Thérèse Gouin Décarie, lauréate

Psychologue

Naissance le 30 septembre 1923 à Montréal, décès le à 

Biographie

[…] il ne reste qu’à féliciter Mme Gouin Décarie
d’avoir si clairement montré les points d’accord et de désaccord
entre le courant freudien et nos propres points de vue, ce qui ne peut que favoriser
les travaux ultérieurs et être utile à tous.

Jean Piaget, Genève, avril 1962.

Une vision globale du développement
de l’enfant

Comment s’imbriquent l’affectivité et la cognition dans le développement
de l’enfant est la question au centre des préoccupations de la psychologue
Thérèse Gouin Décarie depuis près de 45 ans. Piagétienne
avant la plupart de ses collègues nord-américains, elle contribue
à faire connaître les théories du scientifique suisse au
Canada et aux États-Unis. Adepte d’une conception globale de la psychologie,
elle rapprochera les théories de Piaget et de Freud pour mettre en évidence
le processus dynamique de l’intégration de l’enfant dans l’univers des
humains.

Pour un développement global

Il ne fait aucun doute, de nos jours, que l’analyse du développement
de l’enfant doit tenir compte des rapports entre les dimensions cognitive et
psychoaffective. Jusqu’au début des années 60, cependant, l’interaction
des théories de Piaget et de Freud n’est pas évidente. Alors que
Piaget voit dans le jeune enfant un petit physicien qui construit ses connaissances
à partir d’objets, Freud perçoit l’importance des instincts et
de la recherche du plaisir. La psychologue Thérèse Gouin Décarie
fait partie des avant-gardistes qui prônent alors et démontrent
l’interdépendance des développements mental, affectif, social
et moteur.

Sa thèse de doctorat, Intelligence et affectivité chez le
jeune enfant
, publiée en 1962 chez Delachaux et Niestlé avec
une préface de Piaget, sera traduite par la suite en anglais, en espagnol
et en italien. Elle constitue indéniablement l’une des premières
tentatives de mise en relation des développements affectif et cognitif
de l’enfant préverbal.

Les enfants de la thalidomide

Au début des années 60, Thérèse Gouin Décarie
étudie le cas des enfants atteints de malformations congénitales
causées par la thalidomide. On ne connaît alors rien du développement
mental des victimes de ce médicament. Des articles de revues médicales
les disent doués d’une intelligence normale ou même supérieure,
mais personne n’a encore vérifié cette affirmation. Invitée
par l’Institut de réadaptation de Montréal à approfondir
la question, elle dirige, de 1962 à 1969, une équipe de recherche
préoccupée par l’évaluation du potentiel intellectuel et
affectif de ces enfants.

Plusieurs d’entre eux n’ont aucun membre supérieur et ne possèdent
donc pas la coordination occulo-manuelle, si importante, selon Piaget, pour
la construction de la notion d’objet. La psychologue Gouin Décarie découvre,
chez ces enfants, une proportion plus élevée de sujets présentant
un déficit intellectuel que dans la population en général.
Elle constate toutefois que cette proportion est habituelle chez les enfants
souffrant de problèmes neurologiques, de déficits moteurs ou de
handicaps visuels.

La socialisation des enfants

La socialisation du nourrisson est aussi un thème cher à Thérèse
Gouin Décarie. Depuis plus de 30 ans, ses travaux mettent en évidence
la propension du nourrisson à être attiré, inquiété,
influencé par les stimulations émanant des êtres humains.
La chercheuse et son équipe comparent, entre autres, les réactions
du bébé à l’égard de la personne étrangère
et celles qui sont suscitées par un objet mobile inconnu.

« Au-delà du monde physique, Thérèse Gouin Décarie
généralise, dans le monde social, les théories de Piaget
 », explique Diane Poulin-Dubois, du Centre de recherche en développement
humain de l’Université Concordia. Néopiagétienne avant
l’heure, la chercheuse aide à faire reconnaître que les relations
amicales précoces contribuent au développement cognitif de l’enfant
et que les confrontations avec les compagnons de jeu sont sources d’évolution.

Depuis 1998, Thérèse Gouin Décarie poursuit, avec sa collaboratrice
Marcelle Cosette-Ricard, une recherche longitudinale relative à la structuration
de la théorie de l’esprit chez les jumeaux.

Un parcours et des engagements

Formée dans les années 40 à l’Institut de psychologie
de l’Université de Montréal, la psychologue étudie à
Boston et à Paris avant de terminer son doctorat à l’Université
de Montréal. Professeure au Département de psychologie de l’Université
de Montréal depuis 1951, elle a formé de nombreux chercheurs en
psychologie. Dans les années 50, elle participe à la fondation
de la Société canadienne des jardinières d’enfants. Elle
est aussi membre du Conseil de l’Université de Montréal durant
de nombreuses années, du Conseil des universités de 1986 à
1991 et de la Commission de vérification de l’évaluation des programmes
des universités du Québec de 1996 à 1999.

Titulaire de trois doctorats honoris causa (des universités Ottawa,
Concordia et Moncton), première femme à recevoir le prix Marcel-Vincent
de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences,
Thérèse Gouin Décarie est également la première
femme, dans le domaine des sciences humaines, à devenir membre du Conseil
national de recherches du Canada et à recevoir un prix du Québec
dans le domaine scientifique. Épouse, mère de quatre enfants et
grand-mère de deux petits-enfants, cette pionnière trouve dans
sa famille ce « quota de bonheur » qu’elle juge essentiel tout autant
pour l’homme de science que pour la femme de carrière.

Résumé de la carrière de Thérèse Gouin Décarie

1951-
Professeure à l'Institut de psychologie et au Département de psychologie de l'Université de Montréal

1960
Doctorat en psychologie de l'Université de Montréal

1969
Membre de la Société royale du Canada

1971
Officier de l'Ordre du Canada

1971
Membre à vie de la Société canadienne de psychologie

1988
Prix Léon-Gérin

1990
Distinguished fellow de l'International Society for Infant Study

1991
Professeure émérite de l'Université de Montréal

1991
Médaille Innis-Guérin de la Société royale du Canada

1994
Officier de l'Ordre national du Québec

Information complémentaire

Date de remise du prix :
17 octobre 1988

Membres du jury :
Jean-Thomas Bernard
Michel Despland
Gérard Poulin
Régine Robin
Normand Séguin
Crédit photo :
  • Bernard Vallée
Texte :
  • Élaine Hémond
Mise à jour :
  • Nathalie Dyke