Prêtre, pédagogue et citoyen engagé, Jules Bélanger se voit décerner le prix Gérard-Morrisset en raison de l’immense travail qu’il a accompli pour la reconnaissance du patrimoine culturel québécois – particulièrement celui de la Gaspésie –, un héritage sans lequel, dit-il, nous serions sans mémoire ni destination.
Passionné d’histoire, de littérature et de sémiologie, monsieur Bélanger est un fier Gaspésien ayant pris fait et cause pour la conservation de la culture et des témoins de l’histoire du Québec. « Ce sont, dit-il, des éléments essentiels à notre identité et à notre destinée, car ils sont chargés de connaissances et de traditions qui font de nous ce que nous sommes : un peuple à nul autre semblable. »
Né en 1929 à Nouvelle dans la baie des Chaleurs, Jules Bélanger a entrepris tout jeune d’étudier et d’interroger son environnement, « marchant les terres » du canton, puis arpentant les prés, les bois et les villages en observateur assidu et attentif. « J’étais, dit-il, curieux de tout et toujours désireux d’apprendre. »
C’est tout naturellement que le jeune homme s’est tourné vers les études supérieures. « J’y étais encouragé par mon père. Il était forgeron et peu scolarisé, mais il professait une foi totale en l’instruction. »
Jules Bélanger décroche donc son baccalauréat ès arts à l’Université Laval, puis son baccalauréat en théologie au Holy Heart Seminary d’Halifax, complétant ensuite sa formation par une maîtrise en philosophie, puis par un doctorat en littérature française.
Hormis ces exils épisodiques, il n’a jamais envisagé de s’éloigner bien longtemps de sa Gaspésie. Lié pour la vie à ses forêts, ses rivages, son estuaire et ses habitants, il y a exercé avec passion le métier d’enseignant, profession qui a par ailleurs teinté l’ensemble de son engagement social et communautaire. Entre autres initiatives, il a mis sur pied et présidé le comité d’implantation du Cégep de la Gaspésie et des Îles, participé aux assises du Conseil supérieur de l’éducation et travaillé au sein du groupe ayant pour mission, en 1995, de mettre la table pour une première politique culturelle du Québec.
Fasciné par le pouvoir des communications, Jules Bélanger a joué un rôle très actif dans la création de Radio-Gaspésie et de l’hebdomadaire Le Pharillon. Parmi ses nombreuses contributions, l’on compte aussi sa participation à la fondation du Centre des Jeunesses musicales canadiennes de Gaspé ainsi qu’à la mise en place de la Fondation de la Société historique de la Gaspésie.
L’une des réalisations les plus impressionnantes de monsieur Bélanger demeure la publication, en 1981, de la monumentale Histoire de la Gaspésie, pour laquelle son apport a été déterminant, tant sur le plan de la rédaction que sur ceux du financement, de l’édition et du recrutement des collaborateurs. « Documenter l’histoire d’une région de façon aussi précise, scientifique et globale, cela ne s’était jamais fait au Québec, se remémore-t-il. Mais c’était essentiel, car il y avait eu des moments regrettables où, semblant oublier notre héritage, on a ouvert greniers et sous-sols à des brocanteurs étrangers qui venaient acheter pour quelques dollars notre patrimoine matériel. Cela n’arriverait plus de nos jours, parce que nos gens sont plus conscients de la valeur de leur patrimoine. » Le succès d’Histoire de la Gaspésie a été tel qu’il a inspiré nombre d’initiatives semblables. Aujourd’hui, la collection « Les régions du Québec », inaugurée par cette première publication, couvre l’ensemble du territoire québécois.
Cependant, l’un des plus grands sujets de fierté de Jules Bélanger demeure le musée d’histoire qu’il a contribué à fonder à Gaspé. Modèle du genre, le Musée de la Gaspésie, inauguré en 1977, a fait école, entraînant la création au Québec de plusieurs musées régionaux.
Lorsqu’il jette un coup d’œil par-dessus son épaule, Jules Bélanger distingue clairement le fil directeur de son existence : celui du métier d’enseignant qu’il n’a au fond jamais cessé de pratiquer. « D’une certaine façon, dit-il, ma vie se résume au titre de mon livre Ma Gaspésie, le combat d’un éducateur. Qu’est-ce donc en effet que le rôle d’éducateur, si ce n’est de travailler à l’émergence des forces libératrices d’un peuple? »