Yvon Deschamps, lauréate

Naissance le 31 juillet 1935 à Montréal, décès le à 

Entrevue

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Biographie

« C’est l’intensité de son regard qui m’avait frappé. Toute la profondeur, toute la peine du monde, il l’avait dans ses yeux. » C’est dans ces mots qu’Yvon Deschamps décrit celui qu’il considère comme son maître, Charlie Chaplin, dans une entrevue à Radio-Canada en mars 2020. On distingue une intensité comparable dans la présence sur scène de ce monument de la culture québécoise, ponctuée par des éclats de rire, sincères et reconnaissables entre tous. Ce rire qui lui permet de se distancier des mots durs qu’il emploie pour exposer les travers de notre société, comme un clin d’œil complice à son public pour lui signifier qu’il pense le contraire de ce que son personnage exprime. Grâce à son style décapant et provocant, qui pousse à la réflexion et révèle son grand humanisme, Yvon Deschamps s’est taillé une place de choix dans le cœur des Québécoises et des Québécois. S’il a fait de Chaplin son maître, il est à son tour devenu une inspiration pour des générations d’humoristes et d’auteurs. Le prix Denise-Pelletier 2020 reconnaît sa contribution admirable aux arts d’interprétation, tout autant qu’à l’évolution de la société québécoise.

« Recevoir un tel prix est pour moi une expérience d’humilité. En fait, ça suscite des émotions contradictoires, entre l’humilité et la fierté. Je me dis : finalement, je dois être bon! » s’esclaffe-t-il.

Né dans le quartier populaire et ouvrier de Saint-Henri, à Montréal, en 1935, Yvon Deschamps sera profondément marqué par la pauvreté, les inégalités et l’injustice qui y ont cours, conditions qui éveilleront son engagement social et façonneront ses monologues. C’est en 1968, avec Les unions, qu’ossa donne?, présenté dans L’osstidcho, spectacle devenu mythique dans l’histoire du Québec contemporain, qu’il amorcera véritablement sa carrière d’humoriste. Une carrière scénique qui se déclinera en 11 spectacles solos, présentés plus de 3 000 fois et composés de plus de 75 monologues et d’une quarantaine de chansons.

« Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir participé à la fondation du Théâtre de Quat’Sous, toujours en activité après plus de 50 ans, d’avoir fait partie de cette formidable équipe. On a donné une voix aux jeunes auteurs, dont à un certain Michel Tremblay (rires). Le Quat’Sous a été déterminant dans ma carrière, c’est là que tout a commencé. C’est là qu’on a créé L’osstidcho. Ce spectacle a changé ma vie », dit-il.

Dans ses monologues, Yvon Deschamps aborde des sujets sensibles, comme la vieillesse et l’immigration, et dénonce entre autres le racisme et l’intolérance, avec un accent souvent philosophique. Il y a également beaucoup parlé des femmes, exposant sous le couvert d’énormités un sexisme enraciné. Bien que ses textes mettent en lumière les préoccupations et les angoisses d’une époque révolue, ils ont toujours une résonance aujourd’hui. Les nombreuses distinctions qui lui ont été attribuées reconnaissent ainsi la portée de ses monologues et confirment son statut d’icône de la scène humoristique québécoise. Celui que l’on qualifie de « père de l’humour québécois » détient notamment le titre de chevalier de l’Ordre national du Québec (2001) et est titulaire de la médaille de l’Assemblée nationale (2018), ce à quoi vient s’ajouter le prix Denise-Pelletier.

Reconnu et encensé pour sa maîtrise de l’humour, Yvon Deschamps l’est tout autant pour son engagement social, auquel il se consacre en parallèle de sa carrière depuis ses débuts, faisant preuve d’une fidélité exemplaire à l’endroit des causes qu’il épouse. En plus d’avoir participé à la fondation d’Oxfam-Québec en 1973, il a été porte-parole pendant 30 ans du Chaînon, un organisme qui vient en aide aux femmes en difficulté, et est engagé à l’Association sportive et communautaire de Centre-Sud depuis plus de 35 ans.

« Avec le recul, je me dis : que j’ai travaillé! J’ai tellement travaillé! Et je suis très heureux d’avoir duré. Ce à quoi j’aspire le plus maintenant, c’est de bien finir ma vie, de continuer de vivre en santé le plus longtemps possible et, évidemment, de pouvoir continuer à m’impliquer », conclut-il.

Si la carrière d’Yvon Deschamps devait se résumer en un seul message, ce serait « Aimons-nous »… quand même. À l’image de cette chanson phare de son répertoire, celui qui sait faire émerger la tendresse de ses monologues incisifs aura invité son public au respect, à l’ouverture à l’autre et à l’entraide, valeurs qui chapeautent l’ensemble d’une carrière exceptionnelle de plus de 50 ans d’humour et de bienveillance.

Information complémentaire

Membres du jury

Francine Bernier

René Richard Cyr

Antoine Gratton

Louise Richer

Crédit photo :
  • Éric Labonté