Lise Bissonnette, lauréate

Journalisme et littérature

Naissance le 13 décembre 1945 à Rouyn, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Intellectuelle déterminée, généreuse et socialement engagée, Lise Bissonnette a, tout au long de son parcours professionnel, chéri la langue française comme un puissant vecteur de culture. « J’ai eu une approche oblique de la langue confie-t-elle. Pour moi, une langue ne se défend pas seule. J’ai la conviction profonde que si tant de gens – de jeunes notamment – voient la défense du français au Québec comme un combat dépassé, c’est qu’on a proposé une conception trop étroite de la langue, réduite à sa fonction de communication. Et si cette bataille est loin d’être gagnée, c’est sans doute qu’on a trop dissocié la langue de cet enjeu majeur : celui de permettre à la population, partout sur le territoire, de jouir de l’exercice de la culture, de pouvoir, au fond, modifier sa vie grâce à elle. » Ce désir de culture en partage, Lise Bissonnette n’a de cesse de l’exprimer dans une langue libre et percutante, et tout empreinte d’élégance.

Née en Abitibi « pas dans une famille intellectuelle », Lise Bissonnette commence ses études secondaires à Rouyn-Noranda, à la fin des années 1950. Inscrite plus tard au baccalauréat en pédagogie à l’École normale de Hull, son franc parler  et son début d’engagement dans les mouvements étudiants intimident suffisamment les religieuses pour que la jeune fille doive terminer ses cours… ailleurs. Installée dans la métropole, elle obtient une licence en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal, où elle est aussi  une journaliste étudiante active. Elle s’inscrit en scolarité de doctorat  à Strasbourg puis à l’École Pratique des Hautes Études de Paris où elle explore les systèmes d’enseignement supérieur. À son retour en 1970, elle est intégrée à l’équipe de recherche institutionnelle de la toute nouvelle Université du Québec à Montréal.

Lise Bissonnette fait en 1974 ses débuts comme journaliste au Devoir, le seul quotidien indépendant du Québec, qu’elle a marqué profondément par la suite. Analyste politique et culturelle redoutée, sa voix publique est devenue incontournable. De 1990 à 1998, elle est directrice et éditrice de cet influent journal. Durant ces années, elle préside à une réforme en profondeur : renouvellement éditorial, redressement financier et design nouveau, souvent primé sur la scène internationale. Sans relâche, elle cultive cette affection pour une langue journalistique riche, littéraire à sa façon, qui respire le plaisir des mots.

En juin 2009, au terme de trois mandats, Lise Bissonnette quitte la présidence et la direction générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), devenue la plus importante institution culturelle du Québec, tant par sa taille que par la diversité de ses missions. Depuis 1998, elle en avait dessiné l’énorme succès, de la construction de la Grande Bibliothèque à Montréal jusqu’à l’atteinte de ce taux jalousé de fréquentation quotidienne. « J’ai voulu faire ma part pour offrir des clés qui élargissent les horizons. Dans ma vie de jeune femme, ces ouvertures me sont arrivées par accident. Je voulais que cet accès au vaste univers des idées, des connaissances soit plus systématique pour tout le monde. Je constate le peu de culpabilité, au Québec, de ne pas en donner assez à nos concitoyens, admet-elle. » Fidèle à sa vision de joindre la population partout sur le territoire, la Grande Bibliothèque, fusionnée sous sa gouverne à la Bibliothèque nationale et aux Archives nationales, a déployé une panoplie de services novateurs et accessibles à l’ensemble des Québécois, notamment grâce aux nouvelles technologies. Cette institution virtuelle hors les murs est devenue un lieu de référence au Québec et à l’étranger, et joue un rôle-clé dans l’espace francophone.   

Écrivaine, Lise Bissonnette est l’auteure de huit ouvrages, trois essais, quatre œuvres de fiction et un livre alliant ces deux genres littéraires. À trois reprises, sa plume lui a valu une nomination pour le Prix du Gouverneur général du Canada.

Celle qui a mené une carrière de gestionnaire de haut niveau à la tête de grandes institutions est aujourd’hui inscrite au doctorat en lettres à l’Université de Montréal. « Pour les étudiants, je suis plutôt une inconnue, ce qui m’arrange, s’amuse-t-elle. J’éprouve toujours une sorte de griserie à circuler dans un grand lieu de savoir. Chaque fois que je prononce des conférences dans des universités, ici et ailleurs, j’éprouve une joie palpable : m’approprier une institution qu’on atteignait chez nous, il y a 50 ans, après un véritable parcours de combattant. »

Sa contribution au débat d’idées et son engagement public lui ont attiré de nombreuses distinctions, dont huit doctorats honoris causa décernés par des universités du Québec, du Canada et des États-Unis.  Lise Bissonnette a été décorée de l’Ordre de la Pléiade (Francophonie), est officier de l’Ordre national du Québec et officier de la Légion d’honneur de France. Membre de l’Académie des lettres du Québec depuis 2004, elle a reçu le Prix de carrière de la Fondation pour le journalisme canadien et le Prix Hommage de l’Institut d’administration publique de Québec pour l’ensemble de son parcours professionnel.

Écrivaine, journaliste, analyste et grande gestionnaire, Lise Bissonnette connaît la puissance des mots, leur pouvoir de conviction, d’émotion, de dépassement. Elle se dit particulièrement émue de recevoir ce prix qui porte le nom d’un homme qu’elle admire et qui l’a beaucoup inspirée. Pour elle, Georges-Émile Lapalme personnifie de façon exemplaire la Révolution tranquille, « ce passage plein d’espérance et de déchirements » où s’est construit l’État québécois. Lise Bissonnette partage intimement les valeurs d’éducation et de service public avec celui qui fut le premier titulaire du ministère des Affaires culturelles. Comme lui, elle a défendu bec et ongles cette absolue nécessité d’investir massivement en culture et de défendre celle-ci comme un droit humain. « Tous les jeunes historiens, et pas qu’eux, devraient lire les Mémoires de monsieur Lapalmepour mesurer la solitude d’un homme qui, à contre-courant au début des années 60, épuise toutes ses énergies pour rapprocher la culture des gens. Et puis, que sa plume est belle! »

Le prix Georges-Émile-Lapalme honore cette année une figure prépondérante du domaine culturel, une femme d’idées et une bâtisseuse de premier plan.

Le parcours de cette femme de culture est inspirant et sa voix continue de nourrir la compréhension du monde dans lequel nous vivons.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
9 novembre 2010

Membres du jury :
Pierre-Étienne Laporte (président)
Guy Bertrand
Diane Vincent

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinatrice de production : Nathalie Genest
Caméra et direction photo : Jacques Desharnais
Prise de son : Serge Bouvier et Jean-François Paradis
Maquillage : Anne Poulin
Montage : Sylvain Caron
Mixage sonore : Luc Gauthier, Studio SonG
Musique originale : Christine Boillat
Musiciens : André Bilodeau, Christine Boillat, David Champoux et Daniel Marcoux
Entrevue : Pascale Navarro
Lieu du tournage : Télé-Québec
Texte :
  • Ariane Émond