Un penseur et un politicologue dynamique
« L’observation des hommes tout autant que l’examen des mécanismes
sociaux instruisent les spécialistes des sciences sociales sur la façon
dont ils peuvent s’acquitter de leur double mission : fournir les signaux avertisseurs
du danger et indiquer les moyens propres à tenir la société
dans l’étroit chenal de la bonne vie pour tous », affirme Leon
Dion, un des politologues ayant le plus profondément marqué l’histoire
récente du Québec, qui définit ainsi son rôle dans
la société. Il fait partie de la première vague de professionnels
dont le métier est d’étudier les rouages de la société,
une tâche dont il s’acquitte bien, comme en témoignent ses analyses
inspirées des changements sociaux et politiques qui vont imprégner
les quatre dernières décennies. Raymond Hudon, coéditeur
avec Réjean Pelletier de L’engagement intellectuel. Mélanges
en l’honneur de Leon Dion (1991), écrit : « C’est tout
le milieu intellectuel québécois et canadien que Leon Dion
a dynamisé, contribuant à l’orientation des sociétés
tout entières. »
De la sociologie à la science politique
Leon Dion obtient son doctorat en science politique de l’Université
Laval en 1954 au moment même où les sciences sociales, sous la
direction du père Georges-Henri Lévesque, se taillent une place
dans le milieu universitaire et dans la société. Sa thèse
de doctorat, L’univers totalitaire : l’idéologie politique du national-socialisme,
révèle en Leon Dion un spécialiste perspicace de
l’évolution des idéologies du monde contemporain.
La publication de ses importants travaux sur les cultures politiques témoigne
de ses qualités d’observateur attentif, bien qu’il ait déjà
fait sa marque comme premier politologue québécois à s’intéresser
à l’étude des groupes de pression. Ses premières publications,
Opinions publiques et systèmes idéologiques (1962) et Les
groupes et le pouvoir politique aux États-Unis (1965), ouvrage couronné
par l’Académie française et traduit en espagnol et en italien,
étendent sa renommée au-delà des frontières canadiennes.
Cela l’amène à enseigner et à donner des conférences
dans de nombreuses universités canadiennes et étrangères
(États-Unis, Haïti, Angleterre, France, Pologne, Japon).
Dans Le bill 60 et la société québécoise
(1967), ouvrage de référence essentiel sur l’histoire du système
de l’enseignement, l’auteur décrit les mécanismes de négociation
entre les différents acteurs lors de l’adoption de cette célèbre
loi à l’origine de la création du ministère de l’Éducation.
Il reprend le thème de l’action des groupes dans une œuvre majeure
publiée en deux tomes au début des années 70 : Société
et politique, la vie des groupes (tome 1 : « Fondements de la société
libérale » et tome 2 : « Dynamique de la société
libérale »).
Un engagement social et lucide
Le spécialiste de l’étude des dynamiques sociales et politiques
rejoint, chez Leon Dion, l’intellectuel profondément engagé
dans la démarche collective des sociétés québécoise
et canadienne. D’après le professeur Louis Balthazar, du Département
de science politique de l’Université Laval, « Leon Dion
offre un exemple unique de l’amalgame réussi entre l’universitaire et
l’intellectuel préoccupé de la société dans laquelle
son enseignement et sa recherche prennent place ».
L’œuvre du politologue dépasse, sans conteste, les activités
d’enseignement et de recherche. Elle représente un éclair de lucidité
sur les débats d’actualité, devenant de ce fait une référence
non seulement pour les dirigeants de la société, mais aussi pour
les citoyens. Au début des années 70, Leon Dion, tout en
continuant son enseignement et en dirigeant le Département de science
politique de l’Université Laval, devient conseiller spécial de
la Commission d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Les travaux
de cette commission influeront sur le cours des débats constitutionnels
et mèneront à l’adoption de la Loi sur les langues officielles.
Ce premier engagement pratique sera suivi de plusieurs autres, car Leon
Dion estime que le rôle de l’intellectuel est de prendre une part active
à l’évolution de la société. Par ses prises de position
dans des articles de journaux, par les conférences qu’il donne à
tous les partis politiques et à de nombreux syndicats ou groupes de pression,
il influence la société québécoise. Ses interventions
sur des questions aussi controversées que la réforme de l’éducation,
la réforme constitutionnelle ou la crise d’identité nationale
éclairent l’opinion publique par leur perspicacité.
Après avoir fondé le Département de science politique
de l’Université Laval et y avoir enseigné durant près de
40 ans, Leon Dion, nommé professeur émérite en 1989,
entreprend à la retraite la rédaction d’un ouvrage d’envergure
: Québec, 1945-2000. Le premier tome, « À la recherche
du Québec », a été publié en 1987. Il sera
suivi du second tome, « Les intellectuels et le temps de Duplessis »,
en 1993.