Gaston Bellemare, lauréate

Naissance le 22 juillet 1942 à Saint-Étienne-des-Grès, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Par son choix de 2007, le jury du prix Georges-Émile-Lapalme montre qu’il est différentes façons de payer tribut à la langue française. Cette fois-ci, en effet, c’est en consacrant à la poésie québécoise son travail d’éditeur que le lauréat aura bellement servi la langue française.

Sa vie durant, Gaston Bellemare a réussi à faire cohabiter en lui des qualités qui logent rarement sous un même toit. Les poètes s’expriment autrement que les courtiers et les promoteurs trop efficaces ne cultivent pas toujours l’élégance et le bon goût. Ces distinctions plutôt cyniques perdent, cependant, toute pertinence si l’on tente de les appliquer à Gaston Bellemare. Poète, éditeur de poètes, il est prudent, mesuré, sainement pragmatique. Il montre sur une diversité de terrains un sens aigu de l’organisation, de l’audace, des convergences. Il mène autant d’offensives que les besoins l’exigent, devenant rassembleur ou ambassadeur aussi adéquatement que conseiller ou porte-parole.

Dispersion, par conséquent? Pas du tout. Au contraire, on trouve, à la source de tous les gestes de Gaston Bellemare, une seule conviction : la poésie québécoise mérite toutes les adhésions et toutes les vitrines. Tout part de cet ancrage et y revient. Comme, dès sa jeunesse, la musique l’a entraîné dans de multiples voyages, il sait que des parentés existent entre les humains et que la poésie est la plus chaleureuse. Il n’a pas encore déposé ses bagages que paraît Bleu-source de terre, un recueil de poèmes. Quand il s’insère pour un quart de siècle dans les activités de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), c’est pour y favoriser la création, le dialogue, la prise de parole. Administrateur de la famille des arts et des sciences humaines de 1971 à 1974, puis coordonnateur des études de premier cycle de 1974 à 1976, il fonde dès 1974 l’École internationale de français; il en coordonnera le déploiement jusqu’en 1980. Poésie, français, ouverture sur le monde, les lignes de force de sa carrière sont fermement en place et se renforcent mutuellement.

Tout cela peut étonner quand le décor est celui d’une ville dont les ambitions ne peuvent égaler celles d’une métropole ou d’une capitale nationale. Après tout, c’est à Trois-Rivières que Gaston Bellemare déroule sa trajectoire… Parler ainsi, ce serait méconnaître Trois-Rivières, l’UQTR et surtout Gaston Bellemare. Ville moyenne, Trois-Rivières enfante depuis longtemps ses penseurs, ses poètes, ses chercheurs, de Gatien Lapointe à Robert-Lionel Séguin, de Gérald Godin à Louis Caron. Université dite régionale, l’UQTR accueille pourtant des jeunes de tous les coins du Québec, pour la bonne raison que son Département des études en loisir, culture et tourisme a développé avec une vigueur inégalée l’enseignement et la recherche sur ce qu’on appelle parfois la récréologie. Conversations, références et comparaisons y concernent le Québec tout entier. Quant à Gaston Bellemare, il a su transformer sa ville natale en un incubateur et un diffuseur de poésie.

Qu’on en juge. Dès 1970, Gaston Bellemare et trois autres étudiants s’unissent à Gatien Lapointe pour créer les Écrits des Forges, une maison d’édition vouée à la poésie québécoise. En avril 2007, une boucle était bouclée lorsque la maison présenta son 1000e titre, une réédition d’ Ode au Saint-Laurent de… Gatien Lapointe. Depuis les débuts, l’année moyenne voit le lancement de 45 titres. Jamais le catalogue ne s’est enrichi de moins de 34 titres en un an, connaissant un sommet de 75 en 2003. De quoi brûler toutes les énergies de Gaston Bellemare? Allons donc! Depuis plus de vingt ans revient en début d’octobre le Festival international de la poésie dont les 450 activités requièrent chaque fois des dizaines et des dizaines de scènes différentes. Au fil des ans, 85 pays y ont délégué des poètes et des éditeurs. À lui seul, cet événement, qui attire 35 000 visiteurs, vaudrait déjà à Trois-Rivières son titre de « capitale de la poésie ».

