François Soumis, lauréate

Biographie

Une bonne étoile guide le chemin de François Soumis, qui, déjà à l’école primaire, excelle en mathématiques. Un peu grâce à la réforme scolaire instaurée au début des années 60 par le ministre de l’Éducation de l’époque, M. Paul Gérin-Lajoie, il entre à l’école secondaire, au cours général, et s’inscrit à un club scientifique mis en place par un professeur de mathématiques. Ce dernier remarque son potentiel et lui offre la possibilité de suivre le cours de sciences mathématiques. C’est ce qui mènera le jeune Soumis vers les portes de l’université.

Diplômé en mathématiques, en informatique et en recherche opérationnelle de l’Université de Montréal, le lauréat du prix Lionel-Boulet est nommé professeur titulaire au Département de mathématiques et de génie industriel de l’École Polytechnique de Montréal en 1987. Il y enseigne la recherche opérationnelle et y est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en optimisation des grands réseaux de transport.

Il contribue grandement à faire de l’École Polytechnique et du Groupe d’études et de recherche en analyse des décisions, dont il a été le directeur de 1992 à 1996, des acteurs clés de la recherche opérationnelle à l’échelle mondiale. La riche carrière du professeur Soumis conjugue à la fois la recherche, l’entrepreneuriat et le développement économique.

François Soumis est étroitement associé à l’essor des méthodes de décomposition mathématique telles que la génération de colonnes, la décomposition de Dantzig-Wolfe, la décomposition de Benders et l’agrégation de contraintes. Il explique : « Les grands problèmes d’optimisation qui utilisent des millions de variables et des dizaines de milliers de contraintes excèdent la mémoire d’un ordinateur. Les méthodes de décomposition résolvent une suite de plus petits problèmes contenant un sous-ensemble de variables et de contraintes. Des méthodes mathématiques permettent d’établir comment modifier graduellement ces sous-ensembles pour arriver à inclure tous les éléments nécessaires en vue d’obtenir une solution optimale. »

Vers la fin des années 80, François Soumis joue également le rôle de précurseur en ce qui a trait à la résolution de problèmes industriels majeurs. Il s’intéresse au secteur du transport, alors en pleine croissance. La planification des horaires des grands réseaux de transport, qui comptent des centaines de véhicules et des milliers d’employés, est une décision stratégique très importante, car elle détermine les services offerts aux clients, la qualité de vie des employés et les coûts d’opération. Elle a donc une influence déterminante sur la position concurrentielle des entreprises.

De chercheur à entrepreneur

En 1985, il fonde la société Technologies AD OPT afin de mettre en pratique le fruit de ses travaux et de financer ses activités de recherche. Avec ses étudiants, il crée et commercialise un système de planification et d’optimisation en temps réel pour les flottes de camions dans les mines à ciel ouvert. Le système est implanté dans six mines au Québec, au Brésil, en Inde et aux États‑Unis.

En parallèle, il poursuit ses recherches universitaires et met au point le logiciel GENCOL, qui utilise la génération de colonnes pour traiter de manière optimale les grands problèmes d’horaires de personnel et de véhicules. Son équipe conçoit aussi une série de modules pour optimiser chacune des étapes de la construction d’horaires de transport par autobus, par avion et par train.

En 1987, l’entreprise montréalaise GIRO, qui fournit des logiciels d’optimisation d’horaires de transport en commun à plus de 250 villes sur les cinq continents, finance l’équipe universitaire de François Soumis pour réaliser une version commerciale de GENCOL de même que des applications pour le transport scolaire et urbain. C’est ainsi que le système CrewOpt voit le jour. Les horaires créés avec CrewOpt sont par la suite implantés dans tous les grands réseaux de transport urbain du Québec. L’application est d’ailleurs devenue une référence mondiale pour ce qui est de la mise en place des horaires des chauffeurs d’autobus.

En 1990, le projet Université Industrie est lancé, avec la participation financière d’AD OPT en ce qui concerne le développement de produits pour le transport aérien. L’avantage technologique offert par AD OPT permet à plusieurs grands transporteurs de passagers et de colis de réaliser des économies de l’ordre de 5 % sur leur masse salariale. Lorsqu’on réalise que celle-ci peut atteindre des milliards de dollars, on comprend mieux la portée de telles économies.

