Francine Saillant, lauréate

Entrevue

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Biographie

Les travaux de Francine Saillant, professeure émérite au Département danthropologie de lUniversité Laval, ont joué un rôle majeur dans la mise en œuvre dinnovations sociales dans différentes branches de lanthropologie. La professeure explique son intérêt pour lanthropologie par son immense curiosité : « Je possède ce désir de comprendre, de connaître et de transmettre des connaissances relatives aux expériences humaines. » Sa formation dinfirmière et sa connaissance du milieu de la santé ont pavé la voie à l’un de ses domaines de prédilection, lanthropologie médicale.

Les contributions de la professeure Saillant sont remarquables sur plusieurs plans. Dabord, sa thèse doctorale, réalisée en 1988, a entre autres contribué à transformer les représentations du cancer et des soins à prodiguer aux patients en plaçant la parole des malades au cœur des approches préconisées. « Par cette thèse, je voulais démystifier lexpérience humaine de la maladie, saisir lexpérience humaine du malade au-delà des images de mort qu’on lui accolait », souligne-t-elle. Le livre tiré de sa thèse doctorale, Cancer et culture, est un ouvrage de référence clé dans le domaine des soins palliatifs et des soins oncologiques.

Ses nombreuses recherches sur la santé ont conduit à plusieurs résultats concrets, notamment la création dune base de données unique au Canada sur les médecines populaires utilisées par les femmes et les familles ainsi que la reconnaissance de certaines thérapies non conventionnelles. « Cette base de données, toujours active de nos jours, sert darchives pour les futurs chercheurs. Ils pourront se baser sur ces données afin de poursuivre des recherches, en particulier sur la phytothérapie et des plantes utiles et connues localement depuis longtemps », explique celle qui, en sus de cette contribution, a su mettre en évidence la large contribution des femmes aux soins de santé, hier comme aujourd’hui.

Francine Saillant se démarque également par lutilisation de toutes sortes de méthodes de diffusion des résultats. À cet égard, elle favorise, lorsque possible, lart pour soutenir ses travaux de recherche, notamment la production de films et documentaires : « Les méthodes de diffusion artistiques sont une manière de travailler la partie sensible des contenus des recherches. Ce type de diffusion permet que les humains soient placés au premier plan des recherches, qu’ils se reconnaissent. » À cela s’ajoute le recours aux formats muséologiques et d’expositions.

Plusieurs témoignages de chercheurs et chercheuses notent limportance que la professeure émérite accorde à lengagement social. « Cest faire de la science avec une conscience sociale. Les recherches que jai menées accompagnent ma contribution sociale et mon désir de changement dans nos sociétés », affirme-t-elle. Tout au long de sa carrière, Francine Saillant sest intéressée à la promotion des droits des personnes marginalisées, et à la justice sociale, notamment.

Deux études expriment ce souci dengagement social. Dabord, dans sa recherche ethnologique Le mouvement noir au Brésil, lanthropologue a tenté de comprendre la notion de réparation du point de vue dacteurs agissant pour lamélioration du sort réservé aux populations afro-brésiliennes. « Pendant six ou sept ans, jai suivi le mouvement noir au Brésil dans ses actions politiques, juridiques, symboliques et spirituelles. Je voulais comprendre la vision de ce mouvement dans leurs enjeux de reconnaissance et surtout les différentes conceptions et approches des réparations. » Ces travaux mèneront à la publication de plusieurs ouvrages, dont Le mouvement noir au Brésil, qui lui vaudra, en 2016, le prix Luc-Lacourcière, remis au meilleur ouvrage scientifique en ethnologie-anthropologie, ainsi qu’à la réalisation dun coffret de quatre vidéos, Resistência, relayé sur trois continents par lUNESCO.

La seconde étude, InterReconnaissance, visait à raconter les changements en matière de droits des personnes marginalisées au Québec, du point de vue de lanthropologie des droits de la personne. « En se basant sur les récits des leaders des groupes communautaires, notre équipe de chercheurs voulait transmettre la mémoire de leurs actions majeures et de leurs efforts pour l’amélioration du sort des personnes handicapées, des immigrants, des femmes, des personnes atteintes de troubles de santé mentale ainsi que des personnes LGBT, et cela sur 50 ans », explique la récipiendaire du prix Marie-Andrée-Bertrand 2021. Plus de 230 entretiens en profondeur ont été réalisés, mais aussi des actions artistiques significatives et des objets ont été retrouvés, le tout ayant conduit à une publication, InterReconnaissance. La mémoire des droits dans le milieu communautaire au Québec (codirigée avec Ève Lamoureux, 2018), et à une exposition itinérante, Une mémoire citoyenne se raconte (2018-2020). La plus grande satisfaction pour elle est de voir ses travaux de recherche aboutir à des actions concrètes et parvenir à un large public.

Or, lengagement social nest pas seulement perceptible dans les objets d’étude de Francine Saillant. Il lest également dans lappui quelle accorde aux étudiants et étudiantes des cycles supérieurs. Dailleurs, au cours de sa carrière, elle a dirigé plus de 100 étudiants et postdoctorants, dont de très nombreux ont obtenu des postes de prestige, ce qui illustre l’importance de la transmission et du partage des connaissances avec les jeunes chercheurs. « Jai eu plusieurs modèles au cours de ma carrière, et cest gratifiant de l’être à mon tour », souligne-t-elle.

Information complémentaire

Membres du jury

Louise Potvin (présidente)

Geneviève Lessard

Marie Claude Lagacé

Jacques Hamel

Crédit photo :
  • Éric Labonté