Dans les années 1920, la découverte de la science quantique a permis aux chercheurs de mieux comprendre le comportement de la matière une fois réduite à l’échelle microscopique. À cette échelle, le concept de particule se confond et est remplacé par des ondes de probabilité définies au moyen d’équations mathématiques complexes. Quelques décennies plus tard, dans les années 1970, l’intégration des ordinateurs et de l’informatique à cette science a permis de développer de nouveaux outils et de démystifier des systèmes chimiques toujours plus complexes. De cette intégration est née la chimie computationnelle. Cette nouvelle approche en chimie a contribué, entre autres, à la création de nouveaux matériaux et à la conception de nouveaux médicaments.
Parallèlement à ces avancées scientifiques, la découverte de la lumière laser à la fin des années 1950 a donné lieu à des développements majeurs en sciences. Elle est utilisée comme réactif dans des processus chimiques, ou comme dispositif pour les lecteurs de disques compacts. Plusieurs chercheurs utilisent aussi cette lumière laser pour réduire la matière en vue d’identifier des espèces moléculaires. On parle alors de photonique moléculaire qui est, à proprement dit, l’étude des états et de la transformation de la matière par le rayonnement de la lumière sur les molécules. Par cette étude, on tente de visualiser la matière à l’échelle spatio-temporelle de la molécule même et de la contrôler par des interactions avec le rayonnement.
Grâce à une conjonction impressionnante de savoirs issus de la science quantique, de la chimie computationnelle et de la photonique moléculaire, le professeur André D. Bandrauk est devenu un pionnier et un leader mondial dans le contrôle et la transformation de la matière par la technologie du laser ultrarapide. Et pour cause. Dans les années 1990, il a prédit l’existence de l’attoseconde, qui représente un milliardième de milliardième de seconde. Ainsi, 150 attosecondes correspondent au temps de l’orbite de l’électron autour de l’atome d’hydrogène. Une décennie plus tard, la prédiction du professeur Bandrauk a pris forme, faisant de lui le père de la science attoseconde. Cette découverte lui a valu, en 2008, le prestigieux Prix John-C. Polanyi du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, un prix qu’il partage avec son collègue Paul Corkum, professeur à l’Université d’Ottawa.
Par l’application de cette nouvelle science, le professeur Bandrauk souhaite générer et utiliser de nouvelles impulsions attosecondes, ce qui permettrait d’imager et de contrôler le mouvement des électrons à l’intérieur des molécules. En soumettant la molécule à un temps d’exposition infiniment court et à une charge de lumière tout aussi intense, il serait possible de photographier les électrons. Nous pourrions ainsi connaître précisément leurs mouvements et leurs réactions au cours d’expérimentations. Le professeur Bandrauk rêve de pouvoir un jour saisir complètement les mouvements des électrons. De façon plus concrète, la science attoseconde pourrait servir à de nouvelles applications en technologie de l’information et en médecine, notamment dans le traitement du cancer de la peau. Elle pourrait aussi servir à l’accélération de la photosynthèse dans l’environnement, où le dioxyde de carbone pourrait y être transformé en sucre grâce au transfert d’électron à l’aide de la lumière.
Né à Berlin durant la deuxième guerre mondiale, André D. Bandrauk est sans contredit une sommité internationale dans son domaine. Après avoir vécu en France, il arrive au Québec en 1951. Depuis 1971, il est professeur titulaire au département de chimie de l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en chimie computationnelle et photonique moléculaire. Il est titulaire d’un baccalauréat en chimie de l’Université de Montréal, d’une maîtrise en chimie théorique du Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.) et d’un doctorat en chimie physique de l’Université McMaster en Ontario. Il a aussi reçu une bourse postdoctorale de l’OTAN à la prestigieuse Université d’Oxford.
Tout au long de sa carrière, le professeur Bandrauk a été reconnu pour l’originalité et la créativité de ses travaux, ainsi que pour sa capacité à revisiter continuellement des problématiques à l’aide de méthodes novatrices. Il a d’ailleurs été le premier scientifique de l’Université de Sherbrooke à utiliser les superordinateurs. Il a également été le premier directeur du Centre d’application de calcul parallèle, qui est maintenant un centre national de l’organisme Calcul Canada. Ses travaux sur le comportement des molécules en interaction avec les champs lasers ont eu un impact majeur sur les développements expérimentaux et théoriques en chimie et en physique, ici comme ailleurs. Ils lui ont également valu le prix Herzberg de la Société canadienne de spectroscopie en 1989.
Le professeur Bandrauk, dont la brillante carrière s’est déroulée au Canada, aux ÉtatsUnis, en Angleterre, en Allemagne et même au Japon, jouit d’une grande reconnaissance internationale. Il est l’auteur prolifique de 380 articles scientifiques, dont plusieurs ont été publiés dans des revues scientifiques de renom, telles les revues Physical Review Letters et Nature. De plus, il est régulièrement invité à présenter ses travaux de recherche, notamment dans des conférences internationales prestigieuses comme la conférence C.A. McDowell à l’Université de Colombie-Britannique.
Cette grande visibilité à l’étranger a été déterminante dans le maintien de la notoriété du Canada en tant que lieu privilégié dans le monde où mener des travaux de recherche dans le domaine du contrôle de la matière par utilisation du laser. Le professeur Bandrauk a aussi donné beaucoup de visibilité à l’Université de Sherbrooke, en organisant pas moins de dix-sept conférences de niveau international et en agissant à titre de leader au sein du groupe national d’excellence pour la dynamique moléculaire, de 1990 à 1994. Par ailleurs, il a généreusement contribué à la formation de jeunes chercheurs, en supervisant près de 90 jeunes scientifiques motivés et imaginatifs qui ont tous été inspirés par sa vision révolutionnaire de la science.
De l’avis de ses pairs, le professeur Bandrauk est un théoricien exceptionnel qui possède un flair unique pour cibler et résoudre les défis scientifiques qui se présentent à lui. La qualité et l’envergure de ses travaux de recherche ont été largement reconnues par la communauté scientifique. Outre les Prix John C. Polanyi et Herzberg, il a reçu le Prix John Polanyi de la Société canadienne de chimie en 2001 et le Prix Urgel-Archambeault de l’ACFAS en 2005. Il est membre titulaire de la Société royale du Canada depuis 1992 et en 2008, il a reçu un doctorat honoris causa de l’Université libre de Berlin. En 2007, il a été élu Fellow de l’American Association for Advancement of Science et il a été invité par l’Académie des Sciences de la Chine à organiser le premier atelier asiatique en science attoseconde à Beijing, en 2011. Dans l’univers de l’attoseconde, où l’infiniment petit côtoie l’infiniment rapide, le professeur Bandrauk est un grand scientifique. Sa vision et ses ambitions l’ont mené à articuler des théories uniques qui profiteront pour plusieurs décennies à venir à l’ensemble de la communauté scientifique de partout dans le monde.