Alain Grandbois, lauréate

Naissance le 25 mai 1900 à Saint-Casimir, décès le 18 mars 1975 à Québec

Biographie

Alain Grandbois a longtemps parcouru le vaste monde et a rapporté de toute cette itinérance intrépide un mode d’écriture vertigineux qui a transformé la littérature québécoise dans son rapport avec le réel. Après avoir publié Né à Québec (1933), Les Voyages de Marco Polo (1941) et des nouvelles qui allaient paraître en 1945 sous le titre énigmatique d’Avant le chaos, Alain Grandbois allait « exercer sur la poésie québécoise une influence décisive et durable », selon les mots de Jacques Brault.

Avec seulement deux recueils d’une splendeur inégalée, Les Iles de la nuit (1944) et Rivages de l’homme (1948), Alain Grandbois allait déployer tout son art poétique. Ce poète discret, qui n’avait l’intention de faire ni carrière ni œuvre, avait déjà épuré les sources premières de l’écriture quand il rendit publics les 28 poèmes qui composent Les Iles de la nuit. Les thèmes qui y prenaient leur envol n’étaient déjà plus ceux qui inaugurent un univers poétique : voilà qu’Alain Grandbois y exprimait une lecture grave et ontologique du monde et des conditions hostiles de l’existence humaine.

Nourri des spectacles de la vie sur tous les continents, dans ses profondeurs et ses échappées clairvoyantes mais aussi dans ses rapports conflictuels avec ses origines, l’univers chaotique et menacé qui deviendra le sien sera une fin du monde plutôt qu’une quête sereine de la paix de l’âme. Désenchantement, désespérance, désillusion, désamour feront naître sous sa plume des images d’abîmes et de gouffres, de cyclones, d’astres et de volcans, de corps fragile, de beauté fugace, d’amour évanescent et de tendresse mortelle. L’Amour est-il encore possible sur Terre lorsque les rivages d’une si cruelle lucidité sont atteints ?

Alain Grandbois, ce voyageur dilettante et pourtant d’une sévère exigence envers sa prose et sa poésie, n’aura porté aucun masque ; il sera allé au bout de l’aventure, sans attendrissement pour lui-même et l’amour de l’autre. « Avec lui, écrira Fernand Ouellette, le vivant, le poème et l’esprit devenaient au Québec ce qu’ils étaient partout ailleurs, des domaines infinis. » Avec lui donc commence la réelle modernité de l’écriture poétique au Québec, qu’allait poursuivre d’une façon tout aussi impitoyable Paul-Émile Borduas, le puissant maître-d’œuvre du Refus global, manifeste qui mit fin au long silence dans lequel sommeillait l’affirmation québécoise de l’art et de la libre pensée. Citoyen du monde, Alain Grandbois a apporté un souffle neuf à l’imaginaire québécois.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
22 janvier 1970

Membres du jury :
Nicole Deschamps (présidente)
Lucien Gagné
Jean Houpert
Benoît Lacroix
Alain Pontaut

Crédit photo :
  • Jules Rochon
Texte :
  • Pierre Filion