La persévérance est sans doute l’une des principales qualités qu’un chercheur doit posséder. Cette affirmation prend tout son sens quand on regarde le parcours de Nahum Sonenberg. Éminent biologiste moléculaire, il récolte aujourd’hui les fruits d’une découverte qu’il a faite il y a près de quarante ans.
Durant ses études postdoctorales, au Roche Institute of Molecular Biology, au New Jersey, Nahum Sonenberg identifie la protéine eIF4E. À cette époque, il ne soupçonnait pas le puissant rôle qu’elle pouvait jouer dans les mécanismes de différentes maladies. « Par accident, c’est devenu la découverte la plus importante de ma carrière! » s’exclame-t-il.
Titulaire de la Chaire Gilman Cheney en biochimie, au Département de biochimie et au Centre de recherche sur le cancer Rosalind et Morris Goodman de l’Université McGill, le professeur Sonenberg étudie les bases moléculaires du contrôle de la synthèse des protéines dans les cellules eucaryotes, c’est-à-dire celles qui possèdent un noyau. Ses recherches ont démontré l’importance de cette synthèse dans divers processus biologiques liés au cancer, aux infections virales, au diabète, aux maladies neurologiques, à la mémoire et au spectre de l’autisme.
Nahum Sonenberg a constaté que la protéine eIF4E est un proto-oncogène, c’est-à-dire un gène dont l’expression favorise l’apparition de cancers. Cette protéine joue un rôle déterminant dans le métabolisme, l’apprentissage et la mémoire, ainsi que l’immunité. Plus récemment, il a découvert qu’elle joue aussi un rôle dans l’autisme et le syndrome du X fragile, de même que dans le rythme circadien.
Ses découvertes ont ouvert la porte à des approches novatrices en matière de génothérapie, une technique qui consiste à introduire un gène fonctionnel dans les cellules d’un organisme à des fins préventives, curatives ou diagnostiques. Elles ont aussi mené à de nouvelles cibles pharmacologiques pour le traitement du cancer et à l’élaboration de médicaments antiviraux de nouvelle génération. Ses recherches les plus récentes liées à l’autisme suggèrent une démarche novatrice pour la mise au point de thérapies.
Grâce à son travail acharné, M. Sonenberg a donc fait progresser les connaissances sur une variété de maladies. Il a influencé les fondements de la biologie du développement, de la virologie, de l’oncologie et de la neurologie. En fait, sa carrière est chargée de découvertes majeures qui figurent aujourd’hui dans les manuels modernes des sciences de la vie.
Lorsqu’on lui demande d’où vient son intérêt pour la science, il répond que tous les enfants sont curieux. « Les scientifiques sont simplement des adultes qui ont su conserver cette curiosité. Et plus on travaille fort, plus on a de chances d’obtenir du succès. »
Nul doute que Nahum Sonenberg travaille très fort. Dans son bureau du Complexe des sciences de la vie de l’Université McGill, il raconte être né dans un camp de réfugiés en Allemagne, en 1946, après la Seconde Guerre mondiale. Trois ans plus tard, sa famille déménage en Israël, où il grandit et amorce son parcours en microbiologie et en immunologie. Ses études le mèneront jusqu’à Montréal, où il devient, en 1979, professeur adjoint, puis professeur au Département de biochimie de l’Université McGill.
Les découvertes de Nahum Sonenberg ont été publiées dans les revues scientifiques les plus prestigieuses du monde, dont Nature, Science et Cell. À ce jour, ses articles ont été cités plus de 100 000 fois dans la littérature scientifique, ce qui illustre bien l’importance de sa contribution à la recherche biomédicale.
Cet apport exceptionnel a d’ailleurs été récompensé par le prix Wolfe en médecine (2014), la Médaille McLaughlin de la Société Royale du Canada (2013), l’Ordre du Canada (2010) et le prix Gairdner (2008), pour ne nommer que ceux-là. L’Université Laval lui a également décerné un doctorat honoris causa en 2016.
Nahum Sonenberg collabore régulièrement avec d’autres instituts de recherche et universités autant au Québec qu’à l’international; il a formé un nombre impressionnant d’étudiants, dont environ soixante sont devenus professeurs à travers le monde. Il a aussi prononcé plus de 200 conférences devant des associations internationales au Canada et à l’étranger, en plus d’être invité à présenter plus d’une centaine de séminaires dans de nombreux pays.
Nahum Sonenberg a consacré sa vie à étudier un élément qui aura révolutionné la médecine actuelle. Aujourd’hui, à 72 ans, l’influent biologiste moléculaire ne songe pas une minute à la retraite. « Il faut garder notre cerveau occupé! » conclut-il avec un sourire bienveillant.