Carole David

L’œuvre de Carole David, exigeante, singulière et rassembleuse, s’attire les éloges depuis la toute première publication de l’écrivaine, en 1986. Non seulement celle-ci a-t-elle obtenu le prix Émile-Nelligan pour son recueil de poésie Terroristes d’amour, mais chacun des 18 autres livres qui ont suivi lui a également valu un prix ou, à tout le moins, d’en être finaliste. Menant ainsi une fructueuse carrière littéraire depuis plus de 30 ans, la poète, nouvelliste et romancière Carole David s’impose comme une figure importante de la littérature québécoise contemporaine.

« Obtenir le prix Athanase-David est bien sûr une consécration, mais c’est surtout pour moi une reconnaissance de mes pairs, un témoignage de leur respect pour l’ensemble de mon œuvre, ce qui a une grande valeur à mes yeux. Je dirais même qu’au-delà de la reconnaissance de mon travail littéraire et du caractère novateur de mon œuvre, c’est un geste fort pour la littérature, puisqu’il porte un travail de l’ombre vers la lumière », se réjouit-elle.

Jeune intellectuelle féministe à la fin des années 1970, Carole David travaille comme chroniqueuse des revues littéraires au quotidien Le Devoir et critique au magazine Spirale, entre autres, avant d’entreprendre une carrière d’enseignante de littérature et de création littéraire au Cégep du Vieux Montréal en 1980. Également titulaire d’un doctorat de l’Université de Sherbrooke, obtenu en 1994, elle se distingue par sa connaissance approfondie des littératures québécoise, américaine et internationale. Elle enseignera jusqu’en 2009, pour se consacrer à l’écriture par la suite.

Carole David est aussi reconnue pour son engagement dans le milieu littéraire. Elle a siégé à plusieurs conseils d’administration, été déléguée dans divers comités de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois, et assumé la présidence de la Commission du droit de prêt public, de la Maison de la poésie, puis du comité Littérature au Conseil des arts de Montréal. Elle est aujourd’hui secrétaire du Festival international de littérature. En outre, ses nombreuses présences à des manifestations littéraires à l’étranger témoignent de ses qualités d’ambassadrice de la poésie québécoise. Elle dira que ce qui la rend le plus fière de son foisonnant parcours, « c’est d’avoir réussi à écrire contre vents et marées, à mener de front maternité, écriture, enseignement à plein temps et engagement ».

L’œuvre de Carole David évoque une américanité ancrée dans la pauvreté et la dépossession. Ses sujets, ses figures et son imaginaire puisent dans la culture populaire et la pensée féministe. Certains qualifient Carole David d’écrivaine punk, en raison de sa démarche poétique révoltée, mais aussi pour son écriture hybride et hors norme, entre la prose et la versification. La narration est de plus affirmée, précise et tranchante. De toute évidence, le grand intérêt que l’œuvre de Carole David suscite auprès des plus jeunes générations n’est pas étranger à la fascination de celles-ci pour les thèmes de la contre-culture.

Sylvia et Ann boivent des martinis dans le bar
d’un hôtel à Boston. Leurs robes aux motifs soyeux
s’enroulent autour de leurs doigts; elles se demandent
s’il faut être hantées par la vaisselle et les draps
pour écrire des poèmes dans lesquels les objets volent
entre vers et prose, atterrissent sur les murs
de la cuisine et se fracassent au cœur des images
ou des phrases déclinées durant leurs années
d’apprentissage. […]

Extrait d’un poème de Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles, 2010

Lorsqu’on lui demande comment elle envisage la poursuite de sa carrière d’écrivaine, Carole David répond sans hésitation : « Comme tout créateur, je souhaite pouvoir continuer à me renouveler, ne jamais me répéter. Je veux également demeurer en contact avec la jeune génération et rester active dans le milieu littéraire. Le travail d’écrivain est un acte solitaire, dans cette “chambre à soi”. C’est pourquoi il importe de sortir dans le monde, de s’engager, pour rester en lien avec les autres. Néanmoins, ce que je souhaite par-dessus tout, c’est que mes œuvres continuent à circuler. »

Il ne fait pas de doute que Carole David a érigé une œuvre magistrale, qui établit des ponts entre l’intime et le social, où se rencontrent femmes au foyer, marginaux et désœuvrés, tout en y honorant au passage ses origines italiennes. Si on la décrit comme une personne plutôt discrète, c’est assurément à une autrice fougueuse à laquelle on a affaire, dont l’écriture se révèle sans compromis.

Maxime Descoteaux

Très jeune, Maxime Descoteaux avait déjà le cerveau « allumé ». Il avait notamment analysé la synchronisation des feux de circulation et en avait conclu que son père ne prenait pas le chemin optimal pour le conduire à l’école. « Dès mon enfance, je tentais de résoudre des problèmes, se rappelle le professeur-chercheur au Département d’informatique de la Faculté des sciences l’Université de Sherbrooke. Pourtant, je n’étais pas un geek des sciences. J’étais plutôt un sportif qui aimait également le théâtre. »

Comme il avait d’excellentes notes à l’école, tout le monde poussait le jeune homme à se diriger vers la médecine à l’université. N’écoutant que son instinct et son intérêt pour la résolution de problèmes, Maxime Descoteaux a plutôt choisi un double baccalauréat mathématiques-informatique. Autour de lui, plusieurs ne voyaient pas l’utilité, ni les débouchés, de ces matières. Disons qu’il aura confondu les sceptiques!

Les algorithmes informatiques et les modèles mathématiques qu’il a développés lui ont permis de convertir une technique d’imagerie médicale existante en un véritable Google Street View du cerveau. « J’ai développé des outils astucieux pour analyser les images de l’IRM de diffusion qui suit le mouvement des molécules d’eau le long des fibres nerveuses. On peut ainsi voir le cerveau dans tous ses détails, ou presque », explique le chercheur, dont les travaux ont fait partie des 10 découvertes scientifiques de l’année de la revue Québec Science en 2009. Vulgarisateur dans l’âme, il aime bien comparer sa technique d’imagerie à un satellite qui prend des photos de milliers de véhicules (les molécules d’eau) circulant sur les routes (les fibres neuronales).

Avec les années, le chercheur du Centre de recherche du CHUS a raffiné ses outils pour rendre l’acquisition et le traitement d’images plus rapides et plus précis. L’examen initial, qui prenait entre 45 minutes et 2 heures, a ainsi été réduit à 5 minutes! L’astuce : prendre un minimum de clichés bien précis dans plusieurs directions pour les combiner ensuite en une image 3D révélant une véritable carte du cerveau. Des photos magnifiques issues de ses travaux ont notamment illustré l’édition spéciale du National Geographic sur le cerveau en 2014.

Quand on regarde ces images colorées montrant les fibres neuronales, on saisit toute la contribution de l’informaticien. Une image vaut mille mots, et des images, Maxime Descoteaux en a plusieurs! Pourtant, il n’est parti de rien. Il se souvient que tout était à faire dans le domaine de l’imagerie de diffusion lorsqu’il en est tombé amoureux pendant la maîtrise en informatique qu’il a faite conjointement à McGill et à l’Institut et hôpital neurologique de Montréal (Le Neuro). Pour pousser ses connaissances, il s’est envolé faire son doctorat et son postdoctorat en France, où il a raflé le prix de la meilleure thèse de doctorat en technologies de l’informatique. Il a ensuite rapporté son expertise à l’Université de Sherbrooke, où il a été engagé comme professeur en 2009. Il était alors l’un des seuls spécialistes en imagerie de diffusion au Canada.

La technologie développée par le professeur Descoteaux fait aujourd’hui partie des protocoles de recherche pour l’alzheimer, le parkinson ou la sclérose en plaques. « Nos images montrent en effet l’état des routes neuronales, ce qui en fait un outil pour repérer les fibres endommagées du cerveau, un signe avant-coureur de plusieurs maladies neurodégénératives », explique-t-il. Elle a aussi changé la pratique du neurochirurgien David Fortin, également professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke, qui l’utilise régulièrement. Par exemple, il y a eu recours afin de retirer chez une patiente l’intégralité d’une tumeur délicate, sans toucher aux voies importantes des fonctions essentielles comme la mémoire, le langage ou le mouvement.

Conscient du potentiel de ses travaux, Maxime Descoteaux a fondé en 2012 la compagnie Imeka Solutions inc., une startup qui offre les outils d’imagerie de diffusion et d’intelligence artificielle à l’industrie pharmaceutique pour le développement de médicaments traitant les maladies neurodégénératives. Il est le directeur scientifique de cette entreprise, qui emploie aujourd’hui 13 personnes.

Actuellement, ce père de deux jeunes enfants pilote un projet de recherche fondamentale sur la modélisation des commotions cérébrales avec l’équipe de football Vert & Or de l’Université de Sherbrooke. En tant que joueur de tennis et de hockey, ce sujet lui tient à cœur. « On ne distingue pas grand-chose sur les images médicales traditionnelles, précise-t-il. Avec nos outils d’imagerie, on tente de mieux détecter les coups à la tête. »

Il souligne qu’on ne connaît pas encore toutes les routes de notre cerveau. Sa quête? Arriver à cartographier tout le réseau routier de notre matière grise et blanche. Il aimerait ainsi analyser comment le cerveau se développe dès la naissance et comment il change en vieillissant. Maxime Descoteaux n’a peut-être pas étudié en médecine, comme lui suggérait son entourage, mais il utilise sa formation pour résoudre des problèmes médicaux! Il fait d’ailleurs régulièrement la tournée des cégeps et des écoles secondaires pour parler des applications des mathématiques et de l’informatique dans le domaine médical.

Stanley Nattel

Le professeur Nattel est un homme de cœur, dans tous les sens du terme. Le cardiologue et chercheur à l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) a consacré sa carrière – qui n’est pas terminée, de préciser le principal intéressé – à comprendre et à mieux traiter la fibrillation auriculaire, ou atriale, un type d’arythmie cardiaque qui touche une personne sur quatre au cours de sa vie. Pourtant, la médecine n’a pas été pour lui un coup de cœur immédiat : il a d’abord cédé sa place au sein du programme contingenté de médecine à l’Université McGill pour faire un baccalauréat en mathématiques, physique et chimie. Après un an dans ces domaines, il a décidé de s’orienter en psychologie pour, finalement, revenir vers la médecine.

Au total, le jeune homme passera 11 ans à étudier la médecine, dont 4 ans de résidence en médecine interne et en pharmacologie clinique à l’Université McGill et 3 ans de spécialité en cardiologie à l’Université d’Indianapolis et à l’Université de Pennsylvanie.

Dès le début de sa carrière, le médecin combine son travail auprès des patients avec celui de chercheur. « La clinique me permet de soulever des questionnements auxquels je tente de répondre par la recherche », mentionne-t-il. La première chose qui l’a frappé, c’est le manque de connaissances sur les atriums (anciennement appelés oreillettes), les deux cavités supérieures du cœur, et sur le trouble électrique qui les affecte, causant la fibrillation auriculaire. En s’y intéressant de plus près, le chercheur a élucidé les mécanismes responsables de ce problème de battements cardiaques anormaux. « Nous avons découvert que la fibrose, une cicatrisation des tissus, causée par des maladies comme l’hypertension ou une défaillance cardiaque, amène à la fibrillation qui, en retour, peut provoquer l’insuffisance cardiaque ou l’AVC. C’est d’ailleurs la cause la plus importante de l’AVC chez les personnes âgées. » En poursuivant ses recherches, le médecin a découvert que la fibrillation pouvait elle aussi causer la fibrose et augmenter le risque de rechute. Il a d’ailleurs contribué à trouver des médicaments pour prévenir cette situation.

