Un séjour en France en 1952 où il prend contact avec Jean-Paul
Riopelle aura un effet décisif sur l’évolution de la peinture
de Jean McEwen. Toute cette période européenne est à souligner
d’un trait lumineux car elle est riche d’expériences déterminantes
: rencontres avec des peintres qui marqueront sa trajectoire, entre autres Sam
Francis, connaissance de l’œuvre de Jackson Pollock, fréquentation
des grands musées, affirmation de son style. Le jeune diplômé
en pharmacie se tourne désormais vers une expression résolument
non figurative.
En 1953, rentré à Montréal et à bout de ressources,
Jean McEwen accepte un emploi de représentant en produits pharmaceutiques
chez Frosst. La peinture devenant plus exigeante, il conclura une entente avec
monsieur Frosst, le propriétaire de la compagnie, ce qui lui donne la
liberté de peindre quatre jours par semaine, poursuivant et enrichissant
sans cesse sa recherche. Ses voyages exaltent son inspiration, le lancent sur
des pistes de lumières et de couleurs qu’il sait porter à un paroxysme
éblouissant, donnent naissance à des séries de tableaux
qui deviendront célèbres, qu’on pense à Drapeaux inconnus
(1964), Suite parisienne (1978) ou Le Drapeau écorché
(1985).
À compter des années soixante-dix, Jean McEwen fait la part belle
à l’aquarelle ; il sait maximiser les qualités de ce médium
qui permet des études de mouvements et de transparences d’une grande
subtilité. En 1973, il peut enfin se consacrer entièrement à
ce qui fait le bonheur de sa vie : la peinture.
« Un tableau doit avoir quelque chose à dire chaque fois
qu’on le regarde. » Ses tableaux habitent l’œil, s’enfoncent
lentement jusqu’au cœur pour n’en plus ressortir. Qu’ils soient plus méditatifs,
d’une douceur poétique s’approchant de l’impressionnisme abstrait, ou
chargés d’un vigoureux mystère, tant par la couleur que par cette
faille qui revient sans cesse diviser le tableau, la sensualité de la
matière est toujours perceptible, exigeant une résonance intime
chez celui qui regarde. Jean McEwen applique la couleur avec ses mains, éliminant
l’intermédiaire, transmettant à la toile l’état intérieur
vibratile du moment unique, travaillant par étapes successives, reprenant,
corrigeant sans cesse jusqu’à ce qu’il ait tout dit. « Certains
moments sont des révélations, les couleurs s’ajoutent, le tableau
se fait par enchantement. » C’est cet enchantement qui provoque le choc
amoureux devant le tableau. Et c’est ce qui fait que Jean McEwen est devenu
un de ces artistes qui font l’orgueil d’un pays.