Curieusement, l’aîné des amis de Borduas ne sera que le quatrième
signataire du Refus global à recevoir le prix, après les
« jeunes »Jean-Paul Riopelle, Marcelle Ferron et Françoise
Sullivan. À l’époque, Fernand Leduc était un des « haut
parleurs » du groupe, avec Claude Gauvreau, et ses écrits,
de même que sa correspondance, demeurent des documents essentiels pour
comprendre le climat culturel du Québec, au cours des années quarante
et cinquante. Plus expérimenté et plus informé que les
autres disciples, il sera une sorte de théoricien doublé d’un
propagandiste du groupe : « L’artiste, un être anormal
? écrivait-il dans le Quartier Latin dès 1944. Mais l’état
normal de l’homme est l’état de vie. L’artiste n’est en marge de la société
que lorsque celle-ci est en marge de la vie. »
Leduc, séduit par l’exposition de Pellan en 1940, puis fortement impressionné
par l’exposition des gouaches de Borduas en 1942, sera de toutes les manifestations
du groupe des automatistes jusqu’à l’événement Espace
55, au Musée des beaux-arts de Montréal, qui consacre une
peinture non figurative plus dépouillée, plus ordonnée,
souvent en rupture avec l’automatisme. Mais c’est un lent parcours, avec toute
une quête d’équilibre et de rigueur, qui mènera le peintre
des automatistes aux plasticiens : « Seuls sont peintres, écrivait-il
dès 1944, ceux qui construisent, qui ordonnent par le dedans,
dans le sens de la vie. » En 1956, c’est lui qui fonde l’Association
des artistes non figuratifs de Montréal, dont il devient le président.
Leduc sera de plus en plus le peintre de la seule lumière et ne cessera
de redire son admiration pour Rothko et Albers qu’il considère comme
les pères de ce type de recherche picturale. En 1980, soit dix ans après
une première rétrospective de l’ensemble du travail de Leduc,
le Musée d’art contemporain de Montréal présente une exposition
consacrée à sa seule production des années soixante-dix,
les fameuses Microchromies, si radicales qu’elles semblent défier
les lois minimales de la communication. Elles manifestent la quête de
plus en plus ascétique du peintre de la « sérénité
de la contemplation lumineuse ». Vingt ans plus tard, Leduc poursuit
cette quête luministe avec la même passion, ne cessant de pacifier
et de dédramatiser les éléments du tableau.
Entre-temps, le Musée des beaux-arts de Chartres et le Musée
du Nouveau Monde de La Rochelle auront consacré une rétrospective
exhaustive à la production de Fernand Leduc de 1943 à 1985.