Après avoir enseigné à l’Université McGill, Stanley Nattel se joint à l’Université de Montréal. En 1990, il prend pour 14 ans la direction du Centre de recherche de l’ICM. Il y créera 15 laboratoires de recherche fondamentale et 20 groupes de recherche clinique. Sous sa gouverne, le financement et la production scientifique quadrupleront. En 2003, le Dr Nattel obtient la Chaire Paul-David en électrophysiologie cardiaque, la première chaire de recherche octroyée à l’ICM. Depuis 2010, il agit comme rédacteur en chef du Journal canadien de cardiologie, lequel a, sous sa direction, presque quadruplé son facteur d’impact et attiré plus de 80 % de soumissions d’articles rédigés par des chercheurs étrangers. Stanley Nattel a ainsi contribué à faire connaître la recherche et les chercheurs québécois et canadiens à l’échelle internationale.

Malgré toutes ces responsabilités, le cardiologue trouve le temps de s’entraîner régulièrement au gymnase. Il y rencontre même un entraîneur privé une fois par semaine, un cadeau temporaire que lui a fait sa femme il y a 15 ans, et qui s’est pérennisé. « Je recommande fortement l’entraînement à tous mes patients qui sont capables d’en faire », signale-t-il.

Son importante contribution dans le domaine de la cardiologie lui a évidemment valu de nombreux prix et honneurs. Parmi ceux-ci, mentionnons le prix Michel-Sarrazin du Club de recherches cliniques du Québec en 2011, le prestigieux prix Margolese 2017 de l’Université de la Colombie-Britannique, un doctorat honorifique de l’Université de Szeged, en Hongrie, et le titre de membre de l’Académie des sciences de la Société Royale du Canada en 2005. La portée de ses travaux telle qu’il fait partie du 0,01 % des scientifiques les plus cités sur le plan mondial, avec plus de 78 000 citations dans des revues scientifiques et plus de 600 articles publiés.

De ce fait, le professeur Nattel est constamment invité aux quatre coins du monde pour partager son expertise. Il a participé à quelque 500 symposiums et congrès. « Heureusement, j’adore voyager! » précise le globe-trotter. Une passion qui lui a sûrement été insufflée par ses parents. Le chercheur a en effet fait son premier grand voyage à l’âge de 1 an et demi, lorsque sa famille a quitté Israël pour venir s’installer à Montréal. Très vite, ses parents l’ont initié à l’anglais. Puis, il a pratiqué le français à l’école secondaire et en travaillant dans des usines pendant l’été. Mais il avoue que c’est à l’ICM qu’il a vraiment peaufiné la langue de Molière. « J’avais l’impression d’être toujours en vacances, car le français me rappelle la France que j’adore », raconte celui qui collabore à une chaire de recherche sur la fibrillation atriale à Bordeaux et qui a co-coordonné l’alliance de recherche Europe-Amérique du Nord en fibrillation atriale de la Fondation Leducq, basée à Paris.

Le cardiologue admet qu’il voyage peut-être un peu trop. Toutefois, avec sa réputation de sommité, ainsi qu’avec ses quatre enfants et ses huit petits-enfants qui sont dispersés à travers le monde – Israël, Irlande, New York et Phoenix –, gageons que Stanley Nattel n’a pas fini de sillonner la planète!

Sylvain Moineau

« Je pense que c’est le baseball qui m’a le mieux préparé à ma carrière scientifique! » lance en riant Sylvain Moineau. Le professeur titulaire et chercheur au Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique de l’Université Laval y a joué longtemps pendant sa jeunesse, et il a même été entraîneur adjoint. « Au baseball, j’ai appris à jongler avec des statistiques, à tenter des stratégies, à faire des erreurs et à recommencer. J’ai dû apprendre à recruter de bons joueurs et j’ai surtout développé l’esprit d’équipe. Toutes ces aptitudes m’ont servi dans mon travail de chercheur. »

C’est d’ailleurs de son équipe, qui inclut ses collègues, les professionnels de recherche et les étudiants de son laboratoire, mais aussi son épouse et ses deux garçons, que Sylvain Moineau est le plus fier. Chaque année depuis 22 ans, il souligne l’importance d’une si belle équipe en invitant toutes ces personnes, y compris leurs familles, à une sortie en camping. « Sans eux, les découvertes sur le système de défense bactérien CRISPR-Cas n’auraient possiblement pas eu lieu », admet-il.

Au début de sa carrière, en collaborant avec une entreprise laitière pour régler des problèmes de production, le jeune chercheur observe en effet un phénomène étonnant : ce ne sont pas toutes les bactéries utilisées pour la production de yogourts et de fromages qui tombent sous les attaques de leurs prédateurs naturels, les bactériophages, ces virus qui causent tant de maux de tête à l’industrie des produits laitiers.

Après de multiples analyses, il constate que ces bactéries réussissent à voler un bout d’ADN au virus assaillant et à l’introduire dans leur CRISPR. Cette séquence génétique subtilisée à l’agresseur sert de « liste noire » à la bactérie, qui peut ainsi prévoir l’arrivée d’une nouvelle agression… et se défendre. Son arme? Une protéine, nommée Cas9, qui coupe le génome du virus pour le rendre inoffensif.

Sylvain Moineau a eu la piqûre pour les virus pendant ses études de baccalauréat en microbiologie à l’Université Laval. Il a en a fait l’objet de ses travaux de 3e cycle en microbiologie alimentaire, également réalisés à l’Université Laval. Mais c’est en Caroline du Nord, où il a passé un an et demi pendant son doctorat, que le chercheur s’est vraiment pris d’affection pour l’étude des bactériophages, au point d’en faire une carrière. Jamais il n’aurait alors pensé faire une découverte qui aurait tant de retombées internationales. Notamment, l’industrie laitière sélectionne aujourd’hui des bactéries CRISPR-Cas pour combattre les virus lors de la production des yogourts et des fromages. Également, des équipes de recherche à travers le monde ont mis au point un ciseau génétique basé sur le mécanisme CRISPR-Cas9. Ce nouvel outil est utilisé en recherche pour tenter de corriger des mutations génétiques dans divers organismes vivants.

La communauté scientifique ne tarit pas d’éloges sur l’énorme contribution de Sylvain Moineau. En janvier 2016, un article de la revue Cell le désigne comme l’un des héros de la découverte du système CRISPR-Cas. En décembre 2017, le magazine Maclean’s l’inscrit sur la courte liste de chercheurs canadiens qui mériteraient d’obtenir un prix Nobel. Le microbiologiste devient par ailleurs le seul chercheur canadien à recevoir les prestigieux prix Polanyi et Synergie du CRSNG, respectivement en 2017 et en 2013. Il fait aussi partie depuis six ans de la célèbre liste de Thomson Reuters et Clarivate Analytics qui compile les chercheurs dont les travaux sont les plus cités. L’an dernier, il a été nommé officier de l’Ordre du Canada, et cette année, officier de l’Ordre national du Québec, deux honneurs qui l’ont particulièrement surpris et touché. Il est également devenu titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les bactériophages en 2011.

Loin de s’asseoir sur sa découverte, l’homme de 54 ans, originaire de Lévis mais ayant grandi à Orsainville (Charlesbourg), tente maintenant d’exploiter les bactériophages pour lutter contre les bactéries pathogènes résistantes aux antibiotiques. « Nous étudions la possibilité d’identifier et de domestiquer les bons bactériophages pour les utiliser comme compléments aux antibiotiques chez les animaux et l’humain », signale celui qui gère la plus grande collection de bactériophages au monde, située à l’Université Laval.

Alors qu’il tente de faire des bactériophages ses alliés, ceux-ci semblent toutefois le narguer… Une nouvelle génération de virus résistants à CRISPR-Cas fait son apparition. Au grand dam des producteurs laitiers. Le microbiologiste est-il découragé? « Loin de là! s’exclame-t-il. C’est tellement beau, la nature! Pour chaque attaque, il y a une contre-attaque. Et cela nous fait du travail pour de nombreuses années encore! »

Il entend bien rester au centre de cette guerre entre phages et bactéries, et de mettre aux premières loges ses étudiants, à qui il enseigne depuis 20 ans. « Il n’y a jamais eu une aussi belle époque pour faire de la microbiologie », assure-t-il.

Francine Descarries

Le parcours de Francine Descarries, professeure titulaire au Département de sociologie et à l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), aura été tout sauf classique. Les détours de sa vie ont toutefois le mérite d’avoir contribué à forger sa renommée dans le domaine des études féministes.

Alors qu’elle est âgée de 16 ans, la jeune femme voit son existence bouleversée par le décès de son père. Elle doit abandonner ses études pour permettre à son frère aîné de terminer sa formation en médecine. Elle travaille alors comme secrétaire, puis comme agente de voyages pendant une dizaine d’années.

À 27 ans, peu après la naissance de sa deuxième fille, elle fait un retour aux études dans le tout nouveau cégep Édouard-Montpetit. Elle choisit la sociologie afin de mieux comprendre la société. « Un conseiller pédagogique a tenté de m’en décourager, car il y avait des cours de mathématiques qui, selon lui, seraient trop difficiles pour une femme de mon âge, se rappelle Mme Descarries. Il n’a pas réussi à me faire changer d’idée, au contraire! J’étais plus déterminée que jamais. »

À la fin des années 60, le mouvement féministe s’installe au Québec alors que la jeune mère articule avec succès famille et études, entourée d’étudiantes et d’étudiants qui ont jusqu’à 10 ans de moins qu’elle. C’est à cette époque qu’elle commence à s’intéresser à la réalité des femmes dans la société. Le rapport de la commission Bird, publié en 1970, sera déterminant dans son cheminement : il exposait la discrimination subie par les femmes et les conséquences socioéconomiques qui en résultent.

Francine Descarries décide d’approfondir son intérêt pour les conditions de vie des femmes et le féminisme à l’Université de Montréal. Elle y fera un baccalauréat, une maîtrise et un doctorat en sociologie. De son mémoire de maîtrise naîtra un livre, L’école rose… et les cols roses, le premier ouvrage québécois sur la reproduction sociale des sexes et les effets de la socialisation genrée. Passionnée et investie, elle créera avec deux autres étudiantes au doctorat le premier cours sur la « condition féminine », en 1978, au Département de sociologie.

En 1986, la sociologue débute comme professeure à l’UQAM, où elle rejoint les rangs du Groupe interdisciplinaire d’enseignement et de recherche féministes (GIERF). « Ce fut l’un des événements les plus marquants et les plus heureux de ma vie professionnelle », déclare celle qui contribuera à faire de son université un chef de file en études féministes. En 1990, elle participe à la fondation de l’IREF, qui compte aujourd’hui plus de 400 membres. Sous sa direction, l’Institut a notamment établi une alliance de recherche sur le mouvement des femmes québécois avec Relais-femmes (ARIR), un organisme féministe de liaison et de transfert de connaissances. Francine Descarries est également à l’origine de la création du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), en 2011. « Le RéQEF a réussi à fédérer un milieu qui était encore marginalisé dans certaines universités. Il a permis de mieux structurer et de dynamiser le champ des études féministes québécois. C’est un projet que je caressais depuis très longtemps avec plusieurs collègues. »

Selon ses pairs, Mme Descarries a fortement contribué à tailler une place aux études féministes dans le monde universitaire québécois et, plus largement, francophone. Ce que, du haut de ses 77 ans, elle continue de faire. Au cours des dernières années, elle a mis sur pied un outil Web interactif, la Ligne du temps de l’histoire des femmes au Québec, destiné aux universitaires, aux intervenantes du milieu et au grand public. « J’ai toujours voulu faire la jonction entre les savoirs universitaires et les savoirs du terrain », raconte-t-elle.

