La carrière de Charles Philippe Leblond n’est pas seulement remarquable,
elle est extraordinaire!
Yves Clermont et Normand Nadler, professeurs, Université McGill.
« En tant que pionnier de la biologie cellulaire, Charles Philippe Leblond
a fait des découvertes qui s’inscrivent dans les connaissances de base
en matière de biologie, dans ce savoir que l’on enseigne dans les écoles
et les collèges partout dans le monde. »
Georges Palade, médecin, prix Nobel de médecine, 1974.
« Mon métier, c’est l’histologie, l’étude au microscope
des cellules, des organes et des tissus », résume simplement Charles
Philippe Leblond. Par ses recherches, cet artisan d’une « révolution
scientifique » arrive à démontrer que certaines cellules
et les composants de toutes cellules, loin d’être stables durant toute
leur vie, comme on l’a longtemps cru, se renouvellent constamment et rapidement.
Des découvertes révolutionnaires
On doit au docteur Leblond la mise au point de techniques, au cours des 50
dernières années, qui seront déterminantes pour l’évolution
des sciences anatomiques. Sa contribution la plus remarquable à la science
est sans doute la radioautographie (aussi nommée autoradiographie), une
technique combinant la photographie, la microscopie et le mariage des tissus
et des cellules par des éléments radioactifs. Instrument d’innombrables
découvertes, la radioautographie révolutionne la biologie cellulaire
en permettant aux chercheurs du monde entier de visualiser et de mesurer rigoureusement
cette dynamique cellulaire que l’histologie traditionnelle n’avait pas soupçonnée.
Partout dans le monde, les pairs du docteur Leblond lui sont reconnaissants
d’ouvrir des horizons imprévus et de susciter un intérêt
renouvelé pour l’anatomie microscopique ainsi que pour l’étude
de la biologie. Ses propres recherches, trop nombreuses pour les citer toutes,
permettent notamment d’élucider comment la glande thyroïde utilise
l’iode pour élaborer son hormone, ou encore comment s’accroissent les
os longs et se forment les dents. D’autres travaux incluent la démonstration
du mouvement des protéines à l’intérieur des nerfs, la
formation des acides nucléiques au cœur de la cellule et le renouvellement
des cellules des parois de l’estomac et de l’intestin. Autant de recherches,
autant de connaissances neuves, autant de premières scientifiques.
Titulaire d’un diplôme en médecine de l’Université de Paris
en 1934, Charles Philippe Leblond signe déjà ses premières
publications sur le rôle et la localisation de la vitamine C. En 1935,
il reçoit une bourse Rockefeller et séjourne deux ans aux États-Unis.
Il rentre ensuite en France où il s’initie aux isotopes radioactifs.
Il les utilise pour démontrer que l’iode est capté par la glande
thyroïde et que l’on peu détruire la glande à l’aide de fortes
doses d’iode radioactif. Le scientifique s’intéresse aussi au marquage
des cellules avec des isotopes radioactifs. Placés en contact avec une
plaque photographique qui réagit à leur action, les traceurs radioactifs
apparaissent sur la photographie comme des granules d’argent noirs. On peut
donc repérer au microscope ces « espions » après leur
pénétration dans certaines cellules. La technique est prometteuse
mais grossière et peu satisfaisante.
La radioautographie
Invité à l’Université McGill en 1941, Charles Philippe
Leblond se joint aux forces françaises libres au début de 1942.
Il est envoyé d’abord au Brésil, puis deux ans plus tard à
Londres, où on l’assigne à la sélection des officiers.
C’est à son retour à l’Université McGill en 1946 qu’il
met au point, avec son collègue Leonard Bélanger, la radioautographie,
une méthode permettant la localisation des radioéléments
au microscope. En appliquant l’émulsion photographique directement sur
une coupe d’organes, les chercheurs obtiennent enfin l’image précise
qui permet de suivre à la trace les cellules marquées radioactivement,
de visualiser les étapes de leur transformation avec le temps et d’en
mesurer la vitesse et la durée. La radioautographie sera bientôt
reconnue comme une technique très prometteuse, et l’on vient de partout
pour s’y initier avec le docteur Leblond. « Mon laboratoire ressemblait
à une ruche. Nous n’avions même pas le temps de publier tous nos
résultats de recherche », dit-il, évoquant les années
50 et 60. Cette période excitante modifiera radicalement les idées
reçues : « Quand j’ai démontré que toutes les cellules
synthétisent des protéines continuellement, le public scientifique
n’y a pas cru. Pourtant, trois ans plus tard, cette dynamique de l’activité
cellulaire était devenue évidente pour tout le monde. »
À 91 ans, le docteur Leblond se passionne toujours pour la biologie
et son influence reste aussi marquante. Depuis son laboratoire de l’Université
McGill et en collaboration avec des chercheurs de l’Hôpital Schriners,
il poursuit ses travaux et continue de publier des résultats. Communicateur
dynamique et passionné, Charles Philippe Leblond signe au fil de sa carrière
430 articles dans les revues internationales les plus prestigieuses. Plusieurs
organismes l’honoreront : membre émérite et lauréat de
la médaille Leo-Pariseau de l’Association canadienne-française
pour l’avancement des sciences (ACFAS), ainsi que de la médaille McLaughlin
de la Société royale du Canada, officier de l’Ordre du Canada
et lauréat du prix de la Fondation Gairdner… Mentionnons aussi ses
quatre doctorats honoris causa octroyés par l’Acadia University en Nouvelle-Écosse
(1972) et les universités McGill (1982), de Montréal (1985) et
de Sherbrooke (1988). Promoteur de l’élaboration d’une politique scientifique
au Québec et au Canada, Charles Philippe Leblond sera pendant plus de
40 ans un enseignant exceptionnel. Ce « maître » attire au
Québec des étudiants de partout au monde, dont plusieurs deviendront
à leur tour des chefs de file dans leur domaine et leur pays respectifs.