Michel Bouvier, lauréate

Biographie

Depuis le début de sa carrière, Michel Bouvier, professeur titulaire en pharmacologie moléculaire et signalisation cellulaire au Département de biochimie et médecine moléculaire de l’Université de Montréal, a formé quelque 85 étudiants au doctorat et au postdoctorat, dont 45 provenant de l’extérieur du Canada. « Ils sont ma famille et ma fierté », confie le Dr Bouvier, également directeur général de l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC) depuis 2014 et vice-recteur associé à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation de l’Université de Montréal depuis 2015. Lors du 25e anniversaire du laboratoire de recherche de Michel Bouvier, des dizaines d’anciens étudiants sont venus des quatre coins de la planète pour lui faire une surprise. C’est d’ailleurs à ses protégés que le scientifique doit d’avoir remporté le prix Julius Axelrod en pharmacologie 2017 remis par l’American Society for Pharmacology and Experimental Therapeutics. « D’anciens étudiants ont soumis ma candidature, ce qui me touche beaucoup », raconte le chercheur.

Le parcours de Michel Bouvier s’est lui aussi déroulé sous le signe du mentorat. « En 3e secondaire, deux professeurs de sciences m’ont donné la piqûre pour la chimie et la biologie, se souvient-il. C’est ainsi que je me suis inscrit au baccalauréat en biochimie à l’Université de Montréal. » Il devient l’un des premiers étudiants de l’Université de Montréal à faire un passage direct vers le doctorat en sciences neurologiques. La rencontre avec son directeur de thèse Jacques de Champlain, lauréat quelques années plus tard du prix Wilder-Penfield, est déterminante. « C’était un médecin, un scientifique, un humaniste et un amateur d’art et de culture que j’admirais énormément, se remémore Michel Bouvier. Avec lui, j’ai plongé dans l’univers de l’hypertension artérielle, un sujet qui me tenait à cœur puisque mon père était décédé des conséquences de cette pathologie alors que je n’avais que 13 ans et lui, à peine 40. »

Après son doctorat, le chercheur prend le chemin de l’Université Duke, en Caroline du Nord, la Mecque pour l’étude des récepteurs couplés aux protéines G ou RCPG. Ces molécules, qui avaient attiré son attention pendant ses études supérieures, sont les récepteurs qui captent et traduisent pour les cellules les messages chimiques des odeurs, des molécules gustatives, des photons et de la majorité des neuromédiateurs et des hormones. Ils sont la cible de plus de 33 % des médicaments et de la majorité des drogues. « Je voulais comprendre les mécanismes d’activation de ces récepteurs, les processus par lesquels ils modifient les propriétés des cellules cibles, ainsi que leurs caractéristiques pharmacologiques », explique Michel Bouvier. C’est d’ailleurs avec son directeur de stage Robert. J. Lefkowitz, lequel remportera en 2012 le prix Nobel de chimie, qu’il a trouvé sa voie comme scientifique.

Et pas n’importe quelle voie! De l’avis général, Michel Bouvier est un chercheur exceptionnel, et son influence, ressentie à l’échelle mondiale, touche non seulement les connaissances fondamentales, mais aussi leur transfert et leur application dans les milieux de pratique. Le Dr Bouvier a en effet révolutionné la compréhension du fonctionnement des RCPG, notamment avec le concept de signalisation biaisée, selon lequel un récepteur s’apparente à un réseau qui peut activer plusieurs voies cellulaires, et non une seule comme les chercheurs l’avaient toujours cru. « Certaines hormones ou drogues peuvent ainsi initier un sous-ensemble de signaux, ayant des effets souhaités ou non, à travers le même récepteur, explique Michel Bouvier. Cette notion est maintenant utilisée dans le développement de médicaments. » Le scientifique a aussi été le premier à démontrer que les RCPG ont une activité en l’absence d’hormones.

M. Bouvier a également découvert une nouvelle classe d’agents thérapeutiques, qu’il a nommés chaperons pharmacologiques. C’est en étudiant le diabète insipide néphrologique, une maladie résultant d’un repliement anormal de différents RCPG, qu’il a repéré ces composés qui peuvent corriger sélectivement ces défauts. Son laboratoire développe présentement des chaperons pharmacologiques visant les mutations de récepteurs impliqués dans de nombreux cas d’obésité morbide précoce. Enfin, le Dr Bouvier a marqué la recherche en faisant de la BRET (bioluminescence par transfert d’énergie de résonance) un outil pour étudier les interactions entre protéines. Cette technologie lui a permis de concevoir et de produire de nombreux biocapteurs qui sont maintenant largement utilisés par la communauté scientifique et l’industrie pharmaceutique pour suivre les réactions chimiques dans les cellules.

Les retombées de ses travaux sur la recherche ont été telles que le professeur Bouvier a vu le mandat de sa Chaire de recherche du Canada en signalisation cellulaire et en pharmacologie moléculaire renouvelé pour une troisième fois en 2015. Il a également figuré parmi le 1 % des scientifiques les plus cités à l’échelle internationale en 2014 selon la liste de Thomson Reuters. Auteur de 275 articles scientifiques, ayant son nom comme inventeur sur 9 brevets, il a reçu de nombreuses reconnaissances, dont le prix Léo-Pariseau 2006 et le prix Adrien-Pouliot 2011, tous deux remis par l’Association francophone pour le savoir (ACFAS). Il a créé et dirigé le Groupe de recherche universitaire sur le médicament (GRUM) ainsi que le Réseau québécois de recherche sur les médicaments (RQRM), qui regroupe 250 chercheurs de 10 universités au Québec, et il a été l’un des membres fondateurs d’IRICoR, une société à but non lucratif visant à traduire des découvertes scientifiques en solutions thérapeutiques. Sa plus grande réalisation? « Rassembler les meilleures personnes au bon endroit et au bon moment pour favoriser les découvertes », croit Michel Bouvier.

Information complémentaire

Membres du jury :
Nabil G. Seidah (président, absent de la plénière)
Gail Ouellette (présidente substitut)
Chantal Guillemette
Isabelle Dionne

Crédit photo :
  • © Éric Labonté