Anne Bruneau, lauréate

Biographie

Il est rare d’avoir une plante nommée en son honneur, alors imaginez en avoir deux! C’est un fait dont pourrait se vanter Anne Bruneau. Le travail de la professeure titulaire au Département des sciences biologiques de l’Université de Montréal a inspiré deux de ses collègues à donner le nom d’Annea afzelii et d’Annea laxiflora à deux légumineuses arbustives.

Un hommage pleinement mérité lorsque l’on constate l’impressionnante contribution de la biologiste à son domaine de recherche. Première femme à occuper le poste de directrice de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV), elle est notamment reconnue pour avoir travaillé à une nouvelle classification des légumineuses. Animée par sa passion et sa soif de découverte, Anne Bruneau suit les traces du frère Marie-Victorin, qui a fondé l’Institut botanique, l’ancêtre de l’IRBV, et travaille à enrichir les connaissances sur la biodiversité.

Durant ses études doctorales, à l’Université Cornell dans l’État de New York, la chercheuse s’est intéressée à la systématique végétale. Alors fascinée par l’immense variété des légumineuses, elle s’est rendu compte que leur classification n’était pas exacte. En 1994, elle a entrepris de reconstituer leur évolution en faisant leur analyse phylogénétique : un défi de taille qu’elle a relevé avec rigueur et plaisir.

Plusieurs années plus tard, en 2015, elle a profité d’un congé sabbatique au jardin botanique d’Édimbourg en Écosse pour travailler à un reclassement des légumineuses. Elle souhaitait alors mettre en place une classification plus logique et plus facile à enseigner et à retenir.

En collaboration avec 97 collègues d’un peu partout sur la planète, elle a amassé les données de différents laboratoires pour proposer une nouvelle classification comportant six sous-familles, plutôt que trois. Elle a ainsi contribué à renouveler une classification vieille de 300 ans.

Cette façon de travailler en collégialité illustre bien la personnalité d’Anne Bruneau. En effet, malgré la persistance d’un esprit compétitif dans le domaine de la recherche universitaire, elle tente de pratiquer la collaboration depuis qu’elle est jeune étudiante. La scientifique prône le partage des connaissances. « C’est comme ça que la science peut et doit avancer, dit-elle. On peut progresser tellement plus vite ensemble. Les recherches sont plus riches en connaissances si l’on peut partager et croiser nos données. »

Ce souci de partage, Anne Bruneau le nourrit aussi avec le public. Dès le début de sa carrière, elle a rêvé d’un complexe ultramoderne qui serait érigé sur le site du jardin botanique de Montréal. Un lieu ouvert au public et consacré à la recherche sur la biodiversité, à la conservation des collections d’histoire naturelle et au partage de données.

Le Centre sur la biodiversité de l’Université de Montréal a été inauguré en mars 2011. Les efforts d’Anne Bruneau pour réaliser son rêve lui ont permis de décrocher un financement de près de 25 millions de dollars, notamment auprès de la Fondation canadienne pour l’innovation.

Le centre réunit d’importantes collections de plantes, d’insectes et de champignons, des laboratoires à la fine pointe de la technologie, un réseau informatique sur la biodiversité, des salles d’enseignement pour les étudiants et une salle d’exposition pour le grand public.

Sa créatrice en assume la direction scientifique, tout en dirigeant l’IRBV, qui regroupe aujourd’hui 21 chercheurs, soit le plus grand nombre de son histoire, et plus de 200 stagiaires, professionnels de recherche et étudiants aux cycles supérieurs.

Elle demeure elle-même très active en recherche, ayant publié plus de 80 articles dans des revues avec comité de lecture et donné 26 conférences à des congrès nationaux et internationaux. Cette pionnière a aussi mis sur pied le Consortium des universités canadiennes sur la biodiversité ainsi que le projet Canadensys. Ce réseau national de bases de données sur la biodiversité regroupe plus de 50 collections et inventaires et consigne près de 4,2 millions de spécimens de tous les continents.

Anne Bruneau entend continuer à se consacrer à ce projet au cours des prochaines années. « C’est important de mettre en valeur les collections et les spécimens pour les rendre utiles et disponibles », dit-elle.

Le travail de la chercheuse a été récompensé par différents prix au fil de sa carrière. En 2012, l’Association des biologistes du Québec lui a décerné le prix Pierre-Dansereau pour sa contribution exceptionnelle à une meilleure connaissance et à la conservation de la diversité biologique. En 2016, elle obtenait le prix Michel-Jurdant de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) pour ses travaux et ses actions dans le domaine des sciences de l’environnement.

En plus de contribuer activement à l’évolution de sa discipline, Anne Bruneau porte une attention particulière à la transmission des savoirs traditionnels. Elle se fait un devoir de renforcer cette base, essentielle à la compréhension de la biodiversité. « J’aimerais que la taxonomie soit maintenue et que les cours d’histoire naturelle demeurent importants à l’université », affirme la lauréate du prix Armand-Frappier.

Information complémentaire

Membres du jury :
Claire Poitras (présidente)
Jérôme Claverie
Nada Jabado
Maurice Levasseur
John D. Rioux

Crédit photo :
  • © Éric Labonté