Par son engagement social, sa sensibilité et sa rigueur intellectuelle,
Gilles Hénault a enrichi notre littérature d’une recherche
éthique et esthétique qui traduit sa volonté profonde de
renouvellement.
De son parcours littéraire, on a vu naître un nouveau langage,
celui de l’humour, de la raison et de l’imaginaire. Avec Gilles
Hénault, le vocabulaire se métamorphose et de nouveaux rapports
avec la culture, la nature et la société s’établissent.
Signaux pour les voyants (1972), une rétrospective de ses poèmes
de 1941 à 1962, donne la mesure de cette exploration audacieuse du langage
poétique. Ces poèmes et ceux que contiennent les deux recueils
publiés plus tard, À l’inconnue nue (1984) et À
l’écoute de l’Écoumène (1991), font une
part égale à l’imaginaire et à la réflexion,
au rêve et à la réalité.
L’œuvre de Gilles Hénault porte en elle les préoccupations
de notre temps. Inspirée d’abord par les surréalistes, qui
l’atteignaient par leur volonté de changement et par les nouvelles
images et associations de mots qu’ils proposaient, elle questionne, dénonce
l’exploitation et annonce le changement par la libération de la
parole. Et pour que cette parole justement puisse s’exprimer, Hénault
participe à la fondation de diverses revues : Les Cahiers de la file
indienne, d’abord, Liberté puis Possibles.
Gilles Hénault fait partie des intellectuels de la première
heure, intimement liés aux artistes de l’avant-garde et aux bouleversements
sociaux des années cinquante. Il aurait pu se limiter à défendre
ses idées par l’écriture, avec prudence, pour éviter
de froisser l’élite politico-cléricale de l’époque.
Il a choisi l’action, demeurant fidèle aux valeurs marxistes qu’il
endossait, un choix qui n’est pas sans lien avec ses origines modestes
où, très tôt, il fut confronté à l’injustice
sociale. C’est à l’intérieur d’organisations
syndicales que son engagement se concrétise. Mais son militantisme dérange
et Hénault doit s’exiler à Sudbury où, entre 1952
et 1956, il se met au service du syndicat des mineurs. À son retour au
Québec, il travaille à La Presse et au Devoir
; il est nommé plus tard directeur du Musée d’art contemporain.
Homme d’une grande discrétion, Gilles Hénault n’en
a pas moins marqué notre société en l’incitant à
explorer de nouvelles avenues par ses mots, ses paroles et ses actions.