Aux yeux de Monique C. Cormier, « une langue, c’est comme une fleur, il faut décider de la place à lui faire parmi les autres dans le jardin, la surveiller, la nourrir et, bien sûr, dit-elle avec le sourire, lui montrer qu’on l’aime ». Cette métaphore illustre bien la mission que, devant ses étudiants, à travers ses recherches scientifiques, avec les professionnels de la langue ou encore auprès du grand public, la lauréate du prix Georges-Émile-Lapalme poursuit depuis le début de sa carrière : contribuer à l’affermissement de la langue française et stimuler sa vitalité.
C’est au Collège de l’Assomption, où elle fait ses études secondaires et collégiales, que Monique C. Cormier développe son intérêt pour les langues et les mots. « J’ai eu la chance de suivre des cours de littérature avec l’abbé Maurice Contant, un professeur qui a été particulièrement déterminant dans le choix de ma carrière », affirme-t-elle.
Après avoir terminé son baccalauréat spécialisé en traduction à l’Université de Montréal, Monique C. Cormier se fait offrir d’y donner, en 1977, un cours à la Faculté de l’éducation permanente. « C’était tout un défi de me retrouver, à 23 ans, devant une classe d’étudiants plus âgés que moi. »
L’expérience se révèle cependant extrêmement stimulante et elle lui donne le goût d’entreprendre une carrière universitaire. Des études de cycles supérieurs s’imposent donc. Tout en travaillant comme terminologue, Monique C. Cormier complète sa maîtrise à l’Université de Montréal. Pour ses études doctorales, elle opte pour l’Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3, un choix judicieux qui lui permet d’établir des contacts qui s’avéreront précieux pour la suite de sa carrière. Elle donne comme exemple Alain Rey, longtemps aux Dictionnaires Le Robert et lexicographe réputé. « Il était membre du jury lorsque j’ai soutenu ma thèse de doctorat », se souvient-elle.
Elle arrive ainsi à se créer rapidement un réseau professionnel français d’envergure qui lui reste fidèle même si elle revient rapidement au Québec, dans la capitale, pour enseigner à l’Université Laval. La professeure y demeure deux ans : une période charnière puisqu’elle se lie d’amitié avec Jean-Claude Boulanger, « l’un des grands spécialistes de la description du français au Québec », avec qui elle signera de nombreux travaux scientifiques.
Monique C. Cormier accepte par la suite un poste de professeure au Département de linguistique et de traduction à l’Université de Montréal : « J’y ai trouvé un véritable lieu d’épanouissement intellectuel et professionnel », précise-t-elle. Elle dirige les recherches de près de 80 étudiants à la maîtrise et au doctorat « dont plusieurs, dit-elle fièrement, occupent maintenant un poste de professeur ou de chercheur dans une université canadienne », ce qui est remarquable dans son domaine. En 1998, la Faculté des arts et des sciences lui décerne le Prix d’excellence en enseignement, secteur lettres et sciences humaines. La même année, l’Université de Montréal lui demande de siéger à son Comité ad hoc sur la place du français. Elle y avance l’idée que l’Université se dote d’une politique linguistique. « J’ai fait valoir que c’était essentiel pour encadrer l’utilisation du français, le promouvoir et définir la place qu’on voulait lui accorder par rapport aux autres langues », explique-t-elle.
En visant toutes les universités québécoises, elle reprend cette proposition de façon formelle en janvier 2001, dans le cadre de la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, présidée par Gérald Larose. La Commission en fait sa 48e recommandation, sur les 138 qu’elle soumet au gouvernement du Québec en août 2001. Pendant ce temps, le Comité ad hoc sur la place du français à l’Université de Montréal propose à l’Assemblée universitaire, en novembre 2001, l’adoption d’une politique linguistique que le Conseil de l’Université entérine quelques semaines plus tard.
Le gouvernement du Québec modifie ensuite la Charte de la langue française pour exiger des universités qu’elles adoptent une politique linguistique. Les établissements québécois ont maintenant tous emboîté le pas. « C’est la preuve que, sur le plan collectif, la langue peut faire l’objet d’initiatives qui seront soutenues par l’État, si celui-ci le juge opportun », indique celle qui est aujourd’hui professeure titulaire et vice-doyenne aux affaires professorales à la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal.
Invitée régulièrement à la Journée des dictionnaires qui se déroule en France depuis 1993, la professeure Cormier a l’idée d’adapter le concept élaboré par son collègue et ami Jean Pruvost pour en faire une version québécoise en 2003. « Je voulais que cette journée soit accessible, que tout le monde puisse en profiter, alors qu’en France, cette journée s’adresse d’abord aux universitaires. » Puisque l’événement est couronné de succès, l’organisatrice réitère l’expérience en 2005 et en 2008.
Ce n’est pas un hasard si Monique C. Cormier a décidé de créer plusieurs activités autour de cet « ouvrage mythique » qu’est le dictionnaire. Il occupe la première place dans la vie de cette chercheuse qui a choisi comme domaine l’histoire des dictionnaires, en particulier les ouvrages bilingues français-anglais des XVIIe et XVIIIe siècles. Elle s’intéresse entre autres à la contribution des huguenots au développement de la lexicographie bilingue. La qualité et l’importance de ses travaux lui ont valu plusieurs prix et distinctions, notamment de la Dictionary Society of North America; en 2007, elle est élue à la Société royale du Canada, la plus haute distinction qu’un universitaire puisse recevoir au Canada en qualité de scientifique.
Des recherches prenantes et un engagement profond dans la communauté universitaire n’empêchent pas Monique C. Cormier, terminologue agréée, d’être active au sein de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ). Membre du conseil d’administration pendant plus de dix ans, elle en est la vice-présidente de 2000 à 2003 et la présidente de 2003 à 2006, postes dans lesquels elle s’emploie à rehausser tout particulièrement le statut et la fierté des langagiers. En reconnaissance de son apport, elle reçoit coup sur coup le Prix hommage 2007 du Bureau de la traduction du gouvernement du Canada et le Mérite 2007 du Conseil interprofessionnel du Québec.
C’est pour son infatigable dévouement envers la langue française et les façons originales de la mettre en valeur qu’elle a explorées comme professeure, chercheuse, professionnelle et citoyenne que Monique C. Cormier se voit remettre le prix Georges-Émile-Lapalme, la plus haute distinction accordée à une personne ayant contribué de façon exceptionnelle à la qualité et au rayonnement de la langue française dans la société québécoise.