Alanis Obomsawin, lauréate

Naissance le 31 août 1932 à New Hampshire (États-Unis), décès le à 

Témoignage

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Biographie

Cinéaste d’origine abénaquise, Alanis Obomsawin a consacré sa vie et son œuvre à militer pour les siens, à défaire les préjugés et à refaire les perceptions. Chacun de ses documentaires raconte un fragment de l’histoire contemporaine des peuples des Premières Nations. Chacun de ses films est intimement lié à son vécu. « Je suis d’une époque où l’on parlait des Blancs et des Sauvages. Nous n’étions même pas citoyens de notre propre pays. »

Enfant, Alanis Obomsawin fréquente une école près de Trois-Rivières, après avoir quitté sa réserve d’Odanak. Membre de la seule famille amérindienne du milieu, elle y vit l’exclusion et la violence. « Dans ce temps-là, l’histoire du Canada était enseignée de manière raciste, oppressante et dangereuse. On parlait des méchants Sauvages qui scalpaient les bons Blancs. À la fin du cours d’histoire, je savais ce qui m’attendait. Je ne pouvais pas retourner chez nous sans me faire battre sur le chemin du retour. C’est pour cette raison que j’ai grandi en voulant changer le système d’éducation. »

Une histoire du Canada bien différente des récits que les adultes de sa communauté racontent, le soir, à la lueur de la lampe à l’huile. Un autre monde, une vie très proche de la nature, des animaux. Des récits qui deviennent source d’inspiration.

Jeune adulte, Alanis Obomsawin prend son bâton de pèlerin et va d’une école à l’autre porter ces histoires et les chants traditionnels des siens. « Je voulais que les enfants entendent notre histoire, directement de nous. » Puis une série d’événements lui ouvre les portes d’un studio de l’Office national du film, là où elle peut réaliser ses premiers films qui deviendront du matériel éducatif à large portée. « C’était la première fois que l’on avait un produit professionnel adressé aux professeurs. C’était une voix directe. »

De fil en aiguille, elle devient documentariste. Au cœur de sa filmographie se dessinent des créations sans compromis, au regard sensible et sans apitoiement, révélant la condition humaine, le désenchantement et les espoirs des peuples des Premières Nations. En somme, le cinéma d’Alanis Obomsawin consolide la mémoire, s’attarde aux opinions et libère la parole.

Les événements de Restigouche, Richard Cardinal : le cri d’un enfant métis, Kanesatake : 270 ans de résistance (film couronné par 18 prix internationaux), Le peuple de la rivière Kattawapiskak et Hi-Ho Mistahey : ce ne sont là que quelques illustrations d’une œuvre riche de 49 ans de rencontres humaines, d’images saisissantes et de témoignages profondément touchants. Inspirée par la tradition orale des Premières Nations, Alanis Obomsawin enregistre d’abord la voix des gens durant de longues heures avant de sortir la caméra. « J’ai beaucoup de respect pour la parole qui dicte la vraie histoire. Je peux ainsi mieux comprendre et savoir comment je vais réaliser mon film. »

Toute sa vie, la cinéaste prolifique et mondialement reconnue a travaillé en cohérence avec ses convictions et ses valeurs. Elle a mené sa démarche avec détermination, force, espoir et honnêteté pour montrer aux gens que tout est possible. « Je suis très contente de mon chemin. Il y a quelques années seulement, j’ai réalisé que je pouvais presque dire merci à tout ce qui m’est arrivé. Cela m’a poussée à agir, ce que je n’aurais pas fait si j’avais eu la vie facile. »

À l’aube de ses 84 ans, encore active professionnellement, elle s’apprête à lancer son plus récent film, We Can’t Make the Same Mistake Twice, au Festival international du film de Toronto (TIFF). En parallèle, elle réalise sa prochaine production toujours avec la même intention : encourager les gens des communautés des différentes Premières Nations qui se battent dans leur coin pour des changements. Car le passé l’aura prouvé : l’addition des actions de chacun transforme les attitudes et les perceptions.

« J’ai eu la chance de voir beaucoup de progrès arriver pour notre peuple et je ne peux m’empêcher de penser que nous allons vers une ère meilleure. J’ai tellement confiance. » Voilà probablement le souffle d’espoir qui explique comment Alanis Obomsawin a pu aborder des réalités sombres tout en demeurant cette femme si lumineuse.

Information complémentaire

Membres du jury :
Vic Pelletier
Anaïs Barbeau-Lavalette, présidente
Bachir Bensaddek
Jean-Pierre Lefebvre

Crédit photo :
  • Scott Stevens
Texte :
  • MCC