Grâce à Bernard Coupal, des dizaines de jeunes chercheurs ont
pu mettre à profit leurs découvertes et créer leur entreprise
de haute technologie. Biosignal, SinalGene, Biomatrix, Neurochm, Nexia…
Parmi la centaine de firmes de biotechnologies que compte le Québec,
plus du tiers lui reconnaissent un droit de paternité. Soutenue par une
vision, une crédibilité et un leadership reconnus dans les milieux
d’affaires et scientifiques, la carrière de Bernard Coupal s’apparente
étroitement aux réalisations de Lionel Boulet, dont le prix du
même nom honore la mémoire.
Pourtant, c’est un homme effacé et peu bavard qui évoque son
cheminement professionnel avec une humilité surprenante : « J’ai
réussi grâce à ma formation d’ingénieur qui ouvre
à tout, à des concours de circonstances, à beaucoup de
chance et au soutien de mes proches. » Heureusement que Bernard Coupal
a tout de même l’art de provoquer! Bourreau de travail (il est à
pied d’œuvre dès six heures du matin), décideur hors pair,
ambitieux, celui qui se définit comme « une espèce de trait
d’union entre le monde de la finance et celui de la recherche » a toujours
su capter au vol les occasions favorables.
D’abord un professeur et un chercheur reconnu…
Bernard Coupal découvre les sciences et le génie grâce
à un professeur du Séminaire de Saint-Jean. À l’époque,
on choisit la médecine, le droit ou la prêtrise. Lui veut enseigner,
comme sa mère institutrice, et rêve d’une carrière de chercheur
universitaire. À son retour de l’Université de Floride, où
il obtient son doctorat en génie chimique en 1965, il fonde le Département
de génie chimique de l’Université de Sherbrooke où il mène
des recherches sur le contrôle industriel. Après sept ans, il profite
d’une année sabbatique pour exercer son métier d’ingénieur,
au sein de la firme Lavalin : « Je partais pour un an, mais j’ai tellement
aimé l’expérience que j’y suis resté douze ans. »
L’ingénieur n’abandonne pas pour autant son poste de professeur, ni ses
recherches et ses cours. Entre Sherbrooke et Montréal, il mène
une vie fort occupée : « J’avais le meilleur des deux mondes et
je voulais en profiter. » Inventif et soucieux de trouver des retombées
à ses recherches au Québec, il s’intéresse de près
à la tourbe, une ressource abondante mais sous-exploitée. Il fait
la preuve des vertus absorbantes de cette matière organique lors d’un
déversement pétrolier en Nouvelle-Écosse. En collaboration
avec un collègue, il invente une nouvelle génération d’absorbants
hygiéniques à base de tourbe, que la multinationale Johnson &
Johnson commercialise dans quatorze pays. Il dépose un autre brevet pour
récupérer et éliminer, avec de la tourbe, les métaux
lourds présents dans les eaux polluées.
… puis un homme d’affaires respecté
En 1986, le Conseil national de recherches du Canada lui offre la direction
générale du tout nouvel Institut de recherche en biotechnologie
de Montréal (IRB). Bernard Coupal hésite. L’idée de devenir
fonctionnaire ne lui plaît guère, mais les défis et les
moyens mis à sa disposition l’attirent. Il accepte donc et, en quatre
ans, il fait de l’IRB un centre d’excellence, orienté vers des applications
industrielles, où il encourage les jeunes chercheurs à fonder
leur propre entreprise. Allergique à toute forme de bureaucratie, il
se lance en 1990 dans une nouvelle aventure et fonde BioCapital, avec le financier
Normand Balthazard. C’est la première compagnie de capital de risque
québécoise spécialisée dans l’investissement technologique.
Après avoir touché au génie chimique, à la mécanique,
à l’environnement et aux biotechnologies, le voilà dans la finance
: « Normand a été mon maître pour les affaires. »
Ensemble, les deux hommes conçoivent une dizaine de nouvelles entreprises
en moins de deux ans. Un succès qui ne passe pas inaperçu et qui
vaut à Bernard Coupal le poste de premier président-directeur
général de la société Innovatech du Grand Montréal,
créée par le gouvernement du Québec pour aider des entrepreneurs
de haute technologie à se lancer en affaires. « Innovatech constitue
ma plus grande fierté » , précise l’ingénieur. En
cinq ans, il en fait une société crédible, synonyme d’investissements
technologiques et de rapidité de décision, à mille lieues
du type de lourde machine administrative qu’il abhorre. « Pas question
de s’embarrasser dans les détails! », de dire Bernard Coupal. Et
les résultats sont au rendez-vous : 60 entreprises créées
en cinq ans, 2 300 emplois et un taux de rendement annualisé de 19,6
p. 100 dans le cas des actions du portefeuille d’Innovatech.
De défis en défis
En 1997, le goût du changement le pousse à accepter la proposition
de Sofinov, une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec,
ainsi que de la Banque de développement du Canada, qui l’invitent toutes
deux à démarrer une société d’investissements technologiques
en amont du capital de risque. C’est T2C2, dotée d’un capital initial
de 62,5 millions de dollars. La compagnie a pour mission de repérer,
parmi les scientifiques, ceux dont l’ambition, la qualité des travaux
et la compétence pourraient conduire à la mise en marché
de produits et de les aider à se lancer en affaires. L’ingénieur
qui conjugue l’expérience d’un ancien chercheur avec celle d’un gestionnaire
aguerri inspire confiance, convainc et réussit. Avec une douzaine de
personnes, accompagné de ses plus fidèles collaborateurs, il a
déjà concrétisé une trentaine de projets en trois
ans, dont la majorité proviennent d’universités québécoises.
Le plus gratifiant? « Donner aux jeunes la chance de se lancer en affaires.
»
À 67 ans, l’ingénieur annonce, à la fin du mois de mars
2001, la création d’un second fonds d’investissement appelé T2C2/Bio
2000 s.e.c., totalisant 94 millions de dollars. Cette société
en commandite financera le démarrage d’entreprises dans le domaine des
sciences de la vie, issues des universités et des centres de recherche
et de l’industrie au Québec. Sa femme Pierrette, à la retraite
depuis peu, aimerait peut-être profiter un peu plus de la présence
de son fonceur de mari. Seulement voilà, Bernard Coupal adore travailler.
S’arrêter? Pour quoi faire?