La carrière du linguiste Jacques Leclerc s’amorce à la suite de l’obtention d’un baccalauréat ès arts, puis d’une maîtrise en linguistique de l’Université de Montréal. Embauché comme professeur au département de français du Collège Bois-de-Boulogne, il y assurera une permanence pendant plus de trois décennies. En parallèle, il enseigne la phonétique historique, la linguistique et la philologie françaises en tant que chargé de cours à l’Université Laval et à l’Université de Montréal.
Avec les années, il développe un intérêt marqué pour les lois en lien avec la langue française et d’autres langues, ayant à cœur de trouver les meilleures stratégies pour promouvoir les langues en difficulté, et ce, qu’elles évoluent dans un contexte où elles sont minoritaires ou majoritaires. Ce champ d’expertise, appelé « aménagement linguistique », découle de la sociolinguistique et s’attarde à la dynamique des langues d’un territoire et aux législations linguistiques. Pour arriver à ses fins, il décide de comparer les politiques linguistiques de tous les pays. Travail pointu et colossal, s’il en est!
D’abord reconnu au Québec, Jacques Leclerc obtient une subvention de l’Office québécois de la langue française pour financer ses recherches. En 1999, le site L’aménagement linguistique dans le monde apparaît sur le Web, offrant gratuitement une fenêtre sur la situation du français au Québec, dans la Francophonie et ailleurs dans le monde. Cette mine de renseignements utiles regroupe en un même endroit des informations géographiques, démolinguistiques, juridiques et réglementaires. Il est brièvement hébergé par les serveurs du Trésor de la langue française, puis par la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord de l’Université Laval, ce qui ajoute à sa crédibilité et à sa valeur scientifique. Ce ne sont pas moins de 6 millions de visiteuses et visiteurs que reçoit le site Web annuellement.
Les études approfondies du linguiste ainsi accessibles sur Internet trouvent écho partout dans le monde, et Jacques Leclerc devient peu à peu le chercheur cité en matière d’aménagement linguistique du français. Il se dit particulièrement fier « d’avoir élaboré en français une expertise québécoise dans un site sur la Toile devenu l’un des plus complets au monde en matière d’aménagement linguistique parce qu’il couvre tous les pays ». Le travail de collecte, de traduction en français et d’analyse des lois linguistiques de 195 pays que l’expert a effectué a été qualifié de titanesque par les spécialistes. Ses pairs affirment que son site Web, dont il assure lui-même régulièrement le suivi et la mise à jour, a révolutionné le travail de centaines d’expertes et d’experts et contribue à transmettre les façons de faire du Québec en matière de défense du français.
Il ne reste plus qu’à espérer qu’une université ou une autre entité puisse s’en charger à son tour à la suite de la retraite du linguiste. « Je souhaiterais assurer la pérennité d’un site québécois de plus de 13 000 pages couvrant les politiques linguistiques de tous les pays avec plus de 1800 lois linguistiques ou à portée linguistique, celles-ci étant en français ou traduites en français », confie-t-il.
Patrimoine canadien s’adjoint plus tard ses précieux services. Il subventionne, lui aussi, un site Web sur l’aménagement linguistique au pays, hébergé par l’Université d’Ottawa et nommé Compendium de l’aménagement linguistique au Canada. Pour le mettre sur pied, Jacques Leclerc passe en revue l’histoire linguistique des différentes communautés du Canada, qu’on pense aux Premières Nations et aux Inuits, aux Canadiennes et Canadiens anglais et français ou aux allophones.
À l’occasion de colloques en France et au Maroc, le réputé linguiste est invité à présenter des exposés scientifiques sur de nombreux sujets pointus liés à la langue, comme : «Les langues parlées en Nouvelle-France»; «L’apport du français aux autres langues»; «Les multiples applications du statut officiel des langues au sein des États»; «Le bilinguisme (obligatoire) des États non souverains»; «La langue, compagnon d’armes des empires»; et «La mort des langues».
En plus de se consacrer à la recherche et à l’enseignement, ce professionnel de la langue a été, pendant 15 ans, directeur de collection à la maison d’édition Mondia, spécialisée en ouvrages pédagogiques collégiaux et universitaires. Aussi auteur, il a rédigé entre autres les livres Qu’est-ce que la langue?, Langue et société et Le français scientifique : guide de rédaction et de vulgarisation, auxquels cégeps et universités se réfèrent.
Depuis plus de 50 ans, Jacques Leclerc, avec minutie, rigueur et ténacité, a démontré son engagement soutenu au service de la langue française. Ses travaux sont d’ailleurs plus que jamais pertinents dans le contexte de mondialisation des enjeux linguistiques. Le prix Georges-Émile-Lapalme signifie pour lui une reconnaissance du travail accompli pour la diffusion en français des politiques linguistiques dans le monde.