Son immense apport a été récompensé par de nombreux prix. Mentionnons, parmi ceux qui l’ont le plus touchée, un hommage rendu en 2008 par Relais-femmes pour son apport exceptionnel à la vie de l’organisme. S’y ajoutent le Prix d’excellence en recherche et création, volet Carrière, de l’Université du Québec en 2011 et le prix Ursula-Franklin pour l’étude du genre de la Société royale du Canada en 2012. Mais sa plus grande fierté reste d’avoir formé plusieurs étudiantes et étudiants au doctorat et à la maîtrise. « C’est dans l’enseignement que je me réalise le plus. Le dynamisme et la curiosité intellectuelle des jeunes me forcent à pousser plus loin mes propres connaissances et recherches », signale la sociologue.

Si elle avoue qu’elle pourrait être à la retraite depuis quelque temps, Mme Descarries entend bien demeurer active à l’UQAM encore au moins deux ans. Elle souhaite non seulement continuer à superviser ses étudiantes, mais aussi poursuivre ses recherches sur les courants de pensée du féminisme en vue d’en faire un livre. « Ce sera l’un de mes projets de retraite, confie-t-elle. Et si le temps me le permet, j’aimerais étudier également le milieu artistique des années 30 dans lequel mon père a évolué. »

Karim Zaghib

Contribuer à l’adoption des véhicules électriques partout sur la planète, c’est le défi de taille que Karim Zaghib relève avec inventivité depuis 30 ans. Le déclic s’est fait à l’adolescence, durant un embouteillage, alors que le jeune Karim éprouvait des difficultés respiratoires dues à la pollution.

« Je ne peux pas changer le monde seul, mais je veux changer le monde des transports », a-t-il alors pensé. Cet événement marquera le début de son engagement dans le développement des matériaux de batteries.

Après l’obtention d’un doctorat en électrochimie de l’Institut polytechnique de Grenoble et d’une habilitation à diriger les recherches (HDR) de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris V) de Paris − le plus haut diplôme d’enseignement supérieur français −, Karim Zaghib poursuit sa carrière de chercheur à l’Osaka National Research Institute, au Japon. Durant trois ans, il développe une fine connaissance des matériaux de batteries lithium-ion.

En 1995, il se joint à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec, fondé par Lionel Boulet, cet homme visionnaire qui a donné son nom au présent prix. Il y amorce notamment les travaux de la société d’État sur les matériaux de batteries.

Depuis 2017, il est à la tête du Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie d’Hydro-Québec (CEETSE), qui réunit des scientifiques de haut calibre des quatre coins du monde.

Cette équipe, il la considère comme son meilleur atout. « Nous sommes des pionniers », affirme-t-il. C’est d’ailleurs lui qui a pensé à l’aménagement du CEETSE, un lieu lumineux, où les espaces ouverts favorisent la collaboration et le partage d’idées. « Notre force, c’est la créativité », lance celui qui, en toute humilité, se voit surtout comme un chef d’orchestre.

Menés en collaboration avec des universités, des centres de recherche et des entreprises internationales, les travaux du Dr Zaghib ont fait d’Hydro-Québec la première entreprise au monde à utiliser le phosphate de fer lithié pour le stockage d’énergie de grande capacité.

Karim Zaghib voit grand pour l’électrification des transports au Québec. Ses travaux de recherche actuels se concentrent sur le développement d’une batterie tout solide qui promet de répondre aux besoins de l’industrie des véhicules électriques.

Selon lui, le Québec regroupe toute l’expertise nécessaire à la fabrication à grande échelle des batteries. « Tout ce qui manque à l’écosystème, c’est une capacité de transformation des matières premières », affirme-t-il. Le Dr Zaghib souhaite contribuer au développement de cet écosystème par la création de coentreprises.

À ce sujet, il mentionne la coentreprise Estallion, cofondée en 2014 par Sony et Hydro-Québec, pour le développement de systèmes de stockage d’énergie. « C’est un modèle d’affaires qu’on souhaite répéter avec les petites et les moyennes entreprises », souligne-t-il. En 2017, Karim Zaghib a d’ailleurs reçu la récompense Personnalité d’affaires Québec-Japon, qui couronnait ses nombreux partenariats d’affaires dans le domaine des matériaux de batteries avec ce pays.

Parmi ses fructueuses collaborations à l’international, Karim Zaghib est aussi président de SCE France, une filiale française d’Hydro-Québec et du Conseil régional d’Aquitaine, qui soutient le CEETSE dans ses travaux de recherche.

Citoyen du monde, il possède les nationalités algérienne, française et canadienne. Le chercheur exprime une profonde gratitude envers sa société d’accueil pour sa qualité de vie, sa situation géopolitique stable, l’excellence de son réseau universitaire, la gratuité de l’éducation et de la santé, ses grands espaces… Autant d’atouts que le chercheur émérite vante pour attirer des sommités mondiales dans son équipe.

La contribution de Karim Zaghib à la recherche sur les matériaux de batteries est remarquable. Il a participé à plus de 550 brevets, 60 licences, 425 publications (avec un indice de Hirsch de 65, ce qui signifie que l’influence du scientifique dans son domaine, selon le nombre de citations de ses publications, est très élevée) et est l’auteur ou le coauteur de 22 livres, dont Lithium Batteries : Science and Technology (2016), High Performance of Li-Ion and Li-Polymer Batteries (2004) et Lithium and Li-ion Batteries (2003). Les talents de communicateur de ce conférencier reconnu ont été mis en valeur à plusieurs centaines d’occasions.

Le Dr Zaghib a été nommé trois fois parmi les 3 300 scientifiques les plus influents au monde selon Clarivate Analytics pour les retombées exceptionnelles de ses recherches. Il a reçu plusieurs autres prix et distinctions, dont le titre de Fellow de l’Académie canadienne du génie (2017), le International Battery Association Technology Award (2017), le titre de Fellow de l’Electrochemical Society (2011) et le IBA Research Award (2010).

C’est avec fierté et discernement que Karim Zaghib accepte le prix Lionel-Boulet, qui récompense le génie inventif, l’innovation et la persévérance. Cette distinction le motive à poursuivre ses travaux dans l’espoir de générer de nouveaux emplois au Québec et de faire rayonner l’électrification des transports partout sur la planète.

Claudia Mitchell

La professeure Claudia Mitchell est reconnue à travers le monde pour ses recherches sur les enjeux entourant la vie des filles et des jeunes femmes. Plus particulièrement, elle s’intéresse à la prévention de la violence fondée sur le sexe et à la sensibilisation au VIH et au sida.

Mère de trois filles, elle s’est spécialisée dans les études de genre. Elle donne une voix à des personnes touchées par des questions de sécurité ou de discrimination, pour voir avec elles comment provoquer un changement social par l’engagement communautaire. Pour mener ses recherches, elle utilise des méthodes visuelles participatives comme la vidéo et la photographie.

C’est lors d’un projet en Afrique qu’elle a constaté la force de l’art pour dénoncer des problèmes sociaux sur lesquels il n’est pas toujours facile de mettre des mots. Elle avait demandé à un groupe d’élèves de prendre des photos des endroits où elles ne se sentaient pas en sécurité. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir que les toilettes de l’école faisaient partie des lieux où les jeunes filles s’estimaient le plus menacées! Elle a ensuite monté une exposition avec leur collaboration. En voyant les photos, le personnel enseignant a pris conscience de la situation vécue par les filles.

La force du travail de Claudia Mitchell, c’est d’ailleurs de mettre en contact les jeunes filles qui participent à ses projets avec des décideurs et des politiciens. Ceux-ci comprennent souvent les inégalités et les injustices vécues en voyant le message véhiculé par les œuvres d’art. « Nous disons aux participantes qu’elles ont leur place dans ce monde. Nous les encourageons à agir pour changer les choses, souligne la chercheuse. Quand je vois des gens en situation d’autorité échanger avec ces filles, c’est la partie la plus satisfaisante de mon travail! »

Claudia Mitchell s’est notamment engagée au Vietnam auprès de jeunes filles de 12 à 19 ans vivant avec un handicap. « On leur a demandé ce qui pouvait être fait ou changé pour améliorer leur qualité de vie. » Représentant l’un des groupes les plus marginalisés de la société vietnamienne, ces jeunes filles ont influencé un grand nombre d’organismes non gouvernementaux à Hanoï. Cela a même poussé le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à mener de vastes consultations auprès des filles handicapées.

Parmi les hauts faits de ses 40 ans de carrière, la professeure Mitchell a créé la discipline universitaire Girlhood Studies, une expression pouvant être traduite par « études axées sur la jeunesse féminine ». En 2008, elle a cofondé la revue Girlhood Studies: An Interdisciplinary Journal afin d’offrir une publication universitaire spécialisée sur les sujets concernant la vie des filles et des jeunes femmes. L’année suivante, celle-ci recevait le prix d’excellence de l’Association of American Publishers pour la meilleure nouvelle revue en sciences sociales.

Cette pionnière a également fondé le Participatory Cultures Lab à l’Université McGill en 2010, un laboratoire destiné à former les étudiants à la maîtrise et au doctorat dans le domaine des méthodes visuelles participatives.

Enfin, la professeure Mitchell a créé, en 2015, l’Institut de recherche pour le développement et le bien-être humain, qu’elle dirige aujourd’hui. Pilotant de nombreuses initiatives portant sur l’épanouissement et le bonheur, l’Institut préconise l’utilisation de méthodes visuelles participatives dans la guérison et le mieux-être.

Au cours des 25 dernières années, Claudia Mitchell a reçu près de 45 millions de dollars en fonds de recherche. Chercheuse prolifique, elle a publié une trentaine de livres, quelques centaines d’articles dans des revues scientifiques, des chapitres encyclopédiques et 25 rapports importants sur les enjeux liés aux violences sexistes et au VIH/sida.

Experte reconnue dans son domaine, elle a été conseillère auprès d’organisations internationales comme l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’UNICEF et ONU Femmes. Elle a reçu plusieurs prix et distinctions pour souligner les nombreuses retombées de son travail, dont la Médaille d’or du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) en 2016.

Quand on lui demande ce qui motive ses recherches, elle fait remarquer à quel point, partout à travers le monde, les filles ont droit à moins de privilèges que leurs compatriotes masculins. Par exemple, plusieurs d’entre elles ne peuvent aller à l’école pour des raisons familiales ou sociales. « Quand on sait à quel point l’éducation peut améliorer la vie de quelqu’un, on ne peut faire autrement que d’essayer de changer les choses. »

Claudia Mitchell dit tirer son énergie contagieuse de tous les projets auxquels elle participe. « Ça me passionne tellement! » conclut-elle.

Réjean Hébert

La carrière de Réjean Hébert est portée par un idéal : améliorer la qualité de vie des personnes âgées.

C’est en assistant à un séminaire sur la gériatrie, lors de sa troisième année d’études en médecine, qu’il a su qu’il se dirigerait vers la recherche sur le vieillissement. Cette condition humaine l’avait toujours intrigué. « Pourtant, je n’ai pas connu mes grands-parents », observe-t-il.