Certes, Gaston Bellemare reçoit l’aide de plusieurs réseaux de fervents et de bénévoles. C’est d’ailleurs un de ses grands mérites que de susciter de telles collaborations. Au fil des ans, les Écrits des Forges ont régulièrement recouru à la coédition pour accroître la visibilité de la poésie québécoise. Depuis 1983, 40 % des titres ont fait l’objet d’une telle mise en marché. L’ambassade du Canada à Paris l’a vu régulièrement à l’ œ uvre, au cours des années 1980 et 1990, dans le cadre du Marché de la Poésie, place Saint-Sulpice. Avec le même enthousiasme, Gaston Bellemare fait connaître la poésie québécoise à Guadalajara, à Mexico, à Buenos Aires et en combien de rencontres à fort indice culturel.

On le voit, chaque geste de Gaston Bellemare se rattache à sa ville natale, Trois-Rivières. C’est là qu’est enracinée sa maison d’édition, là que se déroule le Festival international de la poésie, là qu’est née l’École nationale de poésie logée au Collège Laflèche, là aussi qu’est offerte la Promenade de la poésie qui présente sur les murs du centre-ville 300 extraits de poèmes d’amour, là toujours que les Poèmes d’autobus embellissent le transport en commun. On doit aussi soupçonner la main de Gaston Bellemare dans l’érection, place de l’Hôtel-de-Ville, du Monument au poète inconnu au pied duquel le maire dépose chaque année un bouquet le jour de la Saint-Valentin. Tout comme on peut reconnaître la même main dans l’inauguration, en 2001, de la Maison de la poésie de Trois-Rivières. Sa mission est d’accueillir en résidence des poètes étrangers désireux de se familiariser avec le Québec et sa poésie. Sans doute faut-il voir dans cette initiative une suite à la création de l’Orange bleue en 1991. Gaston Bellemare participa à la fondation de ce collectif et en devint le secrétaire général. Cinq éditeurs de poésie francophone s’y rencontrent : PHI, du Luxembourg; Écrits des Forges, du Québec; L’Arbre à paroles, de la Belgique; Éditions Feu de brousse, du Sénégal; Éditions Grand Océan, de La Réunion.

Ce qui rend cette trajectoire encore plus impressionnante, c’est que chacun de ses aspects a fait l’objet d’hommages de qualité. Les pairs de Gaston Bellemare lui confient les plus hautes fonctions à l’intérieur de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL); il y est aussi bien, au fil des ans, trésorier ou secrétaire que président. Sur d’autres scènes, il reçoit en 1991 la Médaille de la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie, pour sa contribution au développement culturel des Québécois. En 1994 s’ajoute la Médaille du Mérite municipal pour sa contribution au développement, au progrès et à l’amélioration de la qualité de vie de sa municipalité. Il mérite la Médaille de l’Académie des lettres du Québec en 2001, le Prix de l’Université du Québec à Trois-Rivières en 2003, le prix Distinction Gérald-Dame en 2004 pour son implication dans le centre-ville…

Pendant des décennies, les mêmes valeurs ont mis en branle l’intelligence et la générosité de Gaston Bellemare. Il a vivifié la poésie québécoise et assuré sa présence dans le tissu urbain. Il a tendu la main aux poètes des cultures apparentées et contribué à la cohésion des poètes et de leurs éditeurs. De quoi justifier amplement un honneur de plus, le prix Georges-Émile-Lapalme.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
6 novembre 2007

Membres du jury :
Ariane Émond, présidente
Jean-Benoît Nadeau
Conrad Ouellon
Armande Saint-Jean

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec
Réalisation : Alain Drolet
Caméra et direction photo : Richard Tremblay
Caméra : Alain Drolet
Prise de son : Donald Fortin
Montage : Andréane Cyr, Digipoint
Montage sonore : Stéphane Carmichael, Studio Expression
Programmation DVD : Jean Michaud, Digipoint
Compression numérique : Hugo Comtois, IXmédia
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline
Béchard, Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif,
Alexis Le May, Éric Pfalzgraf
Narratrice : Sophie Magnan
Entrevue : Marie-Christine Trottier
Texte :
  • Laurent Laplante