Nadia Myre, lauréate

Biographie

Depuis trois décennies, Nadia Myre enrichit le domaine des arts visuels au Québec grâce à ses œuvres à la fois brillantes et touchantes, qui révèlent un attachement fort à ses racines autochtones et une grande sensibilité aux questions liées à l’identité, au langage, aux rapports de pouvoir, ainsi qu’aux blessures humaines et à leur cicatrisation. Suivant une démarche artistique qui se distingue par son caractère collaboratif et ses formes d’expression novatrices et variées, cette artiste multidisciplinaire de la Première Nation Kitigan Zibi Anishinabeg a contribué significativement à faire évoluer les perceptions de l’art autochtone contemporain.

Recevoir le prix Paul-Émile-Borduas à ce moment-ci de sa carrière « est un grand honneur », mentionne Nadia Myre. « Cela reconnaît non seulement le parcours de ma pratique, mais aussi les racines qui l’ont nourrie. Je pense en particulier à mon père, Robert Myre, dont la profonde conviction à l’endroit de la culture et l’engagement politique ont contribué à façonner la personne et l’artiste que je suis devenue. Je sais qu’il serait fier de voir cette reconnaissance, qui honore le travail que j’ai accompli – et que je poursuis – pour maintenir une pratique qui rassemble mes héritages algonquin et québécois. »

Dès ses premières œuvres au début des années 2000, Nadia Myre développe un langage visuel et conceptuel très personnel, mêlant habilement l’intime et le politique. À travers sa production artistique, elle suscite le dialogue et la réflexion sur l’identité autochtone et la transmission culturelle, comme dans History in Two Parts (2000) et la vidéo Portrait in Motion (2002), où l’artiste fait du canot un symbole de sa double identité algonquine et québécoise. En parallèle, elle propose, avec son projet Indian Act (2000-2003), rien de moins qu’une réinterprétation des 5 premiers chapitres de cette loi canadienne datant de 1876 au moyen de la technique du perlage. Cette œuvre colossale et percutante, réalisée grâce à la contribution de quelque 250 personnes, est considérée comme une référence incontournable en arts visuels au Québec comme à l’international.

Après cette période d’exploration de sa culture traditionnelle, Nadia Myre s’engage dans une réflexion sur la mémoire et la guérison collectives, notamment dans sa série The Scar Project (2005-2013), pour laquelle elle sollicite de nouveau la collaboration de participantes et de participants. Ce projet de longue haleine a mené à la couture de près de 1400 cicatrices, comme autant de témoignages de douleurs individuelles, déployées dans une perspective universelle. L’installation est exposée en permanence au Musée national des beaux-arts du Québec.

Dans les années 2010, l’artiste montréalaise montre un intérêt grandissant pour l’engagement communautaire, notamment dans A Casual Reconstruction (2015), une œuvre à cheval entre le théâtre et l’art vidéo, et Code Switching and Other Work (2018), qui consiste en un assemblage de fragments de pipes trouvés dans la Tamise. Elle intégrera par la suite la photographie et le numérique dans sa pratique, comme dans [In]tangible Tangles (2021), constituée d’images retravaillées de mocassins rappelant la triste découverte de 215 dépouilles d’enfants à l’emplacement d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops, en Colombie-Britannique.

C’est d’ailleurs dans la suite de cette nouvelle approche que s’inscrit l’exposition Tout geste est/et politique. Nadia Myre, Robert Myre & Molinari (2024), dans laquelle l’artiste met en relation l’engagement de son père, la pratique artistique de Guido Molinari et sa propre démarche à travers une juxtaposition d’archives familiales et d’œuvres contemporaines. 

La volonté de Nadia Myre de promouvoir le patrimoine autochtone s’étend aussi à l’art public. Parmi ses œuvres les plus en vue, Dans l’attente… While Waiting (2019), inspirée d’une reproduction du traité de la Grande Paix de Montréal de 1701, s’impose comme un point de repère à l’entrée de la métropole depuis l’autoroute Bonaventure. 

Récompensée par de nombreux prix, celle pour qui la création a d’abord servi à se réapproprier sa culture traditionnelle est devenue un véritable modèle de la valorisation des cultures autochtones à travers l’art. Son œuvre occupe aujourd’hui une place majeure dans les collections des plus importantes institutions culturelles du Québec et du pays. Le Musée des beaux-arts du Canada a d’ailleurs présenté, en 2025, une rétrospective de son riche parcours artistique, de même que de nouvelles œuvres créées en France, dans l’exposition Nadia Myre. Vagues du désir.

Nadia Myre se dit particulièrement fière de cette exposition. « Ce projet a été significatif puisqu’il a permis de voir l’évolution de mon parcours dans son ensemble, de tisser des liens entre mes premières œuvres et mes projets plus récents, et de mettre en lumière les thèmes de la mémoire, de la résilience et du dialogue culturel qui continuent d’orienter mon travail », explique-t-elle, en souhaitant que sa pratique « continue d’ouvrir des possibilités de réflexion, de connexion et de transformation, bien au-delà de chaque projet individuel ».

Information complémentaire

Membres du jury :

  • Mme Marie-Hélène Leblanc, présidente
  • Mme Sophie Casson
  • Mme Michelle de Broin
  • M. Jonathan Roy
  • Mme Lisa Tognon
Crédit photo :
  • Mélissa Vincelli