Céline Bellot est professeure titulaire à l’École de travail social de l’Université de Montréal. Désireuse de mettre en lumière les pratiques discriminatoires et les inégalités qui touchent les personnes vulnérables, elle a choisi la recherche et l’enseignement dans le domaine du travail social pour y arriver. Son engagement pour la justice sociale se reflète dans ses travaux, qui s’articulent autour de deux axes principaux : la recension et l’analyse des pratiques contribuant à la judiciarisation et au profilage des populations marginalisées, autochtones et racisées de même que les trajectoires de vie des personnes vivant dans des situations d’exclusion sociale ou de discrimination.
La portée et les retombées de ses travaux dépassent le champ social et interpellent des acteurs de toutes les sphères de la société. Ils ont ainsi contribué à ce que soient nommées et quantifiées les pratiques discriminatoires en créant des effets concrets.
Pour Céline Bellot, recevoir le prix Marie-Andrée-Bertrand est synonyme de fierté, mais aussi de gratitude et d’humilité. « […] le travail de recherche implique un travail collectif qu’il faut reconnaître en associant à ce prix mes collègues, mes partenaires, mes étudiants ainsi que les personnes concernées, comme les personnes usagères de drogues ou les femmes en situation d’itinérance qui ont intégré nos démarches les plus participatives et qui sont entrées dans ma vie pour y rester. Auprès d’elles, j’ai découvert des injustices encore plus grandes que celles que j’imaginais, mais j’ai aussi apprécié nos valeurs communes et j’ai pu bâtir des liens indéfectibles de respect et de solidarité. »
Chercheuse engagée et accomplie, Céline Bellot possède une formation en droit, en criminologie et en sociologie. Ses activités portent sur les droits et la dignité des personnes en situation d’itinérance ainsi que sur la lutte contre les discriminations systémiques. Son parcours montre une carrière engagée dans la recherche, l’enseignement, la transmission de connaissances et la mobilisation sociale.
Sa carrière universitaire débute à l’École de travail social de l’Université de Montréal, où elle devient professeure en 2003. Elle en assume ensuite la direction de 2017 à 2021. Dès les premières années, elle s’engage dans des travaux de grande envergure, notamment en dirigeant la première étude au Canada sur la judiciarisation et la criminalisation de l’itinérance à Montréal, publiée en 2005. Cette étude a permis de mettre en lumière les défis auxquels font face les personnes en situation d’itinérance.
S’intéressant à chaque aspect de ce sujet, elle porte ensuite ses efforts sur l’invisibilité de l’itinérance au féminin. Dans une démarche participative, elle mène une étude impliquant des femmes ayant vécu ou vivant dans la rue et qui mènera à la mise en place de mesures spécifiques pour répondre aux besoins des femmes itinérantes dans différentes régions du Québec. Ses travaux ont également influencé les enquêtes de Statistique Canada et de l’Institut de la statistique du Québec sur cette problématique.
Sous l’égide de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, en collaboration avec Marie-Eve Sylvestre de l’Université d’Ottawa, elle a réalisé la première étude québécoise sur la judiciarisation des Premières Nations. Leur recherche sur la judiciarisation de l’itinérance autochtone à Val-d’Or a contribué à la mise sur pied de la commission Viens (Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics : écoute, réconciliation et progrès), comme en témoigne le décret de création de cette commission. Lors de celle-ci, elles ont agi comme expertes pour le secteur de la police et de la justice. Leurs travaux ont mené à des recommandations importantes visant à lutter contre les discriminations systémiques que vivent les personnes et les communautés autochtones.
En plus de sa tâche de chercheuse, Céline Bellot comprend l’importance de la transmission de connaissances. Elle prend part activement à des initiatives permettant le partage du savoir autant sur les bancs d’école qu’auprès d’experts, de professionnels ou du grand public. En plus d’avoir formé de nombreux étudiants, dont plusieurs sont devenus des professeurs d’université, elle a collaboré à la création de cours innovants axés sur l’itinérance et les enjeux en matière de discrimination. Son rôle de formatrice s’étend au-delà des murs universitaires. Par sa participation à des comités, à des conférences et à des interventions dans les médias, elle sensibilise la population à l’importance de l’engagement social.
Ce dont Mme Bellot est le plus fière, c’est « la manière d’avoir fait ces recherches, ces mobilisations de connaissances, ces engagements dans les comités en cherchant toujours à le faire en partenariat avec les acteurs communautaires et le plus souvent avec la participation des personnes concernées, en utilisant [son] rôle de chercheuse comme levier d’opportunité pour faire entendre des voix exclues, rendre visibles des situations d’injustice qu’on refuse de voir, donc d’avoir travaillé toujours de manière collective en alliant ressources communautaires, personnes en situation de vulnérabilité, collègues et étudiants ».
Cette chercheuse a joué un rôle vital dans l’établissement de réseaux solidaires pour s’opposer aux pratiques de profilage et aux discriminations systémiques. Son influence sur les politiques publiques est manifeste, notamment par sa contribution à l’adoption du projet de loi 32, qui vise à mettre un terme à l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes et, notamment par la mise en place de programmes sociaux dans les tribunaux, à renforcer leur adaptabilité aux situations des personnes vulnérables. De plus, elle a laissé sa marque en publiant le tout premier ouvrage en français traitant des enjeux juridiques liés au travail social et aux droits fondamentaux. Enfin, elle a agi et continue d’intervenir comme experte devant les tribunaux au regard des enjeux liés au profilage.
« L’obtention de la subvention de partenariat du Conseil de recherches en sciences humaines pour créer l’Observatoire des profilages a été un long parcours et je suis heureuse d’y être arrivée avec mes collègues, des partenaires ainsi que des étudiants, car il a permis d’amplifier les voix, les forces et les ressources pour lutter contre les profilages. Le reste du chemin à parcourir pour une société sans profilage et pour une égalité de traitement par nos institutions est encore long, mais il faut célébrer les progrès tout en poursuivant le travail pour une société plus juste et égalitaire. »