Élise Turcotte, lauréate

Biographie

Poète, romancière, essayiste : la diversité de plumes d’Élise Turcotte n’a d’égale que la richesse des thèmes qu’elle aborde dans ses œuvres depuis ses débuts.

Avant d’obtenir une maîtrise en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal et un doctorat à l’Université de Sherbrooke, elle publie, à l’âge de 21 ans, ses premiers poèmes dans la revue La Nouvelle Barre du jour. En 1982, son premier recueil de poésie, Dans le delta de la nuit, est publié et, déjà, son style s’affirme à travers une langue inventive, à la fois dense et vibrante, qui vise à « déchirer le réel ». On y décèle une détermination à explorer, avec une lucidité étonnante, le chaos et l’incertitude de l’existence. Cette écoute inquiète du monde s’affirmera de plus en plus au cours des années.

« J’ai une tête chercheuse et je me suis beaucoup fiée à ma curiosité pour expérimenter et mêler les formes. J’ai aussi la volonté de faire se côtoyer le poétique et le politique. »

Elle se démarque rapidement par sa capacité à créer dans divers genres littéraires, pour un public varié, adulte comme jeune, et sa facilité à passer de la nouvelle au roman ou de l’essai au recueil. Ses ouvrages, riches en couches de signification, restent ancrés dans des expériences humaines universelles, d’où leur accessibilité à un large lectorat, malgré des formes hybrides et peu conventionnelles.

La reconnaissance arrive avec La Voix de Carla (1987) et La Terre est ici (1989), 2 recueils de poésie. Parallèlement, elle continue d’explorer son propre rapport à la création avec Le Bruit des choses vivantes (1991), son premier roman qui met en exergue une réflexion sur le temps qui passe, le corps et la mort, d’autres thématiques régulièrement disséminées dans son œuvre.

Peu importe le support de son écriture, la critique lui fait une place de choix dans le répertoire littéraire du Québec. À titre d’exemples, ses romans Guyana, La Maison étrangère, L’apparition du chevreuil et Rose derrière le rideau de la folie, livre jeunesse publié en 2010, ont tous été salués et récompensés par des prix. Sans compter les traductions, grâce auxquelles on constate que l’envergure de ses réalisations s’exporte bien au-delà de nos frontières.

Dans son impressionnante bibliographie, ses personnages sont surtout des femmes. Selon Jacinthe Gillet-Gelly, experte en histoire de l’écriture des Québécoises, par sa faculté à « exprimer un changement de position idéologique et un renouvellement des procédés d’écriture par rapport aux auteures typiques de la postmodernité », elle apparaît, dès la publication de son premier roman, comme une figure clé dans la naissance d’un nouveau féminisme.

À ce sujet, l’essai Autobiographie de l’esprit (2013) et le livre Autoportrait d’une autre (2023) sont décrits comme étant intrinsèquement liés, que ce soit par le regard sur une époque ou la nécessité d’écrire contre les oublis dans l’Histoire, en particulier en ce qui a trait à la parole des femmes. Ce dernier ouvrage, qui s’intéresse à la vie de sa tante, Denise Brosseau, est d’ailleurs né d’une volonté de raconter une existence étonnante, qui méritait d’être exposée au grand jour.

Considéré par ses pairs comme son texte le plus achevé jusqu’ici, Autoportrait d’une autre fait intervenir plusieurs voix féminines et reflète définitivement sa vision de la littérature en tant qu’espace de dialogue et de sororité.

« Je n’ai pas l’habitude d’être fière de moi! Mais, je dirais que je suis contente d’être restée auprès de mon cœur sauvage, d’avoir toujours été dans un état de résistance, de délinquance dans mon écriture, de n’avoir jamais fait de concessions. »

Dans cette vie consacrée à l’écriture, l’enseignement et le partage cohabitent en harmonie avec la création. Professeure de littérature et de création pendant de longues années, elle collabore régulièrement à différentes revues et offre des classes de maître, des conférences, des ateliers ainsi que du mentorat. Sa ferveur et son engagement en font l’une des influences les plus marquées dans le travail d’autres autrices et auteurs du Québec et l’une des plus étudiées par les universitaires.

Parce qu’Élise Turcotte a toujours su se renouveler sans jamais déroger de sa cohésion thématique, parce qu’elle est capable de nous mettre en présence d’émotions profondes, parce qu’elle s’attelle à redonner une juste place aux récits souvent négligés des femmes, chacun de ses livres est attendu et espéré, et ce, depuis plus de 40 ans.

« Ce prix, étrangement, me libère de quelque chose. Pas du doute, car le doute a toujours fait partie de ma manière de créer, mais m’offre une sorte de réconfort et une porte ouverte vers l’avenir », exprime-t-elle.

Information complémentaire

Membres du jury :

  • Claudia Larochelle, présidente
  • Samuel Champagne
  • Stéphane Larue
  • Perrine Leblanc
  • Martin Michaud
Crédit photo :
  • Joanie Fortin