Réalisateur de la première heure à Radio-Canada, Jean Bissonnette donne forme à une large part des variétés de notre univers télévisuel. Son métier, il l’invente en même temps que les concepts habitant encore notre imaginaire collectif : Les Couche-Tard, Moi et l’autre, Appelez-moi Lise, Les Lundis des Ha! Ha!, sans oublier le premier Bye Bye!, devenu une tradition de fin d’année.
« J’ai eu ce grand privilège de travailler à Radio-Canada, un véhicule extrêmement important. Mes patrons m’ont accordé une grande liberté. Je ne regrette pas une seule journée. Quand je partais travailler, j’avais l’impression de partir en vacances. Je n’ai jamais mis mon bleu de travail. »
Si tout est alors à faire au petit écran, il fallait un Jean Bissonnette pour en structurer et en fignoler le contenu. Avec son indéniable talent, doublé d’un flair infaillible pour déceler celui des autres, son esprit alerte et son énergie créatrice inépuisable, il multiplie les perles d’humour sur les ondes. « J’étais bon public et je le suis encore. »
L’incontournable sketch du soldat incarné par Olivier Guimond dans le Bye Bye! de 1970 demeure une pièce d’anthologie, quelque 50 ans plus tard. « Cette scène, nous l’avons faite à 7 h 30 le matin, sans répétition et en une seule prise. Travailler avec Olivier, c’était le bonheur! »
En plus de se trouver à la barre de nombreuses spéciales, dont Rêves à vendre de Félix Leclerc, il devient producteur délégué à la télévision française. Il y produit notamment Champs-Élysées, une émission animée par Michel Drucker, et Le Grand Échiquier, de Jacques Chancel.
Or, l’apport de Jean Bissonnette à la télé moderne ne représente qu’une fraction de son mérite, puisqu’il façonne aussi notre monde du spectacle. Son parcours de metteur en scène et de directeur artistique est constellé de noms de vedettes adulées par le public. Gilles Vigneault, Jean Lapointe, Claude Dubois, Jean-Pierre Ferland, Diane Dufresne, Yvon Deschamps, Céline Dion, Roch Voisine, Dominique Michel et Denise Filiatrault en sont, entre autres.
Le « star-system » qu’il contribue à édifier constitue d’ailleurs la clé de voûte du succès de notre télé des variétés. L’un sert donc l’autre pour porter à l’avant et toujours plus loin le talent de nos artistes.
« J’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup d’admiration pour les gens avec qui j’ai travaillé. Être seul devant Vigneault qui me faisait les chansons qu’il créait pour les spectacles que l’on montait ensemble, ça a été de grands moments pour moi. Je me considère privilégié d’avoir été le premier public de ces artistes. »
Parmi toutes les mises en scène de Jean Bissonnette figurent quelques spectacles mythiques, notamment les inoubliables Fêtes de la Saint-Jean de 1975 sur le Mont-Royal, présidées par Lise Payette. Puis, lorsqu’il met au point les premiers galas Juste pour rire à la demande de Gilbert Rozon, il agit comme un accélérateur majeur de la carrière de nombreux humoristes.
De réalisateur et metteur en scène, il se mue en producteur et fonde Avanti Ciné Vidéo, avec Jean-Claude Lespérance. Cette maison de production se trouve à l’origine de bien des émissions à multiples vies, dont Les Détecteurs de mensonges, Piment Fort, La Petite Vie de Claude Meunier, Un gars, une fille de Guy A. Lepage et Cher Olivier.
Père spirituel des uns et père des variétés pour les autres, tout ce que Jean Bissonnette touche se transforme en succès. Son secret : il ne se prend jamais au sérieux tout en travaillant sérieusement. On imagine sans peine un quotidien avec des rires en fond sonore. « J’étais là pour amuser le public. Si j’y arrivais, mon travail était fait, et j’étais l’homme le plus heureux du monde. »