Issu d’une famille modeste, le jeune homme décide d’aller étudier un an à Grenoble, l’un des endroits les plus réputés d’Europe pour la recherche en gérontologie sociale. C’est cette aventure européenne qui donnera l’élan à une brillante carrière universitaire.

Pendant 30 ans, Réjean Hébert est professeur au Département de médecine de famille de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, où il occupe ensuite le poste de doyen. En 1988, il fonde le Centre de recherche sur le vieillissement de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke, qu’il dirigera jusqu’en 2001.

Grâce au dynamisme et à la détermination de Réjean Hébert, ce centre jouit aujourd’hui d’une enviable réputation nationale et internationale. Avec 49 professeurs-chercheurs rattachés à sept facultés, une centaine de professionnels de recherche et plus de 150 étudiants, c’est le centre le plus important dans le genre au Canada et l’un des rares au monde à réunir sous un même toit des chercheurs se consacrant à différents aspects du vieillissement.

Réjean Hébert rappelle que la recherche sur le vieillissement s’avère une science somme toute nouvelle. « C’est au 20e siècle seulement que l’on a pu voir une explosion de l’espérance de vie, précise-t-il. Ce phénomène nouveau pour l’humanité est passionnant à étudier. » L’approche interdisciplinaire et pluriméthodologique qu’il a mise de l’avant le place à l’avant-garde mondiale de la recherche sur le maintien de l’autonomie des personnes âgées.

Ses travaux ont contribué à l’amélioration de la qualité des programmes de santé pour les aînés en perte d’autonomie ainsi que des services offerts à ceux-ci et aux proches aidants de patients atteints de troubles cognitifs.

Il a entre autres mis au point le Système de mesure de l’autonomie fonctionnelle, le SMAF, un outil d’évaluation clinique et de gestion des services de longue durée pour les personnes âgées en perte d’autonomie vivant à domicile ou en hébergement. Cette échelle de mesure des incapacités et handicaps des personnes est notamment utilisée en France, en Belgique, en Australie et au Brésil. Au Québec, elle est employée dans tous les services communautaires et institutionnels pour la prescription de services.

Réjean Hébert a aussi coécrit le Précis pratique de gériatrie, dont la troisième édition a paru en 2007. Il a fondé et dirigé jusqu’en 2000 le Réseau de recherche en gérontogériatrie, devenu le Réseau québécois de recherche sur le vieillissement.

Sur le plan de l’enseignement et de la formation de la relève scientifique, il a fait partie des fondateurs du premier programme de maîtrise en gérontologie du Canada et a participé au développement du programme de doctorat en gérontologie de l’Université de Sherbrooke, également le premier au pays.

Ce bâtisseur a aussi été le premier directeur scientifique de l’Institut du vieillissement, qui fait partie des Instituts de recherche en santé du Canada. Encore aujourd’hui, cet institut mène une vaste étude longitudinale que le Dr Hébert a contribué à instaurer et qui réunit 50 000 personnes de plus de 45 ans.

« Le plus important, pour moi, c’est d’assurer la pérennité, dit-il. Au-delà du fait que je les ai créés, ces outils et ces infrastructures sont pérennes, et c’est sans doute ce qui me rend le plus fier. »

Membre fondateur de l’Académie canadienne des sciences de la santé, il a été conseiller scientifique à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie en 2010-2011, à Paris, puis médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Les contributions scientifiques de M. Hébert lui ont valu plusieurs prix et reconnaissances, dont le prix Dufresne-Quintin, pour sa contribution remarquable au mieux-être des personnes âgées (2006), le Prix pour contribution à la gérontologie de l’Association canadienne de gérontologie, en reconnaissance d’un apport exceptionnel à la science du vieillissement (2006), et le Prix du chercheur émérite du Réseau de recherche en santé des populations du Québec (2008).

Aujourd’hui doyen de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, cet homme d’action s’intéresse aux politiques publiques, à l’organisation des services de santé dans le contexte des maladies chroniques, de même qu’à l’engagement du patient.

Durant toute sa carrière, Réjean Hébert a eu le souci de transposer les résultats de recherche et les connaissances scientifiques dans de nouveaux services ou de nouvelles politiques visant à améliorer la vie des gens.

Le prix Armand-Frappier vient souligner la contribution exceptionnelle de Réjean Hébert à la création et au développement d’instituts de recherche. Il récompense aussi ses habiletés d’administrateur et de promoteur de la science.

Luc Courchesne

Artiste, chercheur et enseignant passionné, Luc Courchesne participe depuis 5 décennies à l’émergence des arts médiatiques et numériques. Issue de la fusion de l’art, du design et de la technologie, son œuvre pluridisciplinaire est guidée par la quête de l’innovation. Précurseur de la vidéo interactive et de l’installation immersive, il a su créer ses propres dispositifs d’immersion sensorielle, pousser plus loin les technologies interactives et réactives, en plus de scénariser des expériences qui engagent la participation du public.

Luc Courchesne obtient un baccalauréat en design du Nova Scotia College of Art and Design en 1974 et, 10 ans plus tard, une maîtrise en science des études visuelles du Massachussets Institute of Technology. Professeur à l’École de design de l’Université de Montréal de 1989 à 2013, il en assume la direction pendant 5 années. Son enseignement porte sur les nouvelles pratiques en design d’expérience interactive et en création numérique. Ce volet de sa carrière consacré à l’enseignement est indissociable de son parcours de chercheur et de créateur au cours duquel il a longuement apprivoisé, en plus de nouvelles techniques pour ses dispositifs, la matière, la lumière et l’espace. Son travail est d’ailleurs présent dans les ouvrages d’anthologie et enseigné dans les programmes universitaires partout dans le monde.

Luc Courchesne se démarque par son approche de la photographie panoramique et sphérique et il fait preuve de créativité remarquable sur le plan des technologies numériques. Ses intérêts en recherche portent notamment sur l’expérience participative, la téléprésence immersive et la création d’espaces virtuels partagés. Parmi ses réalisations en design, mentionnons le système de signalisation des parcs du Québec, toujours en usage après plus de 40 ans, ainsi que son sac Boule, breveté en 1976 et en production ininterrompue depuis. En muséographie, l’installation multimédia qu’il a créée pour le lieu historique national Louis-S.-Saint-Laurent en 1982 est présentée sans interruption depuis et classée au patrimoine historique canadien.

En art, l’œuvre Portrait no. 1, qui permet aux visiteurs de converser avec des personnages virtuels, a été présentée dans une soixantaine d’expositions. Elle a fait école comme tout premier portrait vidéo interactif et représente l’un des premiers avatars humanoïdes. Très innovante pour l’époque, elle lui a valu une reconnaissance mondiale. Récemment mis à jour, son concept a été repris au Musée Pointe-à-Callières pour faire revivre des personnages historiques.

Inventeur, il conçoit et brevette en 2000 le Panoscope 360°, un dispositif de projection panoramique. Couplé aux moteurs graphiques temps-réel développés pour l’industrie du jeu vidéo, son dispositif permettant d’entrer dans un espace 3D dynamique a inspiré les concepteurs du film Star Trek en 2009. Également, la plateforme Posture, dont il est l’auteur principal, représente un nouveau médium de création destiné aux espaces virtuels de socialisation.

La collaboration de Luc Courchesne avec des artistes et des organismes culturels du Québec est féconde. Le rôle central qu’il a joué pour permettre la tenue du symposium de l’Inter-Society for Electronic Arts à Montréal en 1995 a eu des retombées majeures sur la vitalité de la recherche-création numérique au Québec. Il a contribué, avec Monique Savoie, à la fondation de la Société des arts technologiques où il a joué plusieurs rôles depuis, dont celui de commissaire du Symposium iX, lequel se classe parmi les principaux rendez-vous avec l’expérience immersive. À l’Université de Montréal, il a créé le Laboratoire de muséographie, lequel a permis d’ouvrir la voie aux pratiques contemporaines du design d’interaction et d’expérience en collaboration avec des institutions culturelles et scientifiques québécoises.

Créateur de haut niveau, Luc Courchesne a contribué au rayonnement du Québec à l’international avec la théâtralisation spatiale utilisée comme outil de médiation émotionnelle. Ses œuvres font partie de grandes collections institutionnelles, corporatives ou privées dans une cinquantaine de villes dans le monde.

Les bases conceptuelles qui se sont formées au fil de ses projets restent inspirantes et sa contribution au Québec et au monde, importante. « Je m’estime particulièrement chanceux d’avoir pu traverser autant de milieux différents, ici et ailleurs dans le monde, au cours de près de 5 décennies. Entre la recherche-création académique et la création indépendante, entre le marché de l’art et la pratique du design, entre l’enseignement et mes responsabilités auprès d’organismes culturels, il me semble avoir suivi un fil continu, une démarche de création itérative, où les réalisations ne sont que les jalons d’un parcours où j’ai pu garder le cap sur mon ambition de comprendre le monde dans lequel je vis, m’engager à le transformer et à transmettre à d’autres l’envie d’en faire autant », conclut-il.

Raymond Saint-Pierre

Pendant près de 50 ans, de la la radio à la télévision, Raymond Saint-Pierre a contribué comme journaliste à l’ouverture sur le monde et à la compréhension des enjeux politiques et sociaux d’ici et d’ailleurs auprès du public québécois. À sa façon toute personnelle, il a non seulement marqué son auditoire par ses reportages, mais il a également transformé la pratique du métier de journaliste et de correspondant à l’étranger en développant un sens du récit empreint d’humanité.

À l’âge de 13 ans, alors qu’il fait de la radio étudiante au Séminaire de Saint-Hyacinthe où il réalise son cours classique, le jeune Raymond Saint-Pierre n’a qu’une envie : celle d’aller parcourir le monde, de le découvrir, de le faire connaître et de le faire comprendre. « Je suis fier d’avoir réalisé mon rêve d’adolescent », affirme-t-il aujourd’hui. À 16 ans, sa voix grave lui ouvre les portes de la station CKBS à Saint-Hyacinthe. Après une année en droit à l’Université McGill, il obtient une maîtrise en littérature, Moyens d’expression contemporains de l’Université Aix-Marseille en France. Il poursuit sa carrière à CKAC-Télémédia où il devient, à 27 ans, directeur de l’information. Puis sa passion du métier de journaliste le pousse à entrer à Radio-Canada en 1978 comme reporter à la télévision.

À partir de 1980, il est le seul des correspondants de Radio-Canada et de CBC à avoir été posté dans tous les bureaux du diffuseur public à l’étranger. Ainsi, il sera tour à tour correspondant à Washington, Londres, Paris, Pékin et Moscou. Ses assignations sont entrecoupées de retours au bercail pendant lesquels il présente plusieurs émissions d’information sur Ici Radio-Canada. Avec un intérêt particulier pour le documentaire, il anime l’émission d’information Zone Docs, puis fait partie de l’équipe qui réalise 2 épisodes d’une série transculturelle sur la Deuxième Guerre mondiale, de même que de celles d’Enjeux, de Zone libre et d’Une heure sur Terre. Au cours de sa carrière, il a couvert des événements tels les négociations du protocole de Kyoto, les conséquences de l’ouragan Katrina, le conflit en Afghanistan, la chute du mur de Berlin et la première Guerre du Golfe. En 2001, il prend la barre de l’émission quotidienne Montréal Ce Soir à titre de grand reporter. Il aborde l’actualité locale avec le même engagement et le même enthousiasme que lorsqu’il est à l’étranger.

