La vocation scientifique de Jean Caron s’est dessinée dès l’enfance. Inspiré par son entourage, il a hérité du sens de l’observation de son père arpenteur-géomètre, de l’esprit inventif de sa mère artiste et des capacités entrepreneuriales de son grand-père paternel, des qualités essentielles au travail de chercheur.
« On se construit à partir de différents modèles », fait remarquer le professeur titulaire en physique et hydrodynamique des sols à l’Université Laval. Et au fil des ans, il a mené une carrière impressionnante.
Depuis son arrivée en poste à l’Université Laval, en 1992, Jean Caron a dirigé des projets de recherche d’envergure. En étudiant l’aération des sols, il a remarqué à quel point les plantes réagissaient au stress hydrique. Par la suite, ses recherches se sont concentrées sur la régie de l’irrigation en pépinière, puis en champ. Ainsi, les travaux de son équipe ont permis d’obtenir des rendements jusqu’à 40 % supérieurs lors de la récolte de la laitue romaine en sol organique, en période de canicule.
De 2010 à 2016, M. Caron a dirigé la Chaire en irrigation de précision de la fraise et de la canneberge à l’Université Laval. Grâce à ces travaux, la production de canneberges a connu une croissance phénoménale au cours des dernières années au Québec. En appliquant des techniques avant-gardistes en matière de régie de l’eau, son équipe, ses partenaires et lui ont contribué de façon importante à l’augmentation de la rentabilité à l’hectare dans ces cultures.
Pour la fraise, les résultats ont démontré des hausses de rendement de 10 à 25 % avec une réduction de l’apport en eau de 10 %. L’industrie de la tourbe et des technologies connexes profite aussi de plusieurs des enseignements de Jean Caron.
Ces années-ci, le chercheur se préoccupe de la qualité des sols organiques avec des maraîchers du sud-ouest de Montréal. En collaboration avec eux, il met en place une chaire en conservation et en restauration des sols organiques, fort d’un budget de plus de 10 millions de dollars, afin d’assurer la pérennité de ces surfaces responsables de 50 % de la production maraîchère au Québec.
Il fait d’ailleurs remarquer que, partout sur la planète, les sols sont fatigués. « Avec la population mondiale qui augmente, on va devoir produire plus avec nos sols, alors que leur qualité chute », souligne-t-il en ajoutant que nous sommes les artisans du changement.
Là réside d’ailleurs sa plus grande fierté : avoir contribué à améliorer les pratiques en agriculture. « Je suis fier que des recherches fondamentales aient pu être appliquées sur le terrain. »
M. Caron a notamment cofondé, en 2002, une entreprise florissante, Hortau, dont le nom est un amalgame d’horticulture et de technologie. Hortau conçoit des systèmes pour mesurer l’humidité du sol en temps réel. Jean Caron a participé à neuf des dix brevets d’invention de l’entreprise. Située à Lévis, Hortau emploie aujourd’hui 90 personnes. Elle a remporté six prix d’innovation technologique et a figuré à plusieurs palmarès, dont le Global Cleantech des 100 entreprises à surveiller en haute technologie environnementale en 2017.
Des prix, Jean Caron en compte plusieurs à son actif. Il a reçu 34 récompenses individuelles ou d’équipe, dont le prix Joseph-Armand-Bombardier de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS, 2007), le Science for Society Award (2009), le titre de fellow de la Société canadienne de la science du sol (2011), le prix Auguste-Scott de l’Association québécoise des spécialistes en sciences du sol (2015) et la Médaille de distinction agronomique de l’Ordre des agronomes du Québec (2016). « La clé, c’est de savoir s’entourer », dit-il.
Ainsi, Jean Caron travaille avec des collaborateurs de longue date et compte une vingtaine de personnes dans son laboratoire. Il a publié plus de 141 articles scientifiques sur les sols minéraux et organiques, dont 13 chapitres de livre. Il a aussi 15 brevets d’invention actifs.
Parmi ces inventions figure l’Aquamat, un matelas capillaire qui permet de réduire de 40 à 70 % la quantité d’eau et de fertilisants utilisés en pépinière. Cette découverte est issue de travaux menés dans les années 1990 avec des étudiants diplômés et son mentor, le professeur David Elrick de l’Université Guelph, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de la Floride. Commercialisée par l’entreprise Soleno de Saint-Jean-sur-Richelieu, la technologie Aquamat a reçu le prix du ministre de l’Agriculture pour le produit innovateur de l’année en horticulture en 2005.
Avec toutes ses réalisations, Jean Caron est sollicité à travers le monde pour partager ses connaissances. Au cours de sa carrière, il a donné plus de 362 conférences, dont plusieurs comme conférencier principal.
Le prix Lionel-Boulet vient couronner sa fructueuse carrière, à laquelle il entend consacrer encore quelques années avant de prendre sa retraite. D’ici là, le leadership et la vision du professeur Caron et de son équipe continueront de marquer l’évolution de l’industrie agricole.