vécu l’âge d’or de l’ONF. Avec Jean-Claude Labrecque, j’ai découvert la caméra à l’épaule. De Gilles Groulx, j’ai appris la liberté de faire un bon montage en salle, sans l’obligation de suivre un scénario établi en tournage. De Fernand Dansereau, j’ai retenu l’idée de créer de bons films en collaboration avec les communautés d’activistes au lieu de rester seul dans son coin comme artiste. D’Arthur Lamothe, j’ai appris la place de l’humour dans le contact avec les gens. »

Après sept ans, le documentariste quitte l’ONF. Il craint de se fondre dans l’ordre établi et le confort de l’emploi permanent. Il souhaite rester ancré dans la réalité de la majorité, celle des personnes qui se battent pour gagner leur vie. « En restant à l’ONF, j’avais peur de perdre ma sensibilité d’artiste et d’activiste. »

Le cinéma indépendant ouvre la voie à l’expression de sa pensée artistique, aussi insoumise que réfléchie. Ainsi, guidé par des valeurs éternelles, il développe une filmographie singulière. Dans son idéal, chaque film peut transformer la vie des gens qu’il porte à l’écran. Pour Martin Duckworth, le cinéma se révèle clairement un agent de changement social. « C’est seulement l’art qui peut faire avancer la condition humaine, à mon avis »

Avec une caméra attentive, le cinéaste regarde le monde par le filtre de la vie ouvrière, de la justice sociale, de l’expression dans les arts et de la résolution de conflit dans la paix. Pour ce fils de pacifistes, chaque documentaire mise sur l’authenticité en sondant l’âme humaine et la ferveur militante. Bref, le citoyen engagé n’est jamais bien loin du cinéaste. C’est pourquoi il sait repérer les personnages marquants qui forment l’échine de sa production artistique.

Avec de la retenue et en autant de mots et de silences qu’il en faut pour donner corps à une œuvre sensible, Martin Duckworth met en lumière une frange trop souvent invisible de la société. Ses documentaires introduisent un nouvel angle de vue par une parfaite adéquation entre l’objectivité du cinéma direct et la rencontre intime avec ses personnages.

« Je suis assez fier des deux tiers de la trentaine de films que j’ai réalisés. Parce qu’ils révèlent l’intériorité de personnes qui doivent faire face à des défis très durs, mais qui trouvent les moyens de les surmonter. J’aime les films qui aident les personnes à atteindre leur but. »

Dans toute sa filmographie, Martin Duckworth avoue avoir un faible pour Nos derniers jours à Moscou, Cher Père-Noël, Les yeux du cœur ainsi que pour sa trilogie sur Hiroshima, Dresden et la première guerre du Golfe. Du même souffle, il ajoute Au pays de Riel, Le rêve de Fouad et son tout récent film Fennario persiste et signe.

Le nom de Martin Duckworth apparaît aussi comme caméraman au générique de quelque 80 films d’autres cinéastes, dont plusieurs de la relève. De plus, son sens de l’engagement se reflète depuis 25 ans dans son enseignement aux étudiantes et étudiants de l’École de cinéma Mel Hoppenheim de l’Université Concordia. « J’ai toujours adoré les jeunes en raison de mon vécu. Je suis père de sept enfants et grand-père onze fois. Il faut toujours aider les jeunes à trouver leur propre chemin. »

Somme toute, ce documentariste atypique – membre émérite de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec – cumule les documentaires, tournés partout dans le monde au cours des cinq dernières décennies, sans que la valeur artistique et sociale de son œuvre s’altère.

Avec son credo, l’amour peut sauver la vie et l’art peut sauver le monde, Martin Duckworth se révèle un humaniste convaincu, un pacifiste et un artiste qui porte sa caméra tout près du cœur pour faire vibrer les êtres humains à l’écran.

Information complémentaire

Membres du jury :
Denis Côté
Hélène Girard (présidente)
Nicole Robert
Normand Sarrazin

Crédit photo :
  • Éric Labonté
Texte :
  • Annie Boutet