Le globe-trotter aux lunettes rondes présente les événements historiques ainsi que les enjeux locaux, nationaux et internationaux auxquels le monde fait face par l’entremise du regard des hommes et des femmes qui les vivent. « Mon plus grand défi a toujours été d’arriver à aller vers ces gens, qui souffraient ou se réjouissaient selon les événements, de franchir le mur de la méfiance et de les amener à nous faire comprendre ce qu’ils vivaient. Quand j’y arrivais, c’était pour moi un moment de grande satisfaction… et de fierté », confie-t-il, conscient d’être privilégié par rapport à celles et ceux qui vivent dans des conditions difficiles.

Avec son tempérament pragmatique, Raymond Saint-Pierre possède ce talent particulier de s’effacer derrière les faits, le son et l’image pour amener avec lui l’auditoire au cœur de l’action. Très critique envers lui-même, il maîtrise l’art de raconter et de vulgariser les enjeux avec sensibilité. Passionné de son métier, il entretient la profonde conviction que l’information a le pouvoir de transformer les mentalités et que sa profession a un effet civilisateur qui le rend fier de l’exercer.

« Le métier de journaliste ouvre les yeux sur le monde, en cette époque où l’on a de plus en plus besoin d’une presse libre », affirme-t-il. Animé par la volonté de dénoncer l’oppression et l’injustice ici comme ailleurs, il n’a jamais hésité à se rendre sur les lieux avec l’obsession de faire vivre la réalité. Ses affectations le mettront pourtant à plus d’une reprise dans des situations périlleuses qui ne le dissuaderont pas de poursuivre la mission qu’il s’est donnée. « Au fil des années, j’ai découvert des cultures différentes, couvert de nombreux conflits, mais aussi vécu des moments de grande joie », raconte-t-il. Il s’est révélé un grand interviewer auquel les plus grands ou les plus récalcitrants ont accepté de se livrer, dont Bill Clinton, Vladimir Poutine, Céline Dion, Charles Trenet et Jean-Paul Riopelle, pour ne nommer que ceux-là. Plusieurs des centaines de reportages qu’il a réalisés s’imposent dans le temps et leur pertinence demeure des années plus tard.

Jocelyn Bérubé

Il joue du violon, de la trompette et d’autres instruments de son cru. Le plus bel instrument qu’il a cependant été donné à Jocelyn Bérubé de jouer est sa voix profonde et nuancée avec laquelle il subjugue et enchante quiconque entre dans son imaginaire poétique et flamboyant. Avec l’intelligence de son humour, il partage et vivifie le patrimoine immatériel par l’oralité et les arts du spectacle depuis près de 50 ans. Tour à tour comédien, musicien, auteur, compositeur, interprète et conteur, il porte la parole et la musique dans un parcours foisonnant qui le mène du théâtre au cinéma, de la radio à la télévision, du milieu scolaire à la scène nationale et internationale.

Né à Saint-Nil, petit village aujourd’hui disparu qui a forgé sa jeunesse, Jocelyn Bérubé s’intéresse très tôt au folklore et aux histoires racontées dans les villages. Depuis Matane, grâce aux bourses qu’il obtient pour sa grande maîtrise de la trompette, il s’inscrit à l’âge de 16 ans en jeux dramatiques au Camp musical du Mont-Orford. Quelques années plus tard, il participe à la fondation du Grand Cirque ordinaire voué à la création collective, la musique, l’engagement social et l’improvisation, puis en 1993, à celle du Conseil québécois du patrimoine vivant. Nouvellement diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, il entreprend des recherches sur des contes et musiques, qui ont pour dénominateur commun l’expression de la culture populaire, aux Archives de folklore de l’Université Laval, de même qu’auprès d’anciens, de sa Gaspésie natale jusqu’en Abitibi.

À 30 ans, en plus d’exercer son métier d’acteur au théâtre, à la télévision et au cinéma, il réalise une première tournée de 77 spectacles de contes et de musique partout au Québec, dans une mise en scène originale à laquelle se mêle le théâtre. « Je suis particulièrement fier d’avoir fait revivre, à ma façon, le conte dans les débuts de la décennie 1970 », souligne-t-il.

Il enregistre un premier album combinant le conte et la musique à la fin de cette décennie, puis il compose la musique pour le cinéma, le théâtre, la télévision et la radio au cours des 2 décennies suivantes. Il est d’ailleurs l’un de ceux qui sont allés le plus loin dans le métissage du conte, de la poésie et de la musique, de même que dans la diversification des formes de représentation du conte, y ajoutant le cinéma d’animation, la bande dessinée, le théâtre de marionnettes, les objets d’ébénisterie et les instruments de musique.

Le fer de lance de l’engagement de Jocelyn Bérubé à la faveur du patrimoine demeure le conte historique, rouage important de la mise en place des dialogues intergénérationnels et interculturels. Grâce à ce fil conducteur entre les époques, il fait plonger jeunes et moins jeunes dans un univers onirique qui évoque le Québec fier de son passé et les invite à faire le pont avec le présent. « Je suis arrivé à faire aimer cet univers fabuleux du conte à des jeunes du primaire des 4 coins du Québec, dont les enfants issus de l’immigration, dans l’oralité d’une langue qui a forgé notre histoire et qu’on a le devoir de leur transmettre afin qu’en grandissant, ils en conservent en mémoire des souvenirs heureux, car leur terreau enrichit notre terroir », explique-t-il.

Inscrit au Répertoire culture-éducation du ministère de la Culture et des Communications, l’artiste propose à son jeune public des ateliers d’animations offerts dans les écoles et les bibliothèques du Québec au rythme de centaines par année. Ses contes rayonnent d’ailleurs dans d’autres cultures par la qualité du savoir qu’ils transmettent ainsi que par la profondeur de l’empreinte qu’ils laissent. Ainsi, Jocelyn Bérubé enchaine les tournées partout au Québec et il est convié à prendre part à de grands festivals, des activités spéciales et des entrevues ici et ailleurs au Canada, en France, en Belgique, aux États-Unis, en Allemagne et en Afrique, où certains de ses contes sont repris par d’autres conteurs et conteuses, traduits, publiés ou enregistrés.

Celui qui a contribué à la vitalité du conte par l’ensemble de son œuvre est, depuis 2006, l’éponyme d’un prix attribué à un artisan du conte dans le cadre du festival Le Rendez-vous des Grandes Gueules de Trois-Pistoles afin de souligner son implication en tant que forgeron d’histoires et portageur de la mémoire collective. Pour mieux illustrer son propre avenir, ce conteur toujours très actif cite le fameux Tit-Jean, héros de contes populaires québécois : « Tant que la Terre va me porter, j’m’en vais marcher. »

Hélène Cajolet-Laganière

À ses yeux, la langue française constitue le fondement de notre culture, de notre identité et de notre cohésion sociale. Hélène Cajolet-Laganière a voué toute sa carrière à la promotion et à l’enrichissement de la langue française parlée et écrite, à la francisation des milieux de travail et à l’aménagement de la langue au Québec, au Canada et en Amérique du Nord. Son amour sans borne pour la langue française et son engagement à communiquer cette passion avec le plus grand nombre ont contribué à faire du français la langue de travail et la langue commune du Québec, un double objectif auquel elle est fidèle depuis plus de 40 ans.

Détentrice d’une maîtrise en études françaises et d’un doctorat en linguistique, Hélène Cajolet-Laganière s’est consacrée à sa mission comme linguiste et terminologue à l’Office de la langue française du Québec, à titre de professeure de français à l’Université de Sherbrooke, puis comme chercheure, auteure ou coauteure de différents ouvrages. « Il y a un cheminement dans mes diverses réalisations, mais toujours suivant le même objectif, soit l’instrumentalisation linguistique de manière à contrer l’insécurité linguistique des Québécois et Québécoises, à susciter leur désir de bien maîtriser le français et à les rendre fiers de leur langue », précise-t-elle.

Ses recherches et publications, reconnues au Québec, au Canada et sur la scène internationale, portent sur la rédaction professionnelle, les différents aspects normatifs du français, l’aménagement de la langue et la description lexicographique du français au Québec. De tous les manuels de référence qu’elle a rédigés seule ou avec ses pairs, elle est particulièrement fière du dictionnaire Usito. Avec cet outil d’aide à la rédaction, à la révision et à la traduction, elle a contribué, avec son équipe, à doter les francophones de partout dans le monde d’une description scientifique de la langue française en usage au Québec dans tous les domaines de la vie courante et professionnelle.

Plus d’une dizaine d’autres ouvrages sur la rédaction technique, scientifique et administrative auxquels elle a étroitement participé constituent des sources de renseignements précieuses pour les organisations publiques et privées du Québec et d’ailleurs, et ce, tant pour le milieu de l’éducation, de l’administration, des affaires et des entreprises que pour le grand public, dont les immigrants. Parmi ces ouvrages : Le français au bureau, les manuels Rédaction technique, administrative et scientifique et La maîtrise du français écrit, de même que le Guide d’écriture des imprimés administratifs, La qualité de la langue au Québec et le Français québécois : usages, standards et aménagement.

Chaque fois, Hélène Cajolet-Laganière travaille en collaboration avec le milieu concerné dans le but de cerner ses besoins. Ainsi, les manuels et outils linguistiques qu’elle a développés se démarquent par leur caractère pratique et vulgarisé et sont adaptés à la réalité des différentes clientèles visées. Le didacticiel Des médias et des mots qu’elle a élaboré à l’intention de la presse rend compte des principaux écarts lexicaux, grammaticaux et syntaxiques réalisés dans le milieu journalistique et l’incite à améliorer la qualité de son français tant à l’oral qu’à l’écrit. Quant aux enseignants et enseignantes du primaire au Québec, ils peuvent dorénavant améliorer l’apprentissage du lexique et la maîtrise de l’orthographe avec son interface de recherche qui propose notamment une liste de 2 700 mots.

Au fil de sa carrière, Hélène Cajolet-Laganière a rédigé des centaines de chroniques linguistiques en plus de se consacrer à l’implantation de la Charte de la langue française dans toutes les sphères d’activités socioéconomiques du Québec. Elle a communiqué ses connaissances dans le cadre de centaines de formations, de conférences, de colloques, de congrès, de commissions et d’activités nationales ou internationales portant notamment sur les anglicismes, l’aménagement de la langue et la maîtrise du français en divers contextes. Parmi eux, mentionnons les travaux de la commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française qui ont mené au rapport Le français, une langue pour tout le monde dont elle est coauteure. Des générations d’étudiantes et d’étudiants ont enfin pu bénéficier de son enseignement et d’une direction éclairée pour leurs travaux de recherche.

« Je souhaite avoir la possibilité de poursuivre, avec mon équipe, l’élaboration d’autres outils de référence qui mettent en valeur l’histoire, l’aménagement et la description du français en usage au Québec de manière à ancrer, auprès des Québécois et des Québécoises de toutes origines, la connaissance, la maîtrise et la fierté du français, langue commune au Québec », espère-t-elle.

Jean-Claude Poitras

Pour son travail assidu, son esthétisme intemporel et son raffinement, Jean-Claude Poitras est reconnu comme une figure emblématique et un précurseur du monde de la mode et du design au Québec. Avec la sensibilité et la passion qui le caractérisent, il poursuit avec fierté depuis plus de 5 décennies un parcours atypique qui se démarque par l’expression de ses créations. Designer multidisciplinaire, il a contribué à l’élargissement des champs d’action des créateurs et créatrices d’ici et il est devenu un ambassadeur du savoir-faire québécois sur la scène internationale.

