Tout en vouant sa carrière au passé, Christina Cameron garde les pieds bien ancrés dans le présent et la tête tournée vers l’avenir. Comme le dit l’adage amérindien qu’elle affectionne particulièrement : « On ne reçoit pas le monde en héritage de nos parents. On l’emprunte aux générations futures. »
Aujourd’hui, le Québec, le Canada et bien d’autres nations considèrent Christina Cameron comme une grande défricheuse dans l’histoire de la conservation du patrimoine culturel. Pour elle, le patrimoine n’est pas un concept figé dans le temps et il faut aborder sa conservation, sa mise en valeur, son appropriation et sa gestion dans un esprit d’ouverture.
« À la Chaire de recherche du Canada en patrimoine bâti, nous ne sommes pas simplement des chercheurs en vase clos. Nous participons à plusieurs projets de société. » Ainsi, l’analyse fine de l’experte et son approche du caractère évolutif de la valeur universelle du patrimoine aiguillent les professionnels du monde entier.
C’est durant les premières années de sa carrière à Québec, pour Parcs Canada, que l’intérêt de Christina Cameron pour le patrimoine se cristallise. Elle œuvre à titre de chercheure et de directrice générale des « Lieux historiques nationaux » de 1970 à 2005. « Mon passage à Québec a beaucoup influencé le reste de ma carrière. J’y ai dirigé des recherches sur le patrimoine bâti de la capitale. Le Vieux-Québec a été une révélation et une grande source d’inspiration. »
Au fil du temps, ses minutieux travaux de recherche sur le patrimoine paysager et la conservation du patrimoine culturel matériel et immatériel attirent l’attention. Puis, son tempérament de précurseure et ses réalisations la propulsent vers l’international alors qu’elle prend la direction de la délégation canadienne au Comité du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), de 1990 à 2008. Une tâche qui demande jugement et discernement au moment d’inscrire une ville dans le club sélect des sites à valeur universelle, de protéger une espèce animale menacée d’extinction ou encore de préserver un écosystème fragilisé par la pression touristique.
« Le comité ne souhaite pas mettre les villes sous cloche ni en faire des musées à ciel ouvert. Le patrimoine ne doit pas prendre tout l’espace, il doit laisser la place au bien-être des populations. […] Le comité prend des décisions pour assurer la pérennité des biens et des lieux et, parfois, cela implique des changements pour les rendre utiles. C’est là où la conservation rejoint le développement durable. »
Toujours pour l’UNESCO, Christina Cameron a présidé le comité d’experts responsable de la création de la stratégie globale pour une liste plus représentative du patrimoine mondial. « Nous avons ouvert la Convention du patrimoine mondial et élargi sa mise en œuvre pour considérer l’Afrique et certaines parties de l’Asie absentes de la liste. On ne voyait pas leur place dans un système qui semblait surtout valoriser le patrimoine bâti : châteaux, monastères, etc. »
Ainsi, l’apport intellectuel et la collaboration de Christina Cameron à divers groupes internationaux accélèrent l’avancement des connaissances sur les enjeux du patrimoine mondial.
Théoricienne convaincante, source fiable pour les médias nationaux et étrangers, référence pour le remaniement de lois et de politiques, la spécialiste a vu son rayon d’action s’étendre sans cesse. Concrètement, elle a été nommée membre de comités scientifiques pour la révision de la Loi sur les biens culturels (2007) et de politiques du patrimoine culturel québécois (2016-2017 et 2007).
Mais c’est dans son rôle de professeure à l’École d’architecture de l’Université de Montréal et à la direction de la Chaire de recherche que l’approche de Christina Cameron se concrétise le mieux depuis 2005. « C’est en formant la jeunesse qu’on arrive à changer les choses. »
Ainsi, elle sollicite son vaste réseau pour favoriser le partage d’idées et le débat constructif. Attachée à la formation d’une relève compétente et engagée, Christina Cameron organise les Tables rondes de Montréal et y invite des experts internationaux et nationaux. Ce réseautage – entre ses collègues du Québec, ses étudiants et les spécialistes – concourt à élever la pensée et à alimenter les discussions sur des enjeux aussi pertinents que la valeur culturelle de la nature, les effets du tourisme de masse ou encore la perception des lieux de mémoire.
« Il ne faut pas oublier que l’on construit le patrimoine de demain. Le défi est donc d’ajouter des “couches de valeur” pour préserver les éléments du passé sans refréner l’avenir. » Voilà un propos illustrant bien que Christina Cameron ne déroge jamais de sa ligne de pensée.