La vie de Jean-Pierre Ronfard est une succession d’occasions qu’il a su saisir
au bon moment. Les années cinquante sont marquées par ses expériences
d’enseignant dans différents pays d’Europe alors qu’il trouve en même
temps le moyen de faire partie de troupes de théâtre. Il est à
Vienne quand il reçoit une proposition très alléchante
: devenir le premier directeur de la section française de l’École
nationale de théâtre du Canada, dirigée par Jean Gascon.
Comment résister ? Cependant, au début des années soixante,
la situation de Français en terre canadienne n’est pas toujours très
confortable. Jean-Pierre Ronfard retourne en France en 1964 mais il ne coupe
pas les ponts pour autant avec l’Amérique.
Alors qu’il a toujours travaillé dans des cadres traditionnels, Jean-Pierre
Ronfard prend conscience qu’il vit des moments uniques lors des événements
de Mai 68. C’est l’heure de la grande remise en question, de la contestation
du lieu dans lequel se joue le théâtre. Les comédiens descendent
dans la rue. Pour la première fois, il joue dehors, sur la place, il
est vraiment « au milieu du public ».
En 1970, Jean-Louis Roux l’invite au Théâtre du Nouveau Monde.
Jean-Pierre Ronfard y sera secrétaire général, directeur
artistique des Jeunes Comédiens, recevra les textes et fera quelques
mises en scène avant de reprendre sa liberté.
L’homme s’engage alors avec une énergie et un enthousiasme toujours
constants dans les voies de la recherche. Ses multiples expériences serviront
à mettre au point des approches théâtrales inédites
et influenceront les nouvelles générations de comédiens.
Les moments forts de sa vie d’homme de théâtre seront nombreux
: la découverte bouleversante du texte de Claude Gauvreau, Les Oranges
sont vertes Espace libreHa ! Ha ! de Réjean Ducharme, qu’il qualifie
d’une des gloires de sa vie, et des créations qui marquent l’histoire
théâtrale québécoise comme Vie et Mort du roi
Boiteux, qu’il écrit, joue et met en scène.
En même temps, sa définition du rôle du théâtre
évolue : « Avant 1975, je pensais que le théâtre était
là pour transformer la société, pour régler les
problèmes collectifs et proclamer la liberté. » Depuis, sans
renier ses idéaux, Jean-Pierre Ronfard poursuit une grande réflexion
sur l’art théâtral et s’attache à « être aussi
pur que possible ».