Né à Montréal, Jean-Claude Poitras y réalise son cours classique de 1961 à 1967, y obtient en 1969 un diplôme d’études en design de mode de l’École des métiers commerciaux, puis un diplôme en graphisme du Collège Salette en 1971. Pendant 30 ans, il mène une carrière prolifique en tant que créateur de mode. En 1972, il ouvre son premier atelier dans le Vieux-Montréal. Le style de ses premières collections est immédiatement remarqué pour son innovation et salué par une clientèle séduite par l’audace de ses coupes typées aux lignes masculines pour la femme. « J’ai toujours créé une mode porteuse de sens, où l’inutile n’avait pas sa place », dit celui qui se définit davantage comme un homme de style plutôt que de tendances.

Peu à peu, de grands artistes font appel à lui pour des créations exclusives et diverses entreprises le sollicitent pour la création de collections ainsi que la conception d’uniformes. En 1977, il signe pour un confectionneur sa première collection de prêt-à-porter féminin. Sous la bannière BOF!, il négocie des accords de commercialisation avec des fabricants et distributeurs et consolide, sur la scène nationale et internationale, l’idée d’une mode canadienne originale et distinctive. Il conçoit d’ailleurs l’habit vert de Dany Laferrière pour son assermentation à l’Académie française, le premier costume d’un immortel confectionné hors du pays.

Dès le début des années 1980, ses créations se retrouvent sur les grands podiums canadiens et nord-américains. Il fonde Poitras Design et lance une ligne masculine. Convaincu que la mode a un rôle à jouer sur le plan social, il s’implique au sein de conseils d’administration et s’engage dans des causes caritatives. À partir de la fin de cette décennie, il assume le rôle de spécialiste et d’ambassadeur de la mode et du design comme président d’honneur, juré, commissaire, porte-parole ou consultant pour de nombreux événements ou auprès d’organismes associés à l’industrie, participant à sa promotion et à sa reconnaissance.

En 2000, le créateur polyvalent embrasse non seulement le design de mode, mais aussi le design intérieur et le design industriel. Il ouvre une boutique alliant mode et maison ainsi qu’un studio alliant arts de la table et mobilier. Sa collaboration avec des entreprises québécoises et canadiennes permet de conférer raffinement et distinction à une maison écologique préusinée; à des concepts de cuisine; à des objets et accessoires du quotidien tels que meubles, portes, poignées et luminaires; à des costumes de scène et à des vêtements institutionnels. « J’ai toujours voulu tendre une passerelle entre la mode et les différentes disciplines, tant du design que des arts visuels », précise celui qui croit en l’apport des uns aux autres.

Le riche parcours de Jean-Claude Poitras témoigne du rôle et de l’influence qu’il a exercés dans une industrie en constante mutation. Animateur ou chroniqueur dans la presse écrite, radiophonique et télévisuelle, conférencier, chercheur ou consultant, ses talents de communicateur et de vulgarisateur contribuent à la démocratisation de l’histoire de la mode et du design auprès d’un large public.

Toujours animé du même feu sacré malgré ses grandes remises en question sur la nécessité de faire une carrière en design de mode, Jean-Claude Poitras poursuit sa démarche comme designer, artiste en arts visuels et directeur artistique. « J’aurai tenté de créer de la beauté autour de moi durant toute ma vie, car je suis persuadé que le monde en a besoin », dit-il. Il continue d’être une source d’inspiration pour la relève. « Je suis très heureux d’être un guide pour les jeunes et de faire une différence pour ceux et celles qui ont décidé de faire ce métier insécurisant et méconnu. » Il se fait critique de l’ère de la surconsommation et du prêt-à-jeter et espère redonner à la mode ses lettres de noblesse.

Ses archives et ses collections appartiennent dorénavant au patrimoine national, tandis que son œuvre pluridisciplinaire a fait l’objet de récentes expositions. « Tous mes rêves se concrétisent en ce moment, les planètes semblent bien alignées », conclut-il, ravi.

Angèle Dubeau

Avec la même fougue et une égale générosité, Angèle Dubeau mène depuis plus de 40 ans et dans autant de pays une carrière remarquable de musicienne classique. Par-delà la virtuosité et la musicalité de l’artiste, ce sont les qualités de cette femme d’exception qui lui confèrent une place toute particulière dans le cœur de son public. Dès les premières notes qu’elle extrait de son Stradivarius surnommé Arthur, l’auditoire est conquis par son jeu envoûtant ainsi que sa facilité à transmettre le plaisir de la musique. À titre de citoyenne, de musicienne, de directrice artistique et de communicatrice, Angèle Dubeau a marqué la société québécoise par son implication soutenue, sa portée artistique et sa capacité à tisser durablement des liens avec le public.

Très tôt initiée au violon, Angèle Dubeau donne son premier concert à l’âge de 5 ans et entre au Conservatoire de musique de Montréal à 8 ans. « D’aussi loin que je me souvienne, la musique fait partie de ma vie, raconte-t-elle. J’ai réalisé très jeune cette grandeur et cette force de la musique qui, sans barrière de langue, peut toucher, faire vibrer et interpeller à son écoute toutes les cultures. » Détentrice, à l’âge de 15 ans, d’un premier prix du Conservatoire avec haute distinction (l’équivalent d’une maîtrise) et cumulant bourses et mentions d’honneur, elle poursuit ses études à la Juilliard School of Music de New York, puis elle perfectionne son art en Roumanie.

Depuis toujours, Angèle Dubeau est intimement convaincue de la nécessité de mieux faire connaître la musique à un large public et elle s’emploie à la lui rendre accessible en lui faisant traverser les frontières, les générations et les milieux sociaux. « J’aime penser que la musique est le bien de tous et de toutes et qu’elle se partage avec le plus grand nombre », explique-t-elle. Outre les nombreux concerts qu’elle offre, cette véritable passionnée transmet son amour de la musique et de la culture par l’entremise d’émissions télévisées à caractère musical, de programmes à l’intention du jeune public, de concerts populaires et de la Fête de la musique de Tremblant. Depuis qu’elle l’a fondé il y a plus de 20 ans, ce rendez-vous, qui fait la part belle aux œuvres et aux artistes d’ici, attire annuellement plus de 40 000 mélomanes. « Le contact avec les œuvres d’art mène à l’épanouissement de nos sens et colore nos vies », illustre-t-elle.

À la direction de La Pietà, un ensemble à cordes composé exclusivement de musiciennes canadiennes, Angèle Dubeau fait découvrir à un public toujours grandissant des pièces issues d’un répertoire fidèle aux compositeurs d’ici et à leurs interprétations. Âme sensible et généreuse, elle croit à l’engagement envers la communauté. « J’ai une foi inébranlable dans le pouvoir salvateur de l’art pour l’humanité », dit-elle. Avec cette philosophie humaniste, son orchestre se produit en milieu scolaire, où l’aisance de sa chef d’orchestre à transmettre sa passion et ses connaissances musicales permet aux jeunes de vivre une expérience aussi marquante qu’enrichissante. Il se déplace également dans des centres de soins pour enfants et pour aînés, en plus de prendre part à des activités au profit d’organismes culturels et de fondations.

La virtuosité et le haut niveau d’interprétation musicale d’Angèle Dubeau sont tout aussi présents dans ses enregistrements sonores, comme en atteste son parcours discographique puisant dans la richesse de son répertoire et l’étendue de son talent. Cette musicienne classique est l’une des rares ayant obtenu plusieurs disques d’or en carrière. Elle a enregistré à ce jour plus de 40 albums, en a vendu plus de 600 000 et compte plus de 80 millions de téléchargements sur les plateformes d’écoute en continu pour l’ensemble de son œuvre. Au fil des ans, elle a d’ailleurs remporté de nombreux prix nationaux et internationaux, en plus de recevoir les plus hautes distinctions attribuées par Montréal, le Québec et le Canada.

Seule, avec son propre orchestre tout féminin ou avec un autre grand orchestre, Angèle Dubeau a joué tant dans les plus grandes villes du monde que dans les plus petites qui n’ont que rarement, voire jamais, accès à la musique de concert.

Toujours au sommet de son art, Angèle Dubeau poursuit sa mission de partager largement la musique. « Après toutes ces années, ce qui me remplit de bonheur, c’est de savoir que ma musique vous accompagne dans vos vies, dans votre quotidien, dans vos petits et grands moments », précise celle qui continue d’émouvoir, d’éblouir, d’étonner et ne souhaite qu’une seule chose : pouvoir recommencer.

Hélène Dorion

Intellectuelle, éditrice, directrice littéraire, professeure, philosophe, artiste, écrivaine au sens polyvalent du terme, Hélène Dorion vit de sa plume depuis plus de 30 ans. À ce jour, elle a publié romans, récits, poèmes et essais qui conviennent autant à la contemplation qu’à la transformation intérieure.

Détentrice d’un baccalauréat en philosophie, d’une maîtrise en lettres et d’un certificat en littérature québécoise de l’Université Laval, Hélène Dorion est née et a grandi à Québec. Nourrie par une vaste culture littéraire et artistique, son œuvre prégnante et universelle a traversé nos frontières et continue d’enrichir la littérature de la francophonie, en plus d’être traduite et publiée dans une quinzaine de pays. « Je suis fière des trente-cinq années d’écriture et de publication qui sont derrière moi, et heureuse que mon travail s’inscrive dans la durée, que mes livres connaissent pour la plupart une vie longue à travers leurs réimpressions et rééditions », souligne-t-elle.

Avec simplicité et beauté, ses ouvrages sondent l’intime de l’être. Ils invitent à la réflexion sur le sens de l’existence humaine. Courts, fluides et profonds, ses textes à la trompeuse facilité reflètent plutôt une écriture maîtrisée. Par la modernité de ses écrits, leur sagesse et leur intégrité, l’écrivaine jette un regard sur les défis que rencontre le monde actuel.

Communicatrice maniant aussi bien la parole que la plume, Hélène Dorion se plaît à faire la lecture de ses œuvres en public. D’une façon toute personnelle, elle dévoile ainsi d’autres facettes de ses textes. Son talent, son éloquence, son intelligence ainsi que sa présence chaleureuse et inspirante sont soulignés en ces occasions. Excellente ambassadrice de la littérature québécoise à l’étranger, elle y a multiplié les voyages pour donner des conférences et rencontrer des écrivaines et écrivains ainsi que des étudiantes et étudiants. Ici et en Europe, ses interventions attirent un public diversifié, que ce soit en milieu universitaire, en librairie, en bibliothèque, dans les festivals littéraires ou les salons du livre.

Sa présence et son œil critique sont également sollicités dans le cadre de prix littéraires, notamment comme membre permanent du jury d’un prix international de poésie francophone, de colloques, de conférences, de comités de rédaction et de résidences d’écriture. À titre de chroniqueuse ou de critique, elle collabore à diverses publications culturelles et littéraires, dont des revues, ouvrages collectifs et anthologies.

Artiste pluridisciplinaire, Hélène Dorion pratique avec talent la photographie. Dans son livre Le temps du paysage (éditions Druide), ses photos dialoguent avec le texte pour permettre au lectorat de mieux saisir ce dont la nature est empreinte. Depuis 2016, une exposition constituée de photographies numériques tirées de cet ouvrage est présentée en continu. « Je retire beaucoup de satisfaction de l’aspect multidisciplinaire de ma démarche d’écrivaine et j’éprouve un vif plaisir à faire dialoguer l’écriture avec d’autres formes artistiques », précise celle qui poursuit des collaborations toujours stimulantes avec des artistes visuels, de même qu’avec des compositeurs et compositrices pour différents projets. Ainsi, ses textes ont aussi fait l’objet d’enregistrements audio et ont été mis en musique. À partir du début des années 1990, elle conçoit des lectures-spectacles de poésie et musique. Depuis 2015, avec Les Violons du Roy, elle collabore à la conception et à la présentation de concerts littéraires dans lesquels elle fait la lecture de ses textes, en plus de s’impliquer dans le milieu de l’opéra.

