Peintre et photographe, Charles Gagnon aborde ces deux médiums de façon
très différente et ce n’est que depuis peu qu’il les lie dans
ses créations. Si la photographie répond à son besoin de
comprendre le monde, la peinture lui permet de s’exprimer. « Photographier,
pour moi, c’est percevoir ; peindre, c’est concevoir. » Essentiellement
guidée par une réflexion sur la manière dont nous appréhendons
le monde, sa quête artistique nous a donné une œuvre forte,
d’une vigueur constante, qui comprend un imposant corpus de tableaux et de photographies,
des travaux cinématographiques et des créations sonores.
À 21 ans, Charles Gagnon quitte son emploi pour s’installer à
New York où il séjournera de 1955 à 1960. Pendant ces cinq
ans, il étudie à Parsons, à la New York School of Design,
à la New York University et à la Art Students League. Ce séjour
lui permet de côtoyer l’art des expressionnistes abstraits alors à
son apogée. C’est à ce moment également que lui est révélée
la richesse de l’art égyptien et mésopotamien. Il se découvre
de grandes affinités avec les mystères, les signes et les hiéroglyphes
qui caractérisent les deux cultures. Ces langages codés auront
d’ailleurs une forte incidence sur toute son œuvre picturale, tout comme
la redécouverte de la nature, à la faveur de son retour au pays,
provoque une densification de son vocabulaire pictural. Ses compositions se
dépouillent et les champs de couleurs y prennent plus d’importance.
Les tableaux réalisés à partir de la seconde moitié
des années soixante, notamment des séries intitulées Espace
Écran, Cassation, jusqu’à États et Conditions
(1990-1992), donnent la mesure véritable du talent et de la virtuosité
de l’artiste. Ses compositions s’articulent dès lors selon des axes autour
desquels gravitent des champs de couleurs formés par la juxtaposition
serrée de riches et larges coups de pinceaux, ponctués d’éclaboussures
et de dégouttements distribués sur la surface entière comme
au hasard. Elles tiennent toutefois, même dans ses monochromes, d’une
minutieuse architecture. Les chiffres, les lettres et les mots qui flottent
sur les champs colorés témoignent eux aussi d’une mise en œuvre
extrêmement orchestrée et tout à fait délibérée.
Deux importantes rétrospectives ont été consacrées
à son œuvre : l’une, intitulée Charles Gagnon, œuvres/works
1956-1978, présentée à Montréal, Ottawa, Vancouver,
Toronto et Winnipeg par le Musée des beaux-arts de Montréal en
1978-1979 ; l’autre, il y a quelques mois, réalisée par le Musée
d’art contemporain. Ses photographies ont aussi fait l’objet d’une exposition,
Observations, au Musée du Québec en 1998.