Le réalisateur Denis Côté possède dans le regard l’étincelle de celles et ceux qui savent avoir eu de la chance et dans son talent, une source précieuse de richesse créatrice. En moins de 20 ans de carrière, il compte déjà à son actif une quinzaine de courts métrages, autant de longs métrages, 1 moyen métrage et la captation d’un concert.
« Avoir fait autant de films en si peu de temps, je ne me l’explique pas, d’autant plus que j’étais en insuffisance rénale sur pratiquement 17 ans. Quand je repense au peu d’énergie que j’avais à l’époque, le caractère prolifique de ma carrière malgré la maladie me surprend moi-même ! », confie celui qui a recouvré la santé grâce à Olivier Bilodeau, ancien directeur de programmation du Festival de cinéma de la ville de Québec, qui lui a généreusement offert l’un de ses reins.
Après des études en cinéma au collège Ahuntsic de Montréal, Denis Côté se lance dans les courts métrages entre 1994 et 2005, avant d’opérer une transition vers les longs métrages. Parallèlement à ses activités de cinéaste, il se démarque par une plume incisive, engagée et analytique en tant que critique cinéma et met à profit sa compréhension des aspects techniques et artistiques pour explorer les implications plus larges des œuvres filmiques.
Son premier long métrage, Les États nordiques (2005), est remarqué aussi bien au Québec qu’à l’international. Que ce soit dans sa volonté d’embrasser le progrès (par exemple avec l’emploi de petites caméras numériques encore rares à cette période) ou de miser sur une approche documentaire, il tend à établir de nouveaux standards. Il prône une économie de moyens qu’il met au service d’une production de films plus importante et d’une exploration constante des limites du langage cinématographique.
En 2009, Carcasses lui ouvre les portes de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes et confirme sa place parmi les cinéastes les plus prometteurs de sa génération.
Très actif, il tourne 6 films en 7 ans, chacun lui permettant de s’interroger sur l’apport de la mise en scène dans les plans, le style visuel et la construction narrative. Curling (2010) s’inscrit ainsi dans une inspiration fantastique et Bestiaire (2012) dans une démarche plus expérimentale. Tout en restant fidèle à ses principes de langages cinématographiques, il passe des sélections parallèles des grands festivals aux sélections officielles. Et c’est avec Vic et Flo ont vu un ours (2013) qu’il remporte l’Ours d’argent à Berlin. Son parcours à la fois éclectique et cohérent continue de le distinguer, comme le démontrent les films Boris sans Béatrice (2016), Hygiène sociale (2021) ou encore, Un Été comme ça (2022). Sa plus récente production, Mademoiselle Kenopsia (2023), qui s’intéresse à la redéfinition des espaces dans un contexte postpandémique, est présentée, entre autres, en première nord-américaine au Festival international du film de Toronto et en première québécoise aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal.
Loin de vouloir s’installer dans un confort créatif, Denis Côté cherche en permanence à déjouer les attentes et à s’écarter des conventions généralement établies. « Je pratique le cinéma un peu comme un peintre va peindre, c’est-à-dire que le geste est plus important que l’œuvre finale ou son rayonnement. Je n’ai pas besoin de cette ambition-là de chef-d’œuvre ultime », exprime-t-il.
Tantôt original, tantôt radical et toujours exigeant, il amène le public à stimuler son intellect, plutôt qu’à se concentrer sur des récits narratifs directs ou des personnages emblématiques. Et cette réflexion profonde se fait souvent par le prisme de la solitude, des peurs intimes et de l’aliénation, thèmes chers au cinéaste.
Son cinéma exempt de compromis, qui explore des questions universelles avec une image numérique inédite et une mise en scène singulière, démocratise le cinéma d’auteur indépendant et contribue à élargir son audience. Et bien que Denis Côté se garde de se considérer comme un chef de file du Renouveau du cinéma québécois, mouvement amorcé entre les années 2004-2005, son influence est indéniable.
Même si son cheminement respecte des balises immuables, il est néanmoins teinté de la collaboration des actrices et acteurs qui le parsèment et qui lui ouvrent des perspectives inattendues sur son propre travail. Une collaboration enrichissante et réciproque, puisque le cinéaste encourage les interprètes à sortir du jeu académique pour offrir une prestation plus authentique et, bien sûr, hors du commun.
Par la langue, les problématiques qu’il aborde et les paysages régionaux qu’il met de l’avant, Denis Côté est un observateur passionné du Québec qui a su s’inscrire comme une personnalité incontournable de sa culture cinématographique… et comme une inspiration pour contribuer à élever le cinéma d’auteur indépendant sur la scène internationale, lui dont chacun des longs métrages a été présenté en première mondiale dans 5 des plus prestigieux festivals du monde.
« Ce prix, ça n’a rien à voir avec les festivals, c’est comme l’impression d’être arrivé chez moi. L’État québécois qui salue mon travail, il y a quand même une très grande fierté. C’est juste assez étrange parce que je suis encore jeune! » nuance-t-il, le sourire dans la voix.