De part et d’autre de nos frontières, l’œuvre d’Hélène Dorion est récompensée, étudiée et mise en lumière. Un ouvrage collectif regroupant les collaborations de plusieurs auteurs, auteures et critiques a porté sur son travail, de même que des articles, mémoires et thèses. En plus d’influencer le monde de la recherche universitaire, ses écrits poussent les jeunes poètes au questionnement comme à l’espoir de solutions.

En 2002, les éditions de L’Hexagone ont fait paraître, sous le titre Mondes fragiles, choses frêles, une imposante rétrospective qui comprend l’intégralité de son œuvre poétique publiée entre 1983 et 2000, tandis qu’un colloque international lui a été consacré à l’Université Paris–Nanterre en collaboration avec l’Université du Québec à Montréal.

« L’écriture est dans ma vie pour toute ma vie! Je souhaite continuer à explorer ce chemin de mots que défriche chaque objet littéraire et artistique, à interroger la beauté complexe de notre monde et de notre présence humaine, cherchant ainsi à contribuer à cet acte de résistance nécessaire qu’est la création », affirme-t-elle.

Pauline Vaillancourt

Pionnière en matière de nouvelles pratiques lyriques et artiste accomplie, Pauline Vaillancourt œuvre depuis plus de 50 ans comme interprète soliste classique, conceptrice et metteuse en scène. Grande ambassadrice de la musique contemporaine, elle a positionné le Québec comme un centre de recherche d’avant-garde en la matière et n’hésite pas à prendre les risques inévitablement associés à la création et au dépassement.

De son enfance à aujourd’hui, Pauline Vaillancourt a été influencée par le chant, le théâtre et la création, pour finalement trouver ce qui la définit le mieux : la création de nouvelles formes d’opéra. Née dans la région de Saguenay–Lac-Saint-Jean d’une famille qui affectionnait les arts et, tout particulièrement, la musique classique et le théâtre, elle est encouragée dès l’âge de 5 ans dans son désir spontané de devenir musicienne grâce à sa voix. Elle reçoit un prix du Conservatoire de Québec après avoir obtenu une dérogation pour assister, en plus de ses cours réguliers, à des cours d’harmonie, de contrepoint et d’analyse musicale, puis elle poursuit une maîtrise en interprétation à l’Université de Montréal. Parallèlement, elle enseigne la pose de voix chantée à l’École nationale de théâtre de Montréal et donne des classes de maître en interprétation.

Pauline Vaillancourt est membre fondatrice de Gropus 7 en 1975 et développe une approche théâtrale de la musique. En 1977, elle effectue une tournée européenne avec la Société de musique contemporaine du Québec qu’elle a vu naître. Elle découvre l’Europe et s’y installe quelques années plus tard. Le vieux continent lui offre la possibilité de travailler avec des chefs d’orchestres et metteurs en scène de renom. Au fil des années, elle prête sa musicalité et sa sensibilité aux compositeurs dont elle interprète et met en scène les œuvres. Soprano reconnue sur les scènes canadienne et européenne pour ses performances exceptionnelles et les limites qu’elle repousse sans cesse, la « chantactrice » participe à de nombreux festivals en Europe et en Amérique du Nord.

« J’ai fait le choix très tôt de privilégier, parallèlement à ma carrière d’interprète soliste classique plus conventionnelle, la création et la performance de nouvelles œuvres, et ce, non seulement en tant qu’interprète, mais en tant que conceptrice et metteuse en scène. Après 54 ans de carrière, je continue ainsi de me tenir toujours en alerte », explique celle qui a fondé Chants Libres il y a 30 ans et qui le dirige depuis. Outil d’exploration et de conception dédié aux nouvelles formes d’opéra, Chants Libres met en valeur les voix des chanteurs, les musiques des compositeurs ainsi que le travail des écrivains, des concepteurs visuels et des metteurs en scène qui brillent ainsi de concert sur les scènes du monde.

Grâce à Chants Libres, sans restriction et avec passion, Pauline Vaillancourt conçoit, met en scène et interprète des opéras innovants. « Dans les derniers opéras que j’ai mis en scène se trouvait une implication sociale plus évidente que par le passé. Dans l’état actuel de notre planète, devant l’évidence que nous répétons sans fin les mêmes erreurs, je veux profiter de cette chance unique que j’ai d’avoir un droit de parole sur scène », explique-t-elle. Avec ses spectacles qui stimulent l’émulation d’une génération émergente d’artistes et de créateurs désireux de briser les moules établis, elle n’offre rien de moins que l’excellence. Chants Libres a également pour mission d’assurer la relève en confiant à de jeunes interprètes la reprise d’œuvres parmi les plus exigeantes, en plus de leur offrir des séminaires et des ateliers de recherche.

Véritable bassin de recherche, Chants Libres a également été créé pour faire profiter les artistes de la recherche et de l’innovation dans les domaines de pointe. En collaboration avec des créateurs et interprètes, Pauline Vaillancourt donne naissance à un processus créatif original qui intègre de nouvelles technologies sans pour autant occulter la fragilité et l’humanité de la voix ou l’intégrité du livret. Ce faisant, elle a acquis le statut de chercheuse au sein de DEII, le Laboratoire de développement en environnement immersif et interactif, en partenariat avec le réseau de recherche et création en arts et technologies médiatiques Hexagram.

Si la vitalité de la création lyrique est aujourd’hui assurée et les arts de la scène, reconnus et florissants, c’est certes grâce à la contribution de Pauline Vaillancourt. Son talent, sa volonté et son intégrité forcent autant l’admiration de ses pairs que celle du public et des personnes avec lesquelles elle collabore.

Nahum Sonenberg

La persévérance est sans doute l’une des principales qualités qu’un chercheur doit posséder. Cette affirmation prend tout son sens quand on regarde le parcours de Nahum Sonenberg. Éminent biologiste moléculaire, il récolte aujourd’hui les fruits d’une découverte qu’il a faite il y a près de quarante ans.

Durant ses études postdoctorales, au Roche Institute of Molecular Biology, au New Jersey, Nahum Sonenberg identifie la protéine eIF4E. À cette époque, il ne soupçonnait pas le puissant rôle qu’elle pouvait jouer dans les mécanismes de différentes maladies. « Par accident, c’est devenu la découverte la plus importante de ma carrière! » s’exclame-t-il.

Titulaire de la Chaire Gilman Cheney en biochimie, au Département de biochimie et au Centre de recherche sur le cancer Rosalind et Morris Goodman de l’Université McGill, le professeur Sonenberg étudie les bases moléculaires du contrôle de la synthèse des protéines dans les cellules eucaryotes, c’est-à-dire celles qui possèdent un noyau. Ses recherches ont démontré l’importance de cette synthèse dans divers processus biologiques liés au cancer, aux infections virales, au diabète, aux maladies neurologiques, à la mémoire et au spectre de l’autisme.

Nahum Sonenberg a constaté que la protéine eIF4E est un proto-oncogène, c’est-à-dire un gène dont l’expression favorise l’apparition de cancers. Cette protéine joue un rôle déterminant dans le métabolisme, l’apprentissage et la mémoire, ainsi que l’immunité. Plus récemment, il a découvert qu’elle joue aussi un rôle dans l’autisme et le syndrome du X fragile, de même que dans le rythme circadien.

Ses découvertes ont ouvert la porte à des approches novatrices en matière de génothérapie, une technique qui consiste à introduire un gène fonctionnel dans les cellules d’un organisme à des fins préventives, curatives ou diagnostiques. Elles ont aussi mené à de nouvelles cibles pharmacologiques pour le traitement du cancer et à l’élaboration de médicaments antiviraux de nouvelle génération. Ses recherches les plus récentes liées à l’autisme suggèrent une démarche novatrice pour la mise au point de thérapies.

Grâce à son travail acharné, M. Sonenberg a donc fait progresser les connaissances sur une variété de maladies. Il a influencé les fondements de la biologie du développement, de la virologie, de l’oncologie et de la neurologie. En fait, sa carrière est chargée de découvertes majeures qui figurent aujourd’hui dans les manuels modernes des sciences de la vie.

Lorsqu’on lui demande d’où vient son intérêt pour la science, il répond que tous les enfants sont curieux. « Les scientifiques sont simplement des adultes qui ont su conserver cette curiosité. Et plus on travaille fort, plus on a de chances d’obtenir du succès. »

Nul doute que Nahum Sonenberg travaille très fort. Dans son bureau du Complexe des sciences de la vie de l’Université McGill, il raconte être né dans un camp de réfugiés en Allemagne, en 1946, après la Seconde Guerre mondiale. Trois ans plus tard, sa famille déménage en Israël, où il grandit et amorce son parcours en microbiologie et en immunologie. Ses études le mèneront jusqu’à Montréal, où il devient, en 1979, professeur adjoint, puis professeur au Département de biochimie de l’Université McGill.

Les découvertes de Nahum Sonenberg ont été publiées dans les revues scientifiques les plus prestigieuses du monde, dont Nature, Science et Cell. À ce jour, ses articles ont été cités plus de 100 000 fois dans la littérature scientifique, ce qui illustre bien l’importance de sa contribution à la recherche biomédicale.

Cet apport exceptionnel a d’ailleurs été récompensé par le prix Wolfe en médecine (2014), la Médaille McLaughlin de la Société Royale du Canada (2013), l’Ordre du Canada (2010) et le prix Gairdner (2008), pour ne nommer que ceux-là. L’Université Laval lui a également décerné un doctorat honoris causa en 2016.

Nahum Sonenberg collabore régulièrement avec d’autres instituts de recherche et universités autant au Québec qu’à l’international; il a formé un nombre impressionnant d’étudiants, dont environ soixante sont devenus professeurs à travers le monde. Il a aussi prononcé plus de 200 conférences devant des associations internationales au Canada et à l’étranger, en plus d’être invité à présenter plus d’une centaine de séminaires dans de nombreux pays.

Nahum Sonenberg a consacré sa vie à étudier un élément qui aura révolutionné la médecine actuelle. Aujourd’hui, à 72 ans, l’influent biologiste moléculaire ne songe pas une minute à la retraite. « Il faut garder notre cerveau occupé! » conclut-il avec un sourire bienveillant.

Gilbert Laporte

Si Montréal est reconnue aujourd’hui comme un centre d’excellence en distributique, c’est en majeure partie grâce aux travaux de Gilbert Laporte, figure de proue dans le domaine. M. Laporte a joué un rôle prépondérant dans le développement de cette discipline, maintenant prédominante et indispensable dans le quotidien des industries et des sociétés. Par des algorithmes et des opérations en mathématique appliquée, il est en mesure de résoudre des problèmes de transport, de gestion du territoire et d’horaires, améliorant ainsi considérablement la qualité de vie des gens, sans que ceux-ci s’en aperçoivent…

Ce sont d’abord les mathématiques qui ont piqué la curiosité de Gilbert Laporte, dès son cours classique. S’intéressant à la matière appliquée, un baccalauréat en mathématiques en poche, le jeune étudiant poursuit sa carrière universitaire en recherche opérationnelle au Royaume-Uni, là où est née la discipline durant la Seconde Guerre mondiale. À l’Université de Lancaster, alors qu’il rédige son mémoire de maîtrise sur les opérations de ramassage de courrier, sa passion pour la distributique grandit. Il se tourne vers la London School of Economics pour son doctorat, qu’il termine en 1975. Peu de temps après, M. Laporte revient au Québec et devient professeur à HEC Montréal, où il travaille encore aujourd’hui.

