Alain Fournier possède « le don de sculpter le vide et l’espace / pour ces peuples oubliés du temps », écrit l’auteure innue Maya Cousineau Mollen dans un poème qu’elle lui dédie. Plus encore, possédant une sensibilité profonde à l’égard des premiers peuples du Québec, il démontre un engagement exemplaire dans la valorisation et le rayonnement de leurs cultures. Grâce à son écoute et à son respect, l’architecte a développé des collaborations précieuses avec les communautés inuites et des Premières Nations au fil de sa carrière, qu’il poursuit depuis 47 ans. Ces aptitudes remarquables lui ont permis de contribuer significativement à l’amélioration de leur milieu de vie par la conception d’un environnement bâti de qualité, reflétant leur vision du monde. Sans contredit, les réalisations de ce créateur rassembleur constituent de véritables modèles pour les projets architecturaux déployés pour les communautés autochtones.
Alain Fournier reçoit le prix Ernest-Cormier comme « la reconnaissance et la prise de conscience générale que l’architecture constitue un véhicule identitaire important pour les Inuits, les Premières Nations et les Métis ». C’est un encouragement à « continuer à soutenir les communautés autochtones dans leur volonté de devenir maîtresses de leur environnement bâti et maîtresses des leviers de leur destinée », ajoute-t-il.
L’intérêt d’Alain Fournier pour la culture inuite prend racine dans son enfance, à la suite du visionnement d’un documentaire sur la fabrication d’igloos. Sa fascination pour cette culture et l’architecture ne cessera de grandir par la suite, le menant, à 17 ans, à travailler sur un chantier de construction à Frobisher Bay (aujourd’hui Iqaluit), puis à étudier à l’École d’architecture de l’Université McGill.
Après avoir obtenu son diplôme en 1975, Alain Fournier exerce sa profession chez PGL architectes, où il collabore à plusieurs projets internationaux, avant de fonder sa propre firme en 1982. Le projet de l’aérogare d’Iqaluit (1983), auquel il contribue à titre de consultant, est déterminant dans l’évolution de la carrière de l’architecte. Le bâtiment de couleur jaune éclatant, clin d’œil aux artistes inuits, devenu un repère culturel du Grand Nord, sert de point d’ancrage à une longue série de réalisations d’Alain Fournier dans les territoires de l’Inuit Nunangat (Nunavik, Nunavut et Nunatsiavut).
« Trois étincelles très rapprochées, en à peine 12 mois, sont à l’origine de mon indignation tranquille et de l’exutoire à celle-ci, l’action par l’architecture : la commande pour la conception et la construction du Shaputuan d’Oujé-Bougoumou, une formation sur les réalités autochtones avec, entre autres, l’historien wendat Georges E. Sioui et la crise d’Oka », explique-t-il.
Parmi les immeubles créés par l’architecte, on note des centres culturels et communautaires, des résidences pour aînées et aînés, des centres de la petite enfance et de santé, des constructions aussi complexes que la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, inaugurée en 2019, et bien plus encore. Édifiés depuis 1983, dont un grand nombre pour le compte d’EVOQ Architecture, firme qu’il a cofondée en 1996 et où il travaille toujours aujourd’hui, ces bâtiments portent chacun une signature à forte résonance symbolique pour les communautés dans lesquelles ils sont établis, tout en répondant à leurs besoins, auxquels Alain Fournier se montre extrêmement attentif.
En témoignent, par exemple, ses nombreux projets de logement social, qui s’accordent au mode de vie et aux activités traditionnelles des Inuits par leur organisation spatiale ouverte, ou encore l’aménagement des nouvelles aérogares prévues au Nunavik, dont la disposition des sièges des salles d’attente encouragera l’interaction communautaire plutôt que l’isolement individuel. Développés suivant un processus novateur de cocréation avec les communautés autochtones, les projets d’Alain Fournier permettent à celles-ci de célébrer leur culture avec leur narratif identitaire, favorisant une meilleure appropriation des bâtiments. Ce passionné d’art contribue d’ailleurs à accroître cette fierté par l’intermédiaire de l’intégration des arts à l’architecture, en mettant en valeur le talent d’artistes autochtones dans ses réalisations.
En parallèle de son travail sur le terrain, Alain Fournier est engagé dans plusieurs organisations, notamment l’Association des architectes en pratique privée du Québec, dont il a été le président de 2007 à 2010. Ce membre (fellow) de l’Institut royal d’architecture du Canada est de plus chargé de cours à la Faculté de l’aménagement de l’École d’architecture de l’Université de Montréal, où il forme les futures générations d’architectes à une meilleure compréhension des défis à relever dans les territoires autochtones.