Le nom de Maurice L’Abbé reste intimement lié à l’histoire
scientifique du Québec. En effet, sa contribution exceptionnelle au développement
des sciences en général, et des mathématiques en particulier,
justifie les nombreuses récompenses qui lui ont été décernées.
La bosse des mathématiques
La carrière de Maurice L’Abbé est d’abord consacrée à
l’enseignement et à la recherche. Ses travaux, amorcés à
l’Université de Princeton, haut lieu mondial des mathématiques,
se poursuivent activement à son retour au pays en 1948 et lui valent
une bourse postdoctorale de la Société royale du Canada (1952-1953),
ainsi que le prix du Concours scientifique de la province de Québec (1954).
Très tôt, Maurice L’Abbé reconnaît l’importance de
créer des organismes voués au développement des mathématiques
au Québec. Nommé directeur du Département de mathématiques
de l’Université de Montréal en 1957, il transforme ce qui est
alors un département de services en un véritable organisme de
recherche et de formation de chercheurs et d’enseignants. En 1962, il fonde
le Séminaire de mathématiques supérieures, séminaire
dont la tenue constitue chaque année un événement important
au sein de la communauté internationale. En 1968, il joue un rôle
primordial dans la création du Centre de recherches mathématiques
de l’Université de Montréal. Ces deux organismes, le Séminaire
et le Centre, ont eu un effet extraordinaire sur le développement des
mathématiques au Québec en incitant les meilleurs mathématiciens
du monde à participer à la vie scientifique montréalaise.
L’influence de Maurice L’Abbé sur la vie mathématique du Québec
est unique. Il sait non seulement créer de toutes pièces les organismes
qui contribueront à la réputation actuelle du Québec en
recherche et en formation supérieure, mais son action s’étend
aussi largement à la formation préuniversitaire (enseignement
secondaire et collégial), par sa participation à la création
de l’Association mathématique du Québec, du Concours mathématique
du Québec et du Camp mathématique d’été. Ces organismes
stimulent toujours aujourd’hui l’intérêt des jeunes pour cette
discipline indispensable.
Destiné à diriger
À partir de 1968, Maurice L’Abbé exerce diverses fonctions qui
font appel à son leadership, d’abord dans le champ plus vaste de la recherche
universitaire en général et, ensuite, de la politique scientifique
et technologique du Canada, plus spécialement du Québec. Ainsi,
le mathématicien est nommé vice-recteur à la recherche
de l’Université de Montréal en 1968. Durant les dix années
de son mandat, il insuffle à l’établissement un enthousiasme et
un dynamisme qui lui permettent de faire un bond avant décisif et de
se définir véritablement comme une université de recherche
et de formation supérieure. Premier titulaire du poste de vice-recteur
à la recherche au Québec, Maurice L’Abbé met en place les
mécanismes de la politique, de la gestion et du financement de la recherche
à l’Université de Montréal. Par ailleurs, il s’emploie
à la création et au développement d’au moins une dizaine
de centres de recherche, parmi lesquels on compte le Centre de recherche sur
les transports, l’Institut d’histoire et de sociopolitique des sciences et l’Observatoire
de Mont-Mégantic.
En 1980, Maurice L’Abbé quitte l’Université de Montréal
pour prendre le poste de directeur général du Conseil des sciences
du Canada, qu’il occupe durant quatre ans. Quand le gouvernement du Québec
crée, en août 1983, le Conseil de la science et de la technologie,
Maurice L’Abbé est appelé à en devenir le premier président.
Il est singulièrement bien préparé pour ce nouveau défi
grâce à son expérience à l’Université de Montréal,
à sa collaboration avec l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) (1978-1979) durant un congé sabbatique à
Paris et, surtout, grâce à son travail à Ottawa à
la direction du Conseil des sciences du Canada. Aussi, il n’est pas étonnant
que, sous sa présidence, le Conseil de la science et de la technologie
joue un rôle de premier plan dans l’élaboration des politiques
scientifiques, technologiques et industrielles au Québec. Les nombreuses
études publiées sous sa direction par le Conseil portent sur des
sujets d’intérêt national, constituant des outils fiables pour
l’ensemble des acteurs dans le domaine des sciences et de la technologie.
En 1991, Maurice L’Abbé devient le premier président de la Commission
de vérification de l’évaluation des programmes créée
par la Conférence des recteurs et des principaux des universités
du Québec (CREPUQ). En 1995, il accepte la présidence du comité
d’évaluation du Centre de recherche en calcul appliqué (CERCA)
et, en 1998, il préside le comité d’évaluation scientifique
de la même organisation. Enfin, en 2000, il ajoute à ses nombreux
titres celui de président du comité d’évaluation scientifique
du Centre francophone de l’informatisation des organisations (CEFRIO).
Premier récipiendaire du prix Walter-Hitschfeld (1990), décerné
par l’Association canadienne d’administrateurs de recherche universitaire (ACARU),
officier de l’Ordre national du Québec (1993), membre de l’Académie
des grands Montréalais (1995)… Un honneur n’attend pas l’autre au
cours des dernières années pour souligner les réalisations
de Maurice L’Abbé. Ses nombreuses conférences, ses judicieuses
interventions et sa participation aux divers programmes de réforme qui
jalonnent l’histoire scientifique du Québec, voilà qui témoigne
d’un engagement de tous les instants et atteste, à plus d’un titre, l’incontestable
prestige dont jouit le mathématicien auprès de ses pairs, au pays
comme à l’étranger.