Tout au long de sa carrière, Gilbert Laporte s’est penché sur quatre sujets d’étude : le transport de biens et de personnes; la localisation; la confection d’horaires et le découpage électoral. Il a ainsi travaillé à améliorer et à optimiser les trajets effectués par des camions de livraison, la localisation des sites d’attente et la gestion des flottes d’ambulances, l’horaire des employés d’hôpitaux, et même le découpage des circonscriptions électorales de la ville d’Edmonton. Son objectif est de résoudre des problèmes issus de considérations pratiques, dans le but d’offrir des solutions de haute qualité. Il s’intéresse actuellement aux problèmes de transport vert et étudie le contrôle de la vitesse, aux plages horaires d’usage de la route ainsi qu’aux habitudes des commerces et de la population. Ces recherches visent à optimiser les tracés et à diminuer la pollution causée par le transport.

Inspiré par la recherche, il l’est tout autant par celle de ses pairs et de ses étudiants. Il encourage fortement la collaboration, le partage des connaissances, la mise en commun d’idées et de pistes de solution. Il a ainsi dirigé ou codirigé près d’une centaine d’étudiants, à la maîtrise ou au doctorat. Ce qui le fascine, c’est cette grande variété d’applications qui s’offre aux chercheurs du milieu. Alors que certains sont plus à l’aise sur le terrain, d’autres sont plongés dans les calculs.

Il a écrit ou co-écrit 19 livres et 570 articles. Ses travaux et productions ont permis à la distributique de se développer au pays, précisément à HEC Montréal, en plus d’être enseignée partout sur le globe. Il a été professeur associé, invité et hôte dans de nombreuses universités, notamment en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Pas étonnant qu’en 2017 la revue Omega – The International Journal of Management Science le proclamait « auteur le plus productif et le plus influent au monde en recherche opérationnelle et en sciences de la décision ».

Depuis 2001, Gilbert Laporte dirige la Chaire de recherche du Canada en distributique, qui rassemble de nombreux chercheurs issus de plusieurs pays. Le professeur est également membre du Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT) et du Groupe d’études et de recherche en analyse des décisions (GERAD). Il s’est vu décerner plus de 70 prix et distinctions pour sa contribution à l’avancement des connaissances et à la résolution de problèmes complexes de gestion qui ont des répercussions scientifiques, pratiques et sociales importantes. Notons l’obtention en 2007 de la médaille Innis-Gérin de la Société royale du Canada, dont il est membre depuis 1998. Il est fellow de l’Institute for Operations Research and the Management Sciences (INFORMS) et a reçu deux prix de cet institut, un en 2009 et un en 2014.

En 43 ans de carrière, Gilbert Laporte s’est assuré d’effectuer ses recherches et ses productions de façon assidue, réfléchie et constante. Très humblement, il mentionne qu’une de ses plus grandes réalisations est sans doute « d’avoir apporté la distributique à Montréal » et d’avoir intéressé d’autres gens au domaine. L’enseignement reste pour lui une de ses « sources de bonheur », comme il aime bien les appeler, ainsi que le développement d’algorithmes ou la résolution de problèmes conceptuels. Sa conception du travail bien fait, de la rigueur et du partage entre collègues et partenaires lui aura sans aucun doute permis de devenir la sommité internationale qu’il est aujourd’hui.

François Ricard

Professeur de lettres françaises et québécoises à l’Université McGill de 1971 à 2009, critique dans divers journaux et périodiques, chroniqueur à la radio, collaborateur régulier à des revues littéraires du Québec (Liberté, L’Inconvénient) et de France (L’Atelier du roman), coauteur de Histoire du Québec contemporain (1986), éditeur et directeur de collections dans quelques maisons montréalaises – dont le Boréal, où il est entré en 1984 et où il a fondé la collection d’essais « Papiers collés » –, auteur d’une douzaine d’ouvrages publiés entre 1973 et 2018, François Ricard n’a cessé depuis plus de quarante-cinq ans de contribuer par ses activités et ses écrits à la vie et au rayonnement de la littérature québécoise et de la culture littéraire dans son ensemble.

Malgré ces multiples activités, François Ricard ne tient toutefois qu’à une seule étiquette, un seul métier : celui d’essayiste. Car c’est dans et par l’essai – « cet art incompris », selon ses propres termes – que se résume tout son travail d’écrivain. Pour lui, l’essai (tel qu’il l’entend et le pratique, c’est-à-dire sous la forme que lui ont donnée les grands maîtres du genre, depuis Montaigne jusqu’à Pierre Vadeboncoeur) appartient à la littérature entièrement et de plein droit, à l’égal de la poésie, du théâtre ou du roman (qu’il affectionne particulièrement). « L’essai, dit-il, est souvent vu comme un fourre-tout dans lequel on classe tout ce qui n’est pas « fiction ». Pourtant, l’essai est une œuvre artistique, mais dans le genre discursif, si l’on veut. Ce n’est pas de la pensée préalablement élaborée que l’on transmet, mais de la pensée qui s’écrit. Cela ne repose pas sur des personnages ou des émotions, mais plutôt sur des idées qui se déploient dans l’écriture. C’est le lieu où la pensée se forme, se complexifie et se précise. » En ce sens, ajoute-t-il, l’essai, à l’instar de toute œuvre littéraire véritable, représente « une réalisation suprême de la langue. La langue non seulement pour sa beauté formelle, mais aussi comme instrument de découverte, ou mieux : d’interrogation du monde et de l’expérience humaine. »

Comme essayiste, François Ricard a publié notamment La génération lyrique (1992), ouvrage dont le retentissement a touché aussi bien le monde de la politique et des sciences humaines que celui de la littérature, ainsi que quatre recueils dans lesquels il a rassemblé (en les retravaillant) des textes d’abord publiés dans des revues : La littérature contre elle-même (1985), Chroniques d’un temps loufoque (2005), Mœurs de province (2014) et La littérature malgré tout (2018). Dans tous ces livres, dit-il, « je ne me présente pas comme un grand inventeur d’idées nouvelles. Ce qui m’importe surtout, c’est de garder vive l’étincelle de la perplexité, de la réserve mentale et de la distance à l’égard de ce qui nous est proposé comme croyances et idéologies. »

Dès le milieu des années 1970, François Ricard entrait au comité de rédaction de la revue Liberté, dont il sera le directeur de 1980 à 1986. C’est à cette époque que se produisent deux rencontres qui vont le marquer et l’inspirer à jamais. La première est celle de Gabrielle Roy, dont il a été l’ami et le collaborateur pendant dix ans, jusqu’à la mort de la romancière en 1983; sur elle, il a écrit d’abord un petit livre d’introduction (1975), puis une grande biographie (Gabrielle Roy, une vie, 1996), en plus d’une vingtaine d’autres textes. L’autre rencontre majeure est celle de Milan Kundera, l’écrivain et l’homme, à qui il consacrera une dizaine de postfaces (dans la collection « Folio ») et un essai d’ensemble (Le dernier après-midi d’Agnès, 2003), avant de préparer, avec l’auteur lui-même, l’édition de Milan Kundera : Œuvre dans la collection de la Pléiade (2011). Pour lui, ces deux écrivains auront été des maîtres irremplaçables. « Maîtres de littérature, maîtres de vie, ils m’ont tout appris, m’ont soutenu, m’ont montré la voie, et, si différentes – c’est-à-dire complémentaires – que soient leurs sensibilités et leurs œuvres, ils ont été pour moi, autant l’un que l’autre et chacun à sa façon, des modèles de ce que la littérature peut viser de meilleur. »

Sobriété et limpidité de la prose, foi absolue dans la valeur et les pouvoirs de la littérature, regard sceptique et ironique sur le monde actuel : l’œuvre de François Ricard occupe une position unique dans le paysage de la littérature québécoise contemporaine. Elle a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses reconnaissances, dont le Prix du Gouverneur général du Canada (1986), le prix Jean-Éthier-Blais (1997), la Grande Médaille de la Francophonie de l’Académie française (2001) et la médaille de l’Académie des lettres du Québec (2011).

Jérôme Dupras

Jumeler les arts et la science, voilà le succès et la fierté de Jérôme Dupras. Le professeur agrégé au Département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais et chercheur à l’Institut des sciences de la forêt tempérée est aussi connu depuis vingt ans comme le bassiste du groupe Les Cowboys Fringants.

C’est à l’Université de Montréal, dans le cadre d’un baccalauréat en biochimie, que Jérôme Dupras amorce son parcours universitaire. Parallèlement, il brûle les planches en compagnie de ses amis musiciens. En 2002, l’étudiant voit sa carrière artistique prendre son envol et suspend ses études. Au travers des spectacles et des chansons, le groupe met de l’avant son intérêt pour les causes environnementales. Il crée en 2006 la Fondation Cowboys Fringants et sa devise la musique au service de l’environnement. M. Dupras en assure la présidence.

De retour aux études avec le profond désir de contribuer aux sciences de l’environnement, le bassiste effectue sa maîtrise et son doctorat en géographie à l’Université de Montréal, où il reçoit les plus hautes distinctions et développe une expertise en économie écologique. Cette discipline, encore nouvelle au Québec, vise une approche sociale et économique dans laquelle les capacités de la biosphère sont respectées. Elle permet ainsi la protection de la nature et le renforcement des liens d’interdépendance entre les êtres humains et la nature.

Au terme de son doctorat en 2014, il effectue un stage postdoctoral au Département de biologie de l’Université McGill, puis entame sa carrière de professeur au Département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais, en septembre 2014. En 2015, il reçoit la médaille d’or académique du Gouverneur général du Canada pour sa thèse axée sur l’évaluation économique des services écosystémiques dans la région de Montréal. Il devient professeur agrégé en 2018.

Il dirige le laboratoire d’économie écologique de l’Institut des sciences de la forêt tempérée, où ses recherches portent sur l’évaluation économique des services écosystémiques, la conservation de la biodiversité de même que la gouvernance et l’aménagement du territoire. En combinant de nombreuses sciences, comme la géographie, l’écologie et l’économie, il en ressort un portrait précis des interactions humain-territoire.

Jérôme Dupras tient son rôle de mobilisateur à cœur : il prend plaisir à collaborer avec ses collègues, à partager sa passion avec ses étudiants, à enseigner et à vulgariser, dans le but de susciter des réflexions chez différents auditoires. Déjà, il compte à son actif plus de 50 publications scientifiques, ses travaux étant notamment publiés dans les meilleures revues en géographie humaine, en économie de l’environnement, en sciences environnementales, ainsi que dans des journaux généralistes de haut niveau.

Chercheur engagé, il a organisé de nombreux colloques et conférences; il a présenté ses travaux dans plus de 100 colloques internationaux et a été invité dans des universités et organisations comme conférencier principal à plus de 50 occasions. Il est sollicité régulièrement par les médias afin de commenter les enjeux et les découvertes scientifiques dans le domaine de l’environnement.

Avec une telle reconnaissance internationale et une feuille de route aussi riche et diversifiée, le jeune chercheur prolifique a le vent dans les voiles. Il va sans dire, il reste au service de l’environnement par ses recherches, son enseignement et sa musique, le tout lui permettant d’atteindre un équilibre de vie idéal.