Dès le début de sa pratique littéraire au milieu des années
soixante, Nicole Brossard a manifesté ses préférences en
poésie tout en explorant la diversité de ses autres champs d’écriture
: poésie d’abord, mais aussi roman (French Kiss, 1974 ; Le
Désert mauve, 1987 ; Baroque d’aube, 1995) et critique, théâtre
et essais, textes théoriques et radiophoniques, articles d’intervention
dans des revues nationales et internationales. Avec près d’une quarantaine
d’œuvres, dont les temps forts sont réunis dans deux rétrospectives
– Le Centre blanc. Poèmes 1965-1975 et Double Impression.
Poèmes et textes 1967-1984 –, elle a participé très
activement, comme chef de file et comme activiste, à la génération
des années soixante et soixante-dix qui a renouvelé les thèmes
et les formes de la poésie québécoise. À l’écart
de la célébration du pays qui a marqué la génération
des poètes de L’Hexagone, elle a fondé son art poétique
sur une recherche théorique et pratique, sur une remise en question systématique
et radicale des formes acceptées du langage littéraire et du discours
de réflexion, puis, au cours des années soixante-dix surtout,
où son œuvre s’est consacrée plus exclusivement au «
continent des femmes », sur la mise en œuvre d’une écriture
au féminin dans une dynamique où alternent plans de fiction et
pans de réalité, dynamique qu’elle nommera « fiction théorique
».
Dans une rigoureuse et sensible quête du signifiant, l’écriture
singulière de Nicole Brossard interroge la matérialité
du texte et, tout en mettant en scène le sujet féminin, fait valoir
« la pensée de l’émotion et l’émotion de la pensée
». Dans une problématique de la transgression et de la rupture,
elle a déployé une œuvre dont les thèmes les plus
percutants disent le corps lesbien, l’urbaine radicale, la lumière et
le silence, ainsi que sa fascination pour les actes de passage que sont ceux
de la traduction, de l’écriture et de la lecture. Cela donne à
son univers poétique et romanesque, et même à ses textes
plus théoriques, une vaste amplitude, ancrée dans la sensibilité
et l’angoisse humaines les plus fondamentales, fondatrices des œuvres littéraires
cardinales.
Lauréate de plusieurs prix littéraires, activiste plurielle,
cofondatrice et codirectrice de La Barre du Jour, cofondatrice de la
revue Les Têtes de Pioche, coauteure d’une Anthologie de la
poésie des femmes au Québec (1991), Nicole Brossard a vu son
œuvre poétique, ses romans et ses essais largement traduits en anglais,
puis en espagnol, en allemand, en japonais, en roumain, en italien… Œuvre
phare, elle est étudiée et continue son rayonnement auprès
des nouvelles générations.