AD OPT conçoit aussi des horaires pour les employés travaillant selon des quarts dans de nombreux domaines comme le commerce de détail, les usines, les hôpitaux et les centres de services, tout en poursuivant la recherche visant à optimiser simultanément plusieurs étapes du processus de décision (logiciels d’aide à la décision). L’optimisation de l’utilisation des véhicules permet non seulement des économies, mais aussi des gains environnementaux, comme la réduction de gaz à effet de serre, qui ne sont pas à négliger.

La croissance d’AD OPT est impressionnante par l’augmentation du nombre tant de ses clients que de ses produits. En 1999, l’entreprise est inscrite en Bourse, se taillant ainsi une place dans un marché déjà occupé par de grandes entreprises telles que IBM, Unisys, Volvo et AT&T.

Mais l’entrepreneur voit encore plus grand pour AD OPT. En 2004, l’entreprise fusionne avec Kronos, chef de file mondial en solutions de gestion des effectifs. « Cette alliance a été bénéfique pour AD OPT et pour le Québec, puisque Kronos a finalement déménagé son bureau de recherche et développement de Boston à Montréal », précise-t-il avec fierté.

Son choix de demeurer professeur à l’université et de poursuivre la recherche sur une grande échelle grâce au financement des entreprises dérivées a fortement contribué au maintien de l’avancée technologique et à la croissance d’AD OPT et de GIRO.

Contribuer à l’essor économique du Québec

Les entreprises de logiciels d’optimisation créées à Montréal connaissent aujourd’hui un succès mondial, en plus d’avoir généré plusieurs emplois au Québec. L’économie québécoise a donc grandement bénéficié de l’essor remarquable de la grappe industrielle en recherche opérationnelle.

Aujourd’hui, toute équipe compétente de recherche, basée ici ou ailleurs dans le monde, qui travaille sur d’importants problèmes d’horaires utilise une méthode de génération de colonnes. Peu de Québécois peuvent se vanter d’avoir eu une telle influence!

Le professeur Soumis s’illustre par la qualité et l’envergure de ses publications, qui comptent plus de 110 articles acceptés ou publiés, plus d’une vingtaine de contributions à des ouvrages collectifs, à des chapitres de livre ou à des actes de colloque, plus d’une trentaine de comptes rendus de conférence et près d’une centaine de rapports d’expertise.

Il n’est donc pas surprenant que de nombreux prix et distinctions viennent couronner le travail de François Soumis. Il obtient notamment le prix de la meilleure contribution scientifique de l’année au Congrès européen de recherche opérationnelle EURO VI à Vienne, en 1983. C’est la consécration internationale pour lui et sa jeune équipe de recherche de Montréal. En 1994 et 1996, il remporte le prix pour la meilleure application en recherche opérationnelle de la Société canadienne de recherche opérationnelle. C’est sans oublier les récompenses qui lui ont été décernées par l’Association pour le développement de la recherche industrielle du Québec et l’Association francophone pour le savoir en 1997.

La reconnaissance incontestable des travaux novateurs du professeur Soumis est confirmée par les nombreuses subventions de recherche lui ayant été accordées dans le domaine de la génération de colonnes, devenue aujourd’hui un axe de recherche incontournable dans la formation de personnel de haut niveau. Son approche de résolution des problèmes industriels est également utilisée dans les domaines des télécommunications, de l’énergie et de la production. Avec dix-sept projets, il est le chercheur canadien le plus subventionné dans le cadre des programmes de partenariats universités-industrie du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, toutes disciplines confondues.

Certains de ses collaborateurs disent que son expertise technique n’est qu’une des raisons de son succès. En effet, il est aussi reconnu pour sa facilité à travailler en équipe et dans le respect mutuel, des aptitudes qui démontrent qu’il comprend que chaque personne a une contribution clé à apporter. Ce qui le caractérise plus particulièrement est son pragmatisme, une attitude plutôt rare pour un grand théoricien.

Information complémentaire

Membres du jury :
Patrick Paultre (président)
Freddy Kleitz
Masoud Farnazeh
Vincent Duchaine

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :

Direction photo / caméra : Rémy Boily
Prise de son : Serge Bouvier
Montage : Sylvain Caron, Trinh Nguyem-Dinh
Musique : Michael Wanner

Texte